Iniesta.

 

 

 

 

 

Iniesta est sans aucun doute le joueur le plus intelligent de l’histoire du football. L’intelligence c’est-à-dire l’aptitude à savoir lire entre les lignes. Iniesta est une sorte de Musil de football, un Musil décontracté, un Musil ultra-détendu

 

 

 

Incomparable vista d’Iniesta. Iniesta joue comme un visionnaire humble, un visionnaire tranquille, un visionnaire humble et tranquille. C’est comme si Iniesta était apte à évaluer à chaque instant du match les trajectoires de tous les joueurs sans exception (à la fois partenaires et adversaires) comme une sorte de ballet neuronal qui s’accomplirait sur sa rétine même.

 

 

 

A chaque instant Iniesta enregistre d’innombrables paramètres. Dans l’histoire du football, Iniesta est avec Di Stephano et Cruijff celui qui disposait du plus grand nombre d’indications à la fois sensorielles et mentales sur le match qu’il jouait.

 

 

 

Aucune impatience dans le jeu d’Iniesta. C’est comme si pour lui il semblait même inutile d’aller vite puisqu’il a déjà prévu et anticipé la multitude innombrable des trajectoires hypothétiques du match. Iniesta évolue ainsi sur le terrain comme une sorte d’émanation borgésienne, un fantôme borgésien qui disposerait à chaque instant de la mémoire même de l’avenir.

 

 

 

 

 

Ainsi ce qui est impressionnant dans le jeu d’Iniesta c’est son extrême lucidité et plus encore l’inimitable détente de cette lucidité, c’est une lucidité souple, une lucidité cool, celle d’un lynx étrangement située à l’intérieur d’un corps d’angelot. Extrême lucidité c’est à dire qu’Iniesta n’entreprend jamais une action sans en avoir auparavant évalué les conséquences, les conséquences non seulement pour ses partenaires du milieu de terrain et de l’attaque mais aussi même pour ceux de la défense. Iniesta n’entreprend jamais une action sans avoir évalué ses conséquences pour la globalité de l’équipe. Ce qui est alors si étonnant dans le jeu d’Iniesta c’est cette alliance d’audace et de prudence. Iniesta ne prend jamais des risques inconsidérés. Inesta préfère prendre des risques considérés. Inesta considère le ciel des risques. Iniesta considère à chaque instant le ciel de l’audace qui semble se dérouler devant ses yeux comme un immense rouleau presque magique des trajectoires déjà anticipées.

 

 

 

Cette lucidité c’est aussi celle d’un charme, le charme du inutile d’insister. A l’inverse des joueurs qui s’enferment dans des actions idiotes, Iniesta voit toujours lorsque la situation qu’il a pourtant initiée lui est finalement défavorable. A chaque fois Iniesta ne s’obstine pas et il préfère tranquillement revenir en arrière, c’est la forme de sa merveilleuse humilité. (Sur ce point le jeu d’Iniesta est rigoureusement inverse à celui de Maradona dont le génie était celui-là même de son orgueil, de la démence de son orgueil.)

 

 

 

Et c’est aussi parce que sa lucidité est extrême que le jeu d’Iniesta est intégralement dépourvu de routine et d’automatisme. Par exemple parce qu’il voit avec netteté à chaque instant la disposition de son équipe sur le terrain, lorsque Iniesta perd un ballon (ce qui arrive rarement), son attitude n’est presque jamais la même. Parfois il se bat avec acharnement pour reprendre le ballon, parce qu’il a tout de suite vu que son équipe a été surprise par sa perte de balle, parfois il se replace très vite sans se soucier de reprendre le ballon parce qu’il a déjà vu qu’un de ses partenaires n’est plus alors dans une position adéquate et parfois encore parce qu’il a vu que son équipe est parfaitement en place il ne fait rien, parfois il marche même alors un peu afin de se reposer. Cette élégance incessante de la vision globale du match a un aspect assez sidérant. En effet Iniesta sait. Iniesta sait avec une sorte de lucidité intuitive la multitude des événements qui prolifèrent à la surface du terrain.

 

 

 

 

 

Evolution de velours de la course d’Iniesta. Iniesta semble surfer sur l’échiquier du match. Iniesta semble surfer sur la mélodie du match, sur l’échiquier mélodique du match. Iniesta semble surfer tranquillement sur le chant du match, sur l’évolution du match, sur le chant d’évolution du match.

 

 

 

Il y a de l’araignée dans le jeu d’Iniesta. Iniesta joue au football à la manière d’un insecte télépathique, d’une araignée aux antennes télépathiques. Iniesta tisse à chaque instant les innombrables fils des modifications virtuelles du match à l’intérieur même de l’espace. Iniesta tisse à chaque instant des intuitions de déplacements, des intuitions de déplacements hypothétiques.

 

 

 

Iniesta évalue à chaque instant des éventualités et il parvient à tisser ces éventualités ensemble, à tisser le vent de ses éventualités ensemble. Iniesta évolue-évalue à chaque instant à l’intérieur du vent, à l’intérieur des éventualités du vent, à l’intérieur du tissu d’éventualités du vent, à la surface du ruban du vent, à la surface du ruban d’éventualités du vent. Iniesta tente à chaque instant de marcher comme une araignée, de surfer comme une araignée, comme une araignée angélique à la surface du tissu d’éventualités du vent.

