Salut à vous Philippe Jaffeux,

 

 

Le problème de l’hésitation a pour moi une valeur intense. L’hésitation apparait comme une forme quasi sismique. L’hésitation révèle l’hypothèse de la catastrophe, le si du séisme. L’hésitation apparait comme l’oscillation entre la finitude du monde et l’infini de l’univers.

 

Je ne crois pas à la dimension infinie de l’univers. J’ai plutôt la sensation d’une démesure du monde, c’est-à-dire la sensation de l’apparition du monde en dehors de toute mesure (que cette mesure soit finie ou infinie). A propos du problème de savoir si le cosmos est fini ou infini, les scientifiques restent prudents. Ils proposent seulement des hypothèses, même si l’hypothèse d’un univers infini est la plus fréquente. Comme je n’ai pas les aptitudes scientifiques pour répondre à ce problème, je préfère parler de monde transfini. Je trouve aussi intéressante l’hypothèse proposée par S. Hawkins dans une Brève Histoire du Temps.    « L’espace-temps serait comme la surface de la terre. (…) La surface de la terre est finie en expansion mais elle n’a pas de frontière ou de bord. Si vous filez vers le soleil couchant, vous ne tomberez pas du bord. ( …) On pourrait dire « La condition aux limites de l’univers est qu’il n’a pas de limites. » L’univers se contiendrait entièrement lui-même et ne serait affecté par rien d’extérieur à lui. Il ne pourrait être ni créé ni détruit. Il ne pourrait qu’Etre. » Ce que je reformulerai plutôt ainsi. Le monde apparait comme démesure immédiate du destin. La démesure du monde apparait comme création-destruction du destin (création-destruction de sa destination) en dehors de l’être et du néant.

 

 

l’éternel retour qui représente peut-être la plus puissante pensée de tous les temps.

 

Paradoxalement, étant donné ma fascination pour la répétition, la pensée de l’éternel retour m’intéresse assez peu. Par exemple la théorie de Deleuze de l’éternel retour comme machine transcendantale (si j’ose dire) à produire de la différence ne me semble pas très convaincante. Eternel retour, je trouve l’expression inexacte. J’ai le sentiment d’une répétition du monde, cependant je n’ai pas le sentiment que cette répétition soit un retour et qu’elle soit éternelle. J’ai plutôt le sentiment de la répétition comme tournure d’immortalité. La répétition révèle la tournure de l’immortalité plutôt que le retour de l’éternité. La répétition révèle les tournures de matière de l’immortalité, les tournures de matière de l’immortalité du monde. Cela semble une distinction futile et pourtant j’ai le sentiment que cette distinction est cruciale.

 

Dans son livre Economie Eskimo, le Rêve de Zappa. P. Thiellement évoque parfois ce problème de l’éternel retour. « Si nous prenons en compte le fait que l’espace lui-même n’est que le composé, que le substrat des forces en présence dans l’Univers, et que celui-ci est fini (sinon les forces s’y seraient toutes dissipées), alors nous commençons à nous rendre compte que le temps étant lui infini et éternel, toutes choses ont nécessairement eu lieu, ont lieu et auront encore lieu à nouveau. »

 

«  Ce que Nietzsche reprend à Héraclite est sa conception du devenir : c’est et ça n’est pas le même fleuve. Tout change mais cependant ce fleuve est un. Ce qui signifie que le devenir est lui-même pris dans un cycle qui le fait revenir. Il y a un revenir perpétuel du devenir (…) Ce que n’avait pas dit Héraclite mais que Nietzsche devinera est l’élément suivant : c’est parce que la quantité de forces qui compose le fleuve est finie, mais le temps à travers lequel il s’écoule infiniment lent, que tout ce qui devient revient. » 

 

« Il y a une réversibilité intégrale du déterminisme de nos pulsions. Si l’ensemble des passés, des présents et des futurs me détermine, le moment dans lequel je suis détermine à son tour la totalité des passés, des présents et des futurs. C’est pourquoi la vision de l’éternel retour comme cauchemar (réitération de chaque moment, prolifération des calques, défilés de mode, interminables tournées) peut se transformer en événement révolutionnaire, disruptif, insurrectionnel pur. »

 

Le problème de la tournure comme forme de répétition du destin reste pour moi un problème extrêmement confus. Je vous envoie des citations de Wikipédia à propos de ce que les physiciens appellent la valeur quantique de spin et des extraits de deux livres futurs Tournures de l’Utopie et Tu Sauf afin d’essayer de clarifier ce problème de la répétition tournoyante du destin.

