Marges de Charles Dantzig

 

 

 

 

 

« Le présent donne une sensation d’immortalité (…) L’idée d’immortalité est née du simple fait d’exister. »

 

La sensation d’exister affirme la sensation de l’immortalité. L’immortalité n’est pas une idée, une idée qui nait, l’immortalité survient plutôt comme une sensation, comme la sensation d’apparaitre à l’intérieur du monde. La sensation d’exister déclare ainsi l’apparition de l’immortalité. La sensation d’exister déclare l’apparition immédiate de l’immortalité. La sensation d’exister déclare l’apparition de l’immortalité comme forme de l’inconnu, comme forme immédiate de l’inconnu. La sensation d’exister déclare l’apparition de l’immortalité comme projection de l’inconnu comme projection immédiate de l’inconnu. La sensation d’exister déclare l’apparition de l’immortalité comme symbole de l’inconnu, comme symbole immédiat de l’inconnu, comme symbole projectile de l’inconnu, comme symbole projectile immédiat de l’inconnu.

 

 

 

Exister affirme la sensation d’apparaitre à la fois mortels et immortels. Exister affirme la sensation d’apparaitre mortels comme immortels à l’intérieur du temps, à l’intérieur de l’extase du temps. Exister affirme la sensation d’apparaitre mortels comme immortels à l’intérieur de l’extase de solitude du temps.

 

 

 

 

 

« Chaque homme est une planète. »  

 

Chaque homme apparait comme une planète visible uniquement à l’œil nu. Chaque homme apparait comme une planète visible uniquement à mains nues. Chaque homme apparait comme une planète visible à mains nues et qui reste cependant invisible à œil vêtu.

 

 

 

« L’homme est partie melon partie machine. »

 

L’homme plante les machines comme des arbres. L’homme plante les machines comme des arbres et utilise les fruits. L’homme plante et récolte les machines. L’homme plante et récolte les machines et utilise les fruits.

 

 

 

« Certaines questions  ne sont que pour-nous mêmes et deviennent dangereuses quand on les pose à l’ensemble de l’humanité. »

 

C’est pourquoi il apparait préférable de ne jamais questionner l’humanité. La morale est justement ce désir dangereux de questionner l’humanité, de questionner sans cesse l’humanité en tant que loi. A l’inverse le jeu de l’éthique apparait comme le geste d’inventer des hypothèses et de poser des problèmes sans jamais adresser ces hypothèses et ces problèmes ni à soi, ni aux autres, ni à l’humanité. Le jeu de l’éthique adresse en effet uniquement ces hypothèses et ces problèmes aux formes de la civilisation, aux formes de la civilisation sans jamais les adresser à l’espèce humaine.

 

 

 

« Les narcissiques sont si vaniteux qu’ils croient qu’ils ont créé la pensée. »

 

C’est pourquoi la conversation devient une forme de jubilation quand nous avons la sensation,  la sensation de certitude que la pensée n’a jamais été créée et que la pensée ne crée jamais. La conversation devient une forme de jubilation quand nous avons l’intuition précise que la pensée n’est jamais créée ni à travers Dieu ni à travers l’homme et que la pensée ne crée pas non plus un Dieu ou un homme. La conversation devient une forme de jubilation quand nous avons l’intuition que la pensée apparait provoquée c’est-à-dire à la fois projetée comme séduite par la matière. Et que ce qui donne ainsi forme à cette projection de la pensée par la matière ce sont les sentiments, c’est l’animalité des sentiments.

 

 

 

« Je plaisante comme disait le bourreau après avoir raté le premier coup de hache. »

 

Plaisanter comme la hache se tait. Plaisanter comme la hache se tait à l’instant de décapiter le bourreau. Plaisanter comme la hache du silence. Plaisanter comme la hache de tu. Plaisanter comme la hache de l’ascèse. Plaisanter comme la hache d’ascèse de tu.

 

 

 

« La liberté est en marche sur ses moignons. »

 

Une forme de liberté : apprendre à son destin à marcher sur les mains. Une forme de destin : apprendre à sa liberté à marcher sur la tête.