 

 

 

Iniesta joue comme un courant d’air. Iniesta joue comme une petite brise, une petite brise qui  parvient pourtant à briser comme par enchantement les défenses les plus blindées. Iniesta joue comme un zéphyr, un zéphyr étincelant, un zéphyr de saphir.

 

 

 

Il y a de l’enchantement dans le jeu d’Iniesta, un enchantement enfantin, un enchantement bonhomme, une féerie enfantine, une féerie bonhomme, un enchantement de petit bonhomme, un enchantement de lutin, un enchantement de lutin étincelant, de lutin initié, de lutin étincelant initié. Iniesta semble à chaque instant enchanté par sa timidité même, à chaque instant ravi par sa timidité même, à chaque instant enchanté par la délicatesse inouïe de sa timidité.

 

 

 

Iniesta est un virtuose de la timidité. Iniesta est le Lenny Tristano du football. Le jeu d’Iniesta révèle que la timidité est une puissance d’enchantement, une puissance magique, la puissance d’enchantement d’anticiper à chaque instant la multiplicité des mondes. Le jeu d’Iniesta révèle que la timidité est l’aptitude enchanteresse à anticiper à chaque instant la multiplicité hypothétique des mondes.

 

 

 

 

 

Il y a une délicatesse inouïe d’Iniesta, une délicatesse en pantoufles, la délicatesse en pantoufles de la disponibilité. Extraordinaire disponibilité d’Iniesta. Iniesta apparait en effet  dispos à chaque instant selon une disposition à chaque fois inattendue, selon une disposition à chaque fois imprévisible.

 

 

 

Iniesta a des initiatives de douceur et des intuitions de satin, des intuitions de douceur et des initiatives de satin. Une sorte d’humilité illusionniste ou de douceur illusionniste aussi.  

 

 

 

Iniesta instille la clarté. Inista instille le tissu de la clarté. Iniesta instille les initiatives de la clarté, le tissu d’initiatives de la clarté. Iniesta instille le satin de la clarté, les initiatives de satin de la clarté. Iniesta instille le tissu de l’air. Iniesta instille le tissu de clarté de l’air, le satin de clarté de l’air. Iniesta instille les initiatives de l’air, le tissu d’initiatives de l’air, les initiatives de clarté de l’air.

 

 

 

Iniesta instille la délicatesse de l’air, les initiatives de délicatesse de l’air. Iniesta instille la douceur de l’air, les initiatives de douceur de l’air. Iniesta instille la timidité de l’air, les initiatives de timidité de l’air. Iniesta instille les intuitions de l’air, les intuitions de délicatesse de l’air, les intuitions de timidité de l’air, les intuitions de timidité délicate de l’air. Iniesta instille les intuitions de douceur de l’air, les intuitions de douceur timide de l’air, les intuitions de douceur délicate de l’air, les intuitions de douceur timide délicate de l’air.

 

 

 

Iniesta invente une forme prodigieusement délicate de l’initiative. Iniesta ne prend pas l’initiative. Iniestia semble plutôt déposer l’initiative. Iniesta dépose l’initiative avec une extrême délicatesse. Iniesta dépose l’initiative avec une délicatesse à la fois timide et féerique à la surface du sol.

 

 

 

 

 

Il y a à la fois une modestie et une majesté dans le jeu d’Iniesta, quelque chose comme une humilité prestigieuse. Iniesta joue avec l’allure d’un prince qui serait pourtant disponible comme un valet. Iniesta semble jouer comme le serviteur zélé et ailé de sa propre aristocratie. 

 

 

 

Iniesta a des attitudes de valet, de valet qui dispose malgré tout comme bon lui semble des pouvoirs d’un prince. Inesta joue au football comme un valet qui dispose à discrétion des pouvoirs d‘un prince, comme un valet qui dispose à loisir, à loisir comme à discrétion des pouvoirs d’un prince.

 

 

 

 

 

La connivence de deux génies du football comme Messi et Iniesta a quelque chose de miraculeux. Il est en effet rarissime que deux génies du football jouent dans la même équipe et de plus s’entendent ainsi spontanément. S’entendent parce qu’il y a en effet entre Messi et Iniesta une forme d’écoute musicale et quasi jazzistique, écoute comparable à celle entre Dizzy Gillespie et Charlie Parker ou entre Cecil Taylor et Ornette Coleman, incroyable connivence aussi entre deux génies sans orgueil, deux génies humbles, connivence comparable cette fois à celle de Dewaere et Depardieu au cinéma (dans les films de B. Blier).

 

 

 

Même si Messi est un joueur d’exception, c’est sans aucun doute grâce à Iniesta que son jeu est devenu si prodigieux. En effet même si Messi multiplie sur le terrain les trucs les plus extraordinaires, il n’est pas certain que Messi à l’inverse d’Iniesta comprenne l’intégralité des dimensions du football. Messi est un joueur unique sans être cependant un bon joueur. Messi ne joue pas bien au football, Messi joue autrement au football. Messi joue miraculeusement au football. Iniesta quant à lui joue parfaitement au football. Iniesta joue au football comme Raphaël peint. Iniesta joue aussi parfaitement au football que Raphaël peint.

 

 

 

 

 

L’auréole de sainteté, d’humilité sainte qu’Iniesta a autour de la tête est aussi une antenne parabolique.