 

 

 

 

 

 

                                                                                             A Bientôt              Boris Wolowiec

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le spin est, en physique quantique, une des propriétés des particules, au même titre que la masse ou la charge électrique. Comme d'autres observables quantiques, sa mesure donne des valeurs discrètes et est soumise au principe d'incertitude. C'est la seule observable quantique qui ne présente pas d'équivalent classique, contrairement, par exemple, à la position, l'impulsion ou l'énergie d'une particule.

 

Le spin a d'importantes implications théoriques et pratiques. Il influence pratiquement tout le monde physique. Il est responsable du moment magnétique de spin (…). Les particules sont classées selon la valeur de leur nombre quantique de spin (aussi appelé communément, le spin) : les bosons de spin entier ou nul et les fermions de spin demi-entier. Fermions et bosons se comportent différemment dans des systèmes comprenant plusieurs particules identiques ; le comportement fermionique de l'électron est ainsi la cause du principe d'exclusion de Pauli et des irrégularités de la table périodique des éléments. L'interaction spin-orbite conduit à la structure fine du spectre atomique. Le spin de l'électron joue un rôle important dans le magnétisme, et la manipulation des courants de spins dans des nano-circuits conduit à un nouveau champ de recherche : la spintronique. La manipulation des spins nucléaires par résonance magnétique nucléaire est importante dans la spectroscopie RMN et l'imagerie médicale (IRM). Le spin du photon – ou plus exactement son hélicité – est associé à la polarisation de la lumière.

 

Le spin a d'abord été interprété comme un degré de liberté supplémentaire, s'ajoutant aux trois degrés de liberté de translation de l'électron : son moment cinétique intrinsèque (ou propre). En d'autres termes, l'électron ponctuel était vu comme tournant sur lui-même — d'où le nom de « spin », en anglais « tour » ou « faire tourner ». Cependant, il est vite apparu que cette « rotation » est purement quantique et n'a pas d'équivalent en mécanique classique. La représentation du spin en termes de rotation est donc abandonnée. Wolfgang Pauli avait déjà montré en 1924 que, compte tenu des dimensions connues de l'électron, une rotation de l'électron nécessiterait une vitesse tangentielle de rotation à son équateur qui serait supérieure à la vitesse de la lumière, vitesse en principe infranchissable selon la théorie de la relativité restreinte.

 

 

 

 

 

 

 

 

Tournures de l’Utopie

 

 

Celui qui écrit sait le spin de chaque phrase et le spin de chaque lettre cependant il méprise le spin des mots. Celui qui écrit sait combien de fois une phrase tourne sur elle-même avant de reposer à l’intérieur d’une forme exacte. Celui qui écrit sait combien de fois il est nécessaire de répéter une phrase afin qu’elle donne une forme de sommeil exact à la chute immortelle du destin.

 

Chaque chose, chaque chair tourne un nombre particulier de fois sur elle-même afin de

retrouver la forme de son destin. Ce nombre de fois est son spin symbolique (parabolique). La chair tourne à chaque instant sur elle-même pour retrouver la forme de son destin. Les phrases surviennent là où la chair tourne sur elle-même pour retrouver la forme de son destin.

 

Le temps fait tourner la chair sur elle-même. Le temps provoque le tournoiement de la chair sur elle-même. A chaque tour, la chair apparaît selon une forme différente. Cependant à la suite d’un nombre particulier, chaque chair retrouve la forme de son destin.

 

Les chairs se distinguent par l’instant où elles trouvent la forme de leur destin pour la première fois et par le nombre de fois où elles parviennent à retrouver la forme de leur destin pendant leur existence.  Il y a des chairs qui trouvent cette forme avant même de naître, d’autres à la naissance, d’autres à 5 ans ou 10 ans ou 75 ans, d’autres à leur mort et il y a même ceux qui  meurent sans l’avoir jamais trouvée.

