Jeu de l’Enfant.

 

 

 

L’enfant joue avec la solitude.

 

L’enfant abandonne son père et sa mère à chaque fois qu’il joue.

 

 

L’enfant ne désire pas savoir qui est qui. L’enfant cherche à savoir qui joue avec quoi et quoi joue avec qui.

 

L’enfant sait qu’à force de jouer il trouvera quelque chose.

 

L’enfant sait qu’à force de retrouver quelque chose, il inventera un nouveau jeu.

 

 

L’enfant joue avec les choses exactement de la même manière quelles que soient leurs dimensions. Il essaiera d’entrer à l’intérieur de la maison même si celle-ci est minuscule ou tentera de s’asseoir sur la chaise même si celle-ci est gigantesque. L’enfant joue comme il utilise les choses sans jamais se soucier de leurs dimensions. Le monde de l’enfance apparait comme un monde sans dimension, ou plutôt un monde aux dimensions réversibles (voir Lewis Carroll) ou encore le monde de la dimension zéro. Pour l’enfant, même si une chose n’est pas à la taille de son corps, elle apparait toujours à la taille de ses besoins et de ses pulsions.

 

 

Le jeu de l’enfant invente une forme de montage acinématographique, asyntaxique et agrammatical. Le jeu de l’enfant invente une forme de montage climatérique, atmosphérique, une forme de montage météorologique.

 

Le jeu de l’enfant invente des formes de montage par événements météorologiques, par manières météorologiques. Le jeu de l’enfant accomplit des montages par nuages, par pluie, par vent, par soleil, par terre.

 

 

L’enfant joue à la toupie avec l’éléphant.

 

L’enfant joue à la toupie avec l’otarie et au mikado avec l’éléphant. L’enfant joue aux dés avec la ruche d’abeilles, à la toupie avec l’otarie et au mikado avec l’éléphant.

 

L’enfant joue aux dominos avec le cri des hirondelles. L’enfant joue aux dominos avec le champ de blé.

 

L’enfant joue à la pelote avec les statues. L’enfant joue au mikado avec le tonnerre.

 

L’enfant joue à la marelle avec son ombre. L’enfant joue à la marelle avec le sourire de son ombre.

 

L’enfant joue avec les allumettes pour inventer le hasard. L’enfant joue avec les dés pour inventer le feu.

 

L’enfant joue aux dés pour changer les glaçons en grains de sablier.

 

L’enfant joue aux cow-boys et aux indiens avec les papillons.

 

L’enfant joue aux osselets comme il jongle avec la disparition des dinosaures.

 

En rêve, l’enfant joue au poker avec le kangourou. En rêve l’enfant joue les hommes au poker avec le kangourou.

 

 

L’enfant fait rebondir la balle de caoutchouc irisée jusqu’à ce qu’elle devienne invisible et intouchable. L’enfant fait rebondir la balle de caoutchouc irisée jusqu’à ce qu’elle devienne  le fruit d‘un arbre.

 

L’enfant joue au basket en jetant des chaussettes en boule à l’intérieur des étagères de bibliothèque.

 

 

L’enfant joue à cogner son cerveau contre sa tête.

 

L’enfant joue au ping-pong avec l’arbre de la décapitation.

 

L’enfant sait comment jouer avec les pieds du cœur.

 

L’enfant joue au boomerang avec les serrures. L’enfant joue au boomerang avec l’équarrissage des serrures.

 

L’enfant aimerait bien que les boucles d’oreilles soient les jouets de la colère.

 

 

L’enfant joue aux cartes pour apprendre à pêcher le cœur de la table.

 

L’enfant joue aux cartes comme il pèche des carrés à l’intérieur de la rivière de la table.

 

L’enfant joue aux cartes comme il pèche les fleurs du carré. L’enfant joue aux cartes comme il pêche les pétales de hasard du carré. L’enfant joue aux cartes comme il effeuille les pétales de hasard du carré.

 

L’enfant joue aux cartes pour flairer la table comme un trèfle à quatre feuilles. Quand l’enfant joue aux cartes, il sait que la table où il se tient assis est le trèfle à quatre feuilles d’un bonheur géant.

 

Quand l’enfant joue aux cartes, il sait que les mains des hommes sont les outils de l’oisiveté.

 

Quand l’enfant joue aux cartes il découvre qu’il y a des figures humaines siamoises d’elles-mêmes. Quand l‘enfant joue aux cartes, il découvre que la table est parfois le lieu de rendez-vous entre  les nombres, les fleurs, les organes du corps et les figures humaines siamoises d’elles-mêmes.

 

L’enfant sait que c’est la ressemblance des hommes les uns avec les autres qui bat et distribue les cartes à jouer.

 

L’enfant distribue les cartes comme il plante des cheveux à l’intérieur du crâne d’un géant. L’enfant distribue les cartes comme il plante des racines d’écailles à l’intérieur de la tête de la terre, à l’intérieur de la tête de géant de la terre. L’enfant distribue les cartes comme il plante des racines d’écailles à l’intérieur du cratère d’un volcan, à l’intérieur du quadrilatère d’un volcan.

 

L’enfant joue aux cartes afin de poster la table à l’adresse du volcan.

 

L’enfant joue aux cartes afin de cueillir la table. L’enfant joue aux cartes comme il cueille la mémoire de la table. L’enfant joue aux cartes comme il cueille la mémoire mathématique de la table.

 

L’enfant joue aux cartes avec la disposition des meubles. L’enfant joue aux cartes avec les ombres des meubles.