 

 

 

 

 

« Les gestes se déplacent dans un temps différent du temps qui les entoure. »

 

Les gestes multiplient le temps. Les gestes multiplient les formes du temps. Les gestes multiplient à la fois le temps de celui qui accomplit ces gestes et le temps qui entoure celui qui accomplit ces gestes.

 

 

 

« Les gestes contredisent le temps. »

 

Les gestes paradoxalisent le temps. Les gestes paradoxalisent les formes du temps. Les gestes multiplient les paradoxes du temps. Les gestes multiplient les formes paradoxales du temps. Les gestes  provoquent la prolifération des paradoxes du temps. Les gestes provoquent la prolifération de formes paradoxales du temps.

 

 

 

« Enfant, je croyais que le passé se trouvait  sous le bitume des rues, et que si on le soulevait, on trouverait Louis XVI. »

 

Quand le passé se trouve à l’intérieur de la terre, le futur se trouve à l’intérieur du ciel. Quand le futur se trouve à l’intérieur de la terre, le passé se trouve à l’intérieur du ciel.

 

 

 

« Je parle maintenant, je remue la main jadis. »

 

Parler maintenant comme regarder jadis. Parler avec la main de maintenant comme regarder  avec la bouche de jadis. Parler avec la bouche de maintenant comme regarder avec la main de jadis. Parler avec front de maintenant. Parler avec le front de maintenant comme regarder  avec la main de jadis. Parler avec la main de maintenant comme regarder avec le front de jadis. Parler avec la main de maintenant comme regarder avec les joues de jadis. Parler avec la main de clarté de maintenant. Parler avec la main de clarté de maintenant comme regarder avec les joues d’obscurité de jadis.

 

 

 

 

 

« Les gestes sont de la surface. »

 

Les gestes s’immiscent entre la surface et la profondeur. Les gestes surviennent entre la surface et la profondeur. Les gestes surviennent entre la surface de la peau et la profondeur des muscles. Les gestes surviennent entre la profondeur de la peau et la surface des muscles.  Les gestes surviennent entre la surface de la peau et la profondeur du sang. Les gestes surviennent entre la profondeur de la peau et la surface du sang.

 

 

 

« Dans la gluante profondeur sont rejetées les choses que nous voulons cacher, parfois pour notre bien et pour celui des autres. »

 

Malgré tout la profondeur n’est pas obligatoirement gluante. La profondeur de l’eau apparait plutôt lisse, lisse comme une enclume, ou encore vivifiante comme une enclume d’écume. La profondeur de l’air n’est pas gluante. La profondeur de l’air s’immisce et tourne comme la fumée du feu, comme la fumée de translucidité du feu.

 

 

 

« Or, ce qui est en surface n’est pas nécessairement trompeur ou vain, pas plus que ce qui est caché n’est nécessairement sordide ou révélateur. (…) Le caché peut être anodin, la surface essentielle. »

 

Le profond caché apparait aussi nécessaire et intense que le superficiel montré. Et de même le profond montré apparait aussi nécessaire, intense et exaltant que le superficiel caché, que la surface offusquée, que la surface-écran.

 

 

 

 

 

« Il y a toujours un trou dans le raisonnement le plus impeccable, c’est le moment où s’approchant de l’explication fondamentale, celle-ci s’enfuit comme une bille au fond de l’espace. Et c’est cette connaissance toujours plus fugace que l’on peut appeler mystère. » 

 

Le mystère n’est pas une faille de la raison. Le mystère n’est pas une lacune infinie de la pensée. Le mystère apparait à chaque instant en dehors de la connaissance. Le mystère affirme l’inconnu immédiat. Le mystère apparait ainsi parfois proche, parfois lointain, parfois au-dessus de notre tête, parfois en deçà de nos pieds, parfois autour de notre corps et parfois à l’intérieur.

 

 

 

Le mystère apparait immobile. Le mystère apparait avec une immobilité intégrale, une immobilité absolue. Et c’est nous et notre désir de mouvement, notre désir de connaissance, le désir de mouvement de notre connaissance qui le fuyons.