 

L’autre aspect est le rythme auquel chaque chair parvient à retrouver la forme de son destin, le rythme de sa répétition. Il y a des chairs qui après avoir trouvé cette forme une première fois ne la retrouvent jamais, d’autres qui la retrouvent une seule fois, d’autres qui la retrouvent des dizaines, des centaines, des milliers ou des milliards de fois. Il y aussi un paradoxe : ce n’est pas parce que deux corps ont le même spin qu’ils vont retrouver la forme de leur destin au même rythme, cela dépend en effet aussi de la vitesse de rotation de leur chair. Par exemple pour deux chairs qui ont le même spin (3) c’est à dire qui retrouvent la forme de leur destin après avoir effectué trois tours sur eux-mêmes, si l’un des deux à une vitesse de rotation 10 fois plus grande, il retrouvera la forme de son destin 10 fois plus souvent.

 

Il est ainsi nécessaire de distinguer la durée qui sépare deux rencontres avec la forme de son destin et le rythme auquel ces retrouvailles s’effectuent. Il y a des chairs qui retrouvent la forme de leur destin chaque jour, d’autres chaque semaine, d’autres chaque mois, d’autres chaque année, d’autres après plusieurs années. Cependant la chair qui retrouve la forme de son destin chaque jour après avoir effectué 20 tours sur elle-même n’a pas le même sentiment du destin que celle qui la retrouve chaque jour  après avoir effectué 10 millions de tours ou 2 tours. De même la chair qui retrouve la forme de son destin  tous les 20 ans après avoir accompli 5 tours sur elle-même n’a pas le même sentiment du destin que celle qui la retrouve tous les 20 ans après avoir accompli 500 tours.  

 

Ce qui compose l’âge symbolique d’un homme c’est ainsi la conjonction du temps dont il a besoin pour retrouver la forme de son destin avec le rythme du tournoiement sur lui-même qui correspond à ce temps.

 

 

 

Tu Sauf

 

 

Il existe des instants où la chair apparait absolument invulnérable et ainsi immortelle. A ces instants même si la chair se trouvait au milieu d’un tremblement de terre, sous les bombes ou parmi les coups de feu, elle resterait malgré tout intacte. La chair ne sait pas toujours où et quand surviennent ces instants d’immortalité. Ces instants surviennent ainsi comme des événements paradoxalement inconnus. C’est pourquoi ces instants d’immortalité de la chair ne sont pas identiques à des événements extraordinaires Parfois à l’instant où une chair devient immortelle elle accomplit des gestes simplement habituels. Quelqu’un reste assis sur une chaise à l’intérieur de sa maison ou il marche dans l’herbe de son jardin et à cet instant précis malgré tout sa chair apparait incroyablement immortelle.

 

L’ordre par lequel les événements d’une existence surviennent est plus révélateur et symbolique que ces événements eux-mêmes. Un homme qui rencontre le Christ à 10 ans et qui lit la Bible à 70 ans quelques jours avant sa mort sera très différent d’un homme qui lit la Bible à 10 ans et qui rencontre le Christ à 70 ans quelques jours avant sa mort.

 

Si le corps d’un homme devenait immortel et qu’il était ainsi apte à rencontrer l’intégralité des événements imaginables, les événements eux-mêmes n’auraient plus aucune importance, ce qui leur donnerait une valeur symbolique serait uniquement la forme de leur apparition à l’intérieur du temps, c’est à dire la composition de leur suite. La valeur symbolique des événements deviendrait ainsi celle de la syncope d’apocalypse de la phrase de temps qu’ils inventent.

 

Revivre exactement la même vie mais à l’envers, dans l’autre sens, de l’instant de sa mort à l’instant de sa naissance. Une deuxième vie qui serait semblable à une réversibilisation gratuite du temps. Cette inversion susciterait une sorte de révélation étrange, la révélation humoristique du toujours déjà connu. Cette vie rencontrée ainsi dans l’autre sens apparaitrait parfois aussi étonnante et imprévisible qu’une autre vie.