 

 

 

« Les secrets existent, tout le monde en a, souvent les mêmes, comment se fait-il que, avec les mêmes origines familiales que bien d’autres chacun soit devenu ce qu’il est, c’est un mystère. Le mystère me paraît plus significatif que le secret. On peut dévoiler les secrets, on n’explique jamais les mystères. »

 

Le secret a un sens et n’a pas de forme. Le secret est un signe de ponctuation informe. Le mystère a une forme et n’a pas de sens. Le mystère affirme la forme de l’insensé. Le mystère donne une forme à l’insensé. Le mystère donne une forme précise à l’insensé.

 

 

 

 

 

« Le sexe de l’homme est extérieur et celui de la femme intérieur. »

 

L’homme dissimule la visibilité de son sexe avec la duplicité de sa pensée. La femme dissimule la duplicité de sa pensée avec l’invisibilité de son sexe. L’enfant évoque la multiplicité de son sexe avec l’invisibilité de sa pensée.

 

 

 

« L’amour d’une femme est incompatible avec l’amour de l’humanité. L’imperfection doit être rejetée. Rien n’est plus imparfait que l’égoïsme à deux. »

 

L’amour d’une femme apparait plus sublime que la pitié envers l’humanité. L’imperfection de la pitié envers l’humanité doit être rejetée. La pitié envers l’humanité n’est rien d’autre qu’un égoïsme à deux. L’amour d’une femme affirme le geste de partager la connivence des solitudes, la connivence des solitudes en dehors de l’unité et de la duplicité. L’amour d’une femme affirme le geste de partager la connivence des solitudes en dehors des chiffres, la connivence des solitudes d’une manière indéchiffrable.

 

 

 

« Les gens qui nous aiment n’ont aucun goût. »

 

L’amour n’est pas un sentiment esthétique. L’amour est apparait comme un sentiment sublime. Aimer l’autre ce n’est pas aimer son élégance ou sa beauté. Aimer l’autre c’est  aimer d’abord sa monstruosité. Aimer l’autre c’est acquiescer à sa monstruosité. Aimer l’autre c’est respirer sa monstruosité. Aimer l’autre c’est inhaler sa monstruosité, c’est inhaler sa monstruosité avec une joie violente.

 

 

 

« Il n’y a que l’amour, mais ne le répétez pas. » 

 

Seul existe l’amour et répétez-le  à chaque instant. Seul existe l’amour et répétez-le à chaque phrase, à chaque phrase de l’instant à ceux que vous aimez et à ceux qui vous aiment.

 

 

 

 

 

« Les gestes que font les mains durant l’amour n’ont pas à être nommés. »

 

Les gestes de l’amour apparaissent prénommés. Les gestes de l’amour apparaissent prénommés plutôt que nommés. Les gestes de l’amour apparaissent prénommés par la bouche. Les gestes de l’amour apparaissent prénommés par la coïncidence du regard et de la bouche. Les gestes de l’amour apparaissent prénommés par la connivence du regard et de la bouche. Les gestes de l’amour apparaissent prénommés par la pulsion de la chute. Les gestes de l’amour apparaissent prénommés par la pulsion de clarté de la chute.

 

 

 

« L’amour. Otarie posée sur le monde. »

 

L’amour apparait comme une otarie. L’amour apparait comme une otarie d’uranium. L’amour apparait comme une otarie d’uranium posée à l’extrémité du monde. L’amour apparait comme une otarie d’uranium posée à l’extrémité de la chute du monde, à l’extrémité de la chute inexorable du monde.

 

 

 

 

 

« Les bébés semblent encore sous l’eau, dans le liquide amniotique dont ils sont à peine issus  et dont ils ont gardé le souvenir, disons les habitudes. Jusqu’à ce qu’ils marchent, leurs gestes sont aquatiques. »

 

Le bébé nage à l’intérieur de l’air. Le bébé joue à nager à l’intérieur de l’air. Le bébé joue à nager à l’intérieur de l’air comme une marionnette, comme une marionnette amniotique. Le bébé s’amuse à nager à l’intérieur de l’air. Le bébé s’amuse à nager à l’intérieur de l’air comme une marionnette amniotique.

 

 

 

« Un bébé est un panda. »

 

Le bébé apparait comme un panda sur la margelle d’un puits. Le bébé jongle avec ses orteils. Le bébé jongle avec ses orteils comme un panda. Le bébé jongle avec ses orteils comme un panda sur la margelle d’un puits.