 

Il serait élégant d’inventer une forme d’existence à double temporalité, à temporalité de sens inverses. L’existence apparaitrait composée comme une forme de temps entrelacés, comme un pacte de temps.  Il y aurait la temporalité de la veille qui commencerait à la naissance et qui avancerait jour après jour vers la mort et la temporalité du sommeil dont la trajectoire serait inverse à celle de la veille, elle commencerait à la nuit de la mort pour revenir de  nuit en nuit jusqu’à la nuit de la naissance. Le premier jour d’éveil coïnciderait ainsi avec la dernière nuit de sommeil, le deuxième jour d’éveil avec l’avant dernière nuit de sommeil et ainsi de suite jusqu’à parvenir au dernier jour d’éveil qui coïnciderait avec la première nuit de sommeil. L’existence ressemblerait ainsi à une étreinte rituelle, une embrassade absurde et étrange de veilles et de sommeils.

 

Une forme de métempsycose à l’envers. Penser qu’un jour un autre que moi, Boris Wolowiec né le 4 Décembre 1967 à Angers renaitra dans mon propre corps, dans mon corps tel que je l’aurai abandonné à l’instant de ma mort.

 

Si nous devions retourner à l’intérieur du vide antérieur au temps à l’âge de 30 ans afin d‘y aller chercher notre âme, qui aurait sans honte l’audace d’accomplir ce geste ?

 

 

Une forme d’existence où l’âge de la mort et l’intégralité des événements de la vie sont fixés dès la naissance et où cependant chacun a le pouvoir de déterminer l’ordre selon lequel il préfèrera vivre les différentes années de sa vie. Par exemple, un homme qui sait qu’il mourra à 53 ans, choisira de vivre d‘abord sa vingt-huitième année puis sa neuvième, puis sa trente-quatrième et ainsi de suite selon la composition des âges qu’il désire. Chacun sera cependant obligé de vivre l’intégralité des années qui lui auront été données. Cette aptitude à ordonner selon son désir les diverses années de sa vie sera considérée comme la forme même de la liberté. Ceux qui choisiront de vivre malgré tout de façon chronologique seront soit dédaignés comme des déments soit admirés comme des messies.

 

Une forme d’existence où les hommes savent comment esquiver des âges. Par exemple 7 ans, 29 ans, 56 ans. Pendant l’année de l’âge qu’ils dédaignent, ils dorment. Ils disposent ainsi de gigantesques masses de sommeil grâce auxquelles  ils restent intégralement éveillés pendant les années qu’ils préfèrent.

 

Un homme qui vivrait alternativement un an d’existence éveillée puis se reposerait pendant  une dizaine d’années pour recommencer à exister un an pour encore se reposer pendant une dizaine d’années et ainsi de suite jusqu’à parvenir selon ce rythme jusqu’à l’âge de 60 ans ne serait ni un conservateur ni un révolutionnaire, il mépriserait l’ordre comme le désordre, il affirmerait la géographie des éclipses du temps.

 

Il serait agréable de vivre une existence avec des pauses de sommeil d’un siècle entre chacun de ses différents  âges. Par exemple, avoir un an en 1900, deux ans en 2000, trois ans en 2100… L’âge deviendrait ainsi une forme d’archéologie de l’âme.

 

Vivre 80 ans de telle manière que le corps soit vivant et visible seulement deux années par siècles. Le temps de la vie serait ainsi de 80 ans et le temps de l’existence de 40 siècles. Pendant les 98 années quasi superflues de chaque siècle, le corps attendrait comme une forme invisible. Les autres hommes sauraient que notre corps existe sans jamais savoir ni où ni comment. Pendant ces 98 années quasi superflues de chaque siècle, le corps ressemblerait à un bégaiement d’amnésie de l’ascèse comme à un trait d’esprit d’utopie de l’âme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Bonjour Boris Wolowiec,

 

 

Ouvrir une clef avec un fou rire. Merci pour ces mots. Il m'a semblé que les clefs pouvaient être ouvertes comme les traces des animaux pouvaient être lues...Ce n'est pas grand-chose que de savoir seulement lire des lettres. Le sens d’une clef se retourne contre lui-même avant de s’ouvrir à la mécanique insensée des mots. Les clefs, comme les mots, peuvent avoir d’autres fonctions, inespérées. Est-ce que votre phrase suggère l’idée que votre désinvolture est aussi une forme de clandestinité et vice-versa ? En lisant ces mots, j'ai aussi pensé que la " folie" (où plutôt l’au-delà de celle-ci, comme vous le dites) pouvait trouver sa place dans ce que vous nommez la clandestinité qui n'est peut-être, en fin de compte, qu'un moyen de définir l'acte d'écrire. (J'étais au Salon du livre où je n'ai évidemment pas fait une seule dédicace ; les salons ne sont pas clandestins.)Désirer devenir fou est, bien entendu, une aberration. Il est néanmoins raisonnable de constater que nous mourrons tous plus ou moins fous. Nos sociétés nous séparent de tout ce qui est déjà là, de ce qui est nécessaire à nos émerveillements et à nos extases, elles nous éloignent du lieu où se situe l'au-delà de la folie.

 

Aujourd'hui, je reviens vers le Tao. Cette voie monte sans cesse vers le haut parce qu’elle est la plus simple et en même temps elle va toujours de l'avant parce qu'elle est inépuisable. Le Tao : l'efficace (dernièrement ce mot a été traduit par fonctionnement). Tout est possible ; il suffit de faire corps avec le fonctionnement des choses (J.F Billeter). L'action de la non action (Wu Wei) est le moyen de suivre son Tao, d'être porté par celui-ci. Nous n'agissons plus sur le monde et nous ne sommes plus influencés par ses forces : nous faisons corps avec lui (à condition de prendre la nature pour modèle). Les taoïstes ont rejeté la civilisation, le progrès, l’ambition, l'étude, pour suivre la nature et leur intuition qui était, en fait, leur seul mode de connaissance. 

 

 

Artaud ne m’a jamais touché. J’ai assimilé, à tort peut-être, sa folie à un spectacle. J’ai toujours écris pour me soigner, pour oublier la maladie et j'ai du mal à comprendre ceux qui écrivent pour se souvenir de leurs blessures ou pour s’opposer à leur corps. Vous avez raison de souligner que sa lucidité n’était pas affirmative mais réactive. Dans le tao, la volonté et l’intentionnalité sont mises en sourdine afin de favoriser l’apparition d’un automatisme conscient ; la pratique d’un art, par exemple. Les taoïstes, contrairement à la majorité des traditions spirituelles, ont rejeté la parole mais le corps trouve sa place dans leur enseignement. Il me semble préférable de prendre conscience de son corps avec l’idée d’être sauvé par celui-ci (Nietzsche, Gurdjieff et la danse, par exemple).

 

J'apprécie l’écriture expérimentale de Ponge. Son œuvre est un formidable processus toujours en devenir ; aucune certitude ni absolu. A ce propos, l’hésitation, telle que vous l’entendez, est-elle un moyen d’intensifier notre scepticisme, de prendre goût à nos doutes libérateurs ? Le cosmos aussi est un outil qui nous permet de savoir que notre ego est une illusion. J’ai la possibilité de devenir un auteur à partir du moment où je reconnais que je ne suis qu’une simple production de mon œuvre.

 

Le revenir du devenir me nourrit. Cette pulsion roborative, cette énergie inépuisable, est à la source d’un élan créateur, d’une durée peut-être. Le temps est tellement lent qu’il me semble parfois imperceptible. Et si j’en parle, il se met à ralentir encore plus. L’écriture m’apparait être une activité absurde parce qu’elle est toujours en retard. L’éternel retour me révèle alors une méthode qui m’autorise à prendre de la distance avec moi-même, à me regarder vivre jusqu’à devenir comme ce peintre qui, un jour, disparaît dans son tableau, pour le meilleur et pour le pire.

 

 

Clandestinement vôtre, peut-être ?

 

 

Philippe Jaffeux.