 

 

 

Le bébé jongle avec les bégaiements. Le bébé jongle avec le vide. Le bébé jongle avec les bégaiements du vide. Le bébé jongle avec les bulles de savon. Le bébé jongle avec les bulles de savon du vide. Le bébé jongle avec les bégaiements de bulles de savon du vide.

 

Le bébé jongle avec les sourires du vide. Le bébé jongle avec les bégaiements de sourires du vide. Le bébé jongle avec les bulles de savon de sourires du vide.

 

 

 

 

 

« Les mains nous finissent. Les mains nous commencent. »

 

Les mains essaient à chaque instant de commencer la fin et de finir le commencement. Les mains essaient à chaque instant à la fois de commencer la fin et de finir le commencement de la chair.

 

 

 

« Malheureux pieds, si privés d’expressivité. »

 

Le pied de l’homme à l’instant il tombe devient le piédestal du vide. Le pied de l’homme à l’instant il tombe devient le piédestal de la statue du vide, le piédestal paradoxal de la statue du vide.

 

 

 

« Je marche en moi-même. »  

 

Marcher parmi son ombre. Marcher parmi les éclaboussures de son ombre. Marcher parmi l’amnésie de son ombre. Marcher parmi les éclaboussures d’amnésie de son ombre. Marcher à l’orée de son ombre. Marcher à l’orée des éclaboussures de son ombre. Marcher à l’orée des éclaboussures d’amnésie de son ombre.

 

 

 

 

 

« Le poète marche sur une corde. Elle est posée par terre. »

 

Celui qui écrit marche sur la terre. Et cette terre repose malgré tout sur un fil. Celui qui écrit marche sur la terre. Et cette terre repose sur le fil du ciel.

 

 

 

Celui qui écrit marche par terre. Malgré tout celui qui écrit a le sentiment que cette terre sur laquelle il marche marche elle-même sur un fil et que ce fil sur lequel la terre marche marche lui-même sur le vide.

 

 

 

« Le génie est une barbarie. Ce n’est pas lui qui fait une civilisation. »

 

Le génie donne à sentir la civilisation de l’instant. Le génie donne à sentir la civilisation de l’enfance. Le génie montre la civilisation d’instant de l’enfance.

 

 

 

« Le poète sculpte des figurines de sexe dans les fossiles. »

 

Sculpter des figurines de sexe à l’intérieur des gouttes d’eau. Extraire des fossiles de sexe à l’intérieur des gouttes d’eau. Savoir comment extraire des fossiles de sexes des gouttes d’eau.

 

 

 

 

 

« Le chef d’œuvre est un fracas, seulement c’est un fracas de fleur. Les amateurs de méga-camions ne le remarquent pas... »

 

Le chef d’œuvre révèle le fracas d’une fleur comme le tact d’un méga-camion, comme l’élégance d’un méga-camion. Le chef d’œuvre révèle à la fois l’éclosion de camion de la fleur et la distinction de fleur du camion. Le chef d’œuvre révèle que la fleur éclot parfois comme un méga-camion et que le méga-camion reste parfois en attente sur le parking comme une fleur, comme une gigantesque fleur, comme une fleur faramineuse.

 

 

 

 

 

« Certains sports ne peuvent prétendre à aucune utilité sociale, ressemblant alors vraiment à la littérature. Le badminton par exemple. »

 

Savoir comment jouer au badminton avec les étoiles. Savoir comment jouer au tennis avec les constellations. Savoir comment jouer au badminton avec le sourire des étoiles. Savoir comment jouer au tennis avec les hurlements de constellations. Savoir comment jouer au badminton avec la tendresse des étoiles. Savoir comment jouer au tennis avec la colère des constellations. Savoir comment joue au tennis avec l’intolérance des constellations.

 

« Que la vie pourrait être pareille à ce nœud d’échangeurs

 

Qui là-bas

 

Dressant ses piliers à des hauteurs de jungle

 

Faufile sur eux un grand huit de rubans

 

Qui plongent, se déhanchent, ondulent des épaules

 

Et s’écartent toujours à l’endroit du cœur

 

(C’est cela le bonheur

 

Dit l’invisible ingénieur arrangeant son bouquet

 

D’arums de bitume emmêlés)

 

Echangeurs émouvants où l’on n’échange rien

 

 

Cathédrale des esquives »   

 

Les échangeurs d’autoroute s’enroulent et se déroulent comme les gigantesques tentacules d’un monstre invisible, comme les gigantesques tentacules d’un monstre d’une civilisation invisible, comme les gigantesques tentacules d’un monstre d’une civilisation inconnue. Et à l’instant où nous y roulons, nous devenons soit une pensée, soit une intuition, soit un sentiment de ces tentacules.

 

 

 

« La première crucifixion dans l’art daterait du début du Vème siècle : sur la porte de l’église Sainte-Sabine de Rome… »

 

« Le premier morceau de sucre enveloppé dans du papier. »

 

Savoir comment sucrer une crucifixion et savoir comment crucifier un sucre. Crucifier un sucre avec son sourire. Crucifier un sucre avec sa voix. Crucifier un sucre avec le sourire de sa voix.

 

 

 

 

 

« Ne laissez pas votre orgueil vous priver de votre plaisir. »

 

C’est une forme prodigieuse d’humilité que de parvenir à affirmer de manière à la fois insouciante et paisible la bêtise de son plaisir.

 

 

 

« La virtuosité est un élément de la gentillesse. »

 

La virtuosité révèle la gentillesse de l’épouvante. La virtuosité révèle la gentillesse du désespoir. La virtuosité révèle la gentillesse d’épouvante du désespoir.

 

 

 

« Le tact est l’imagination de ce que peuvent ressentir les autres ; qu’il ressortisse à l’imagination explique qu’il soit si rare. »  

 

Le tact a des doigts de crevette et un sexe d’âne. Le tact révèle à la fois les doigts de crevette du cerveau et le sexe d’âne du regard.

 

 

 

 

 

« Les autres nous limitent. Voilà pourquoi on se fait de nouveaux amis : on essaie d’étendre sa gamme. »  

 

Les autres à la fois nous divisent et nous multiplient. Les autres nous divisent parce qu’ils nous limitent, parce que ce qu’ils pensent de nous nous limitent. Et les autres nous multiplient parce que la manière par laquelle ils imaginent notre existence illimite cette existence.

 

 

 

« L’extravagant nous marche sur les pieds. »

 

L’extravagant nous marche sur le regard des pieds. L’extravagant marche sur les yeux de nos orteils. L’extravagant marche sur les yeux de nos orteils avec le rire de son chapeau. L’extravagant marche sur les yeux de nos orteils ave les sanglots de rire de son chapeau, avec les sanglots de chance de son chapeau.

 

 

 

« L’abracadabrant nie le jugement ainsi que le ridicule. »

 

 L’homme ridicule est simultanément l’homme qui craint d’être jugé et l’homme qui craint de juger les autres. L’homme qui craint d’être jugé sans craindre de juger les autres n’est pas ridicule, il est inquiet, sans que cette inquiétude ne soit pourtant risible. L’homme qui craint de juger les autres sans craindre d’être jugé par les autres n’est pas non plus ridicule, il est sceptique et son scepticisme est la forme même de sa moquerie.

 

 

 

« La pensée est une méthode. L’idée est une illumination. »

 

« La barbe est une idée (chez les hommes) ; chez les femmes, ce sont les cheveux. »

 

La barbe des hommes apparait comme une méthode d’illuminations, une théorie d’étincelles obscures, une méthode d’étincelles obscures disposée autour du visage. Les cheveux des femmes apparaissent comme un écheveau de sentiments lumineux. Les cheveux des femmes composent un écheveau de divinations, un écheveau de sentiments divinatoires.

 

 

 

« Les cheveux en touffe sur la tête, fumant, et on dirait que la fumée sort de ses cheveux. Image de l’angoisse. »

 

La honte fume la chevelure. La honte fume la tourbe de la chevelure. La honte fume le marécage de la chevelure. La honte fume le chapeau de la chevelure. La honte fume le chapeau de termites de la chevelure. La honte fume le chapeau de charbon de la chevelure.

 

 

 

 

 

 

 

« L’hérédité ce sont des bouffées. »

 

L’hérédité engendre des bouffées d’attitudes, des bouffées d’intonations, des bouffées de pensées, des bouffées de rêves. Soudain il y a une foule qui nous côtoie, une foule d‘hommes et de femmes familiers que nous reconnaissons sans jamais cependant les connaitre, une foule de familiers que nous reconnaissons sans jamais connaitre cependant ni leurs visages, ni leurs noms, une foule de familiers anonymes, une foule de familiers anonymes que nous reconnaissons exclusivement de ton. L’hérédité engendre des hantises de tons, des tonalités fantômes.

 

 

 

« La célébrité est un métier qui se paie au prix de l’humiliation. »

 

Celui qui est célèbre éprouve l’humiliation d’être reconnu pour rien. Celui qui est célèbre éprouve l’humiliation d’être reconnu par n’importe qui et n’importe comment. Celui qui est célèbre éprouve l’humiliation d’être reconnu à travers le néant. Celui qui est célèbre éprouve  l’humiliation d’une reconnaissance du néant.

 

 

 

« L’année même de sa mort, Pascal organisait le premier système de transport en commun de Paris, les carrosses à cinq sols. »

 

Parier sur Dieu ce serait alors peut-être aussi organiser les transports en commun de la mort.  Justifier la croyance en Dieu à travers un système de probabilités ce serait une façon d’organiser les transports en commun de la mort, les transports en commun payants de la mort.

 

 

 

« Si le conditionnel n’existait pas, l’humanité se serait exterminée. »

 

Il y a un casino du conditionnel. Parler au conditionnel c’est comme miser ses jetons sur la roulette même du casino et faire tourner la bille sur la table même des paris.

 

 

 

Si l’humanité n’existait pas, Dieu serait le conditionnel du suicide. Si l’humanité n’existait pas, Dieu serait le mode conditionnel du suicide.

 

 

 

« La mondanité tue tout même les vices. »

 

La mondanité dédaigne à la fois la vertu et le vice. La mondanité développe une « émission de signes » (Deleuze) qui anéantit simultanément la moralité et l’immoralité. La structure de la mondanité est virale. A travers la structure de la mondanité, la vertu se change en virus de vertu et le vice en virus du vice. L’important pour l’homme mondain c’est de reproduire et surtout de propager la viralité du simulacre, la viralité du simulacre infini.

 

 

 

« Pourquoi nous avoir fait croire aux microbes, à l’électricité et à la race blanche ? »

 

La mondanité fait croire à l’électricité microbienne de l’homme blanc, au microbe électrique de l’homme blanc, au microbe électrique de l’homme occidental.

 

 

 

« Qu’elle est l’une des manifestation de la peur ? La paresse. »

 

La paresse angélise la peur. La paresse est l’aspect angélique de la peur. La paresse désire changer la peur en panneau de sens interdit. 

 

 

 

 

 

« Souvent, les gens qui aiment le beau n’ont pas de cœur.»

 

Et à l’inverse souvent les gens qui ont du cœur restent malgré tout indifférents au beau.

 

 

 

« La défenestration (...) est donc le suicide le plus dédaigneux pour la vie, tandis que le suicide par pendaison, le plus calculé en outre du plus déterminé (…) est le plus déférent. Qui se pend aime la vie qu’il quitte, qui se jette la méprisé. »

 

La défenestration apparait comme la forme la plus dédaigneuse du suicide. Se défenestrer c’est se jeter par la fenêtre comme un ange du mépris. Se défenestrer c’est se jeter par la  fenêtre comme un squelette d’ailes, comme le squelette d’ailes du mépris, comme un squelette d’ailes blessées, comme le squelette d’ailes blessées du mépris.

 

 

 

« Il ne faut à mon sens aucune ponctuation sur les tombes. »

 

Le cynisme essaie de creuser de tombes à l’intérieur des signes de ponctuation. Le cynisme dilettante creuse des tombes à l’intérieur des virgules. Le cynisme distrait creuse des tombes à l’intérieur des points virgules. Le cynisme candide creuse des tombes à l’intérieur des points d’exclamation.