Bonjour Boris, bonjour Ivar

 

 

 

Comme annoncé, lente progression dans le livre (non pas à cause du livre, mais de contraintes extérieures multiples).

 

Amitiés à tous les deux

 

Florence

 

 

 

 

 

8 septembre

 

Chapitre par suite

 

La question des génitifs emboités. Dans quel sens les lire, se demande-t-on parfois ? Ex. La parabole d'anesthésie de la certitude. Parabole d'anesthésie ou anesthésie de la certitude. Il y a réversibilité. Je ne sais pourquoi je pense à certains thèmes de fugue de Bach autre virtuose de la combinatoire.

 

« Chaque phrase à l'instant de son inscription méprise la totalité des autres pensées possibles â ce même instant. Chaque phrase déclare la chose de détruire le tout du sens. » 

 

Si c'est la méthode du livre, je n'ai bien sur rien à dire.

 

Mais dans un cas autre, je pense que la phrase au moment de son inscription serait plutôt comme une phrase à œillères mais qui ne peut néanmoins s'empêcher d'embarquer à bord du latéral, de l'avant et de l'arrière.

 

Chapitre sans doute central en forme de clé. Un peu le discours de la méthode. Sauf qu'ici ce n'est sans doute pas raison qui prévaut mais alliage "insensé" de raison et de déraison, d'instinct et de suite dans les idées, de pensée et de pulsion.

 

"Chaque phrase survient comme un échafaud de cendres"

 

Et moi qui parlais l'autre jour de formes éphémère donnée à la masse de l'oubli!

 

 

 

18 septembre

 

Certitude (Wolowiec)

 

Je n’écris pas comme je le fais souvent « De la certitude », car je ne suis pas sûre qu’ici il soit question de la certitude au sens usuel. Je peine d’ailleurs à comprendre ce chapitre, mais je sais que comprendre n’est pas forcément déterminant. Ce qui est déterminant, c’est lire, recevoir, écouter même cette parole en son étrangeté et sa différence.

 

Une sorte de travail souterrain s'est fait dans le temps où je n'ai pu le lire. J'y reviens avec le sentiment d'une certaine familiarité.

 

Sur la question  du rythme je note ceci : des phrases courtes et sèches même, mixant souvent les mêmes matériaux puis dans chaque chapitre, soudain, des groupes qui donnent le sentiment d'une accélération et aussi d’une agglutination de la pensée. Comme si le régime motorique changeait à partir du même principe de répétition. Une embardée ?

 

Effet accumulatif, redondant mais avec variations subtiles. Il parle de Pollock, je pense aussi à Phil Glass dont j'ai écouté aujourd'hui le concerto pour piano et le concerto pour clavecin. Il serait passionnant de faire une étude de texte fine sur un seul chapitre, à partir du mot générateur et des mots-clés qui reviennent sans cesse….

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Florence,

 

 

 

 

 

La question des génitifs emboités. Dans quel sens les lire, se demande-t-on parfois ? Ex. La parabole d'anesthésie de la certitude. Parabole d'anesthésie ou anesthésie de la certitude.

 

Précisément les deux en même temps. Et plus précisément encore, les trois en même temps. Parabole d’anesthésie, anesthésie de la certitude et aussi surtout parabole de la certitude.  Ainsi pour comprendre comment les génitifs s’emboitent c’est très simple. La formule parabole d’anesthésie de la certitude est à lire (à entendre) d’abord comme parabole de la certitude, à l’intérieur de laquelle il y a cependant parabole de l’anesthésie et anesthésie de la certitude. Cette forme d’emboitement aphoristique effectue ainsi une distorsion de la grammaire française. Cela provoque sans aucun doute une difficulté de lecture. Pour lire ces formules, il est nécessaire de les lire de manière instantanée en sauvegardant malgré tout une sorte d’attente nominale au cœur même de cette instantanéité. C’est ce que j’appelle parfois pour rire l’aspect polonais de ma syntaxe. Aspect polonais pour le jeu de mot Pologne-Pôle. L’emboitement des génitifs révèle ainsi un problème de polarité, le problème de polarité nominale de la phrase. Polarité nominale de la phrase qui serait semblable à la valence chimique que j’évoquais dans ma lettre antérieure.

 

 

 

Ce n'est sans doute pas raison qui prévaut mais alliage "insensé" de raison et de déraison, d'instinct et de suite dans les idées, de pensée et de pulsion.

 

Le par suite ne révèle pas une suite des idées. Le par suite affirme plutôt la suite des pulsions, des intuitions, des sentiments, des sensations qui deviennent des phrases, qui deviennent des phrases sans jamais avoir été des pensées. Le par suite affirme plutôt la pulsion de la phrase en deçà de la pensée, la pulsion de phraser en deçà de la pensée.

 

 

 

Comprendre n’est pas forcément déterminant. Ce qui est déterminant, c’est lire, (…).

 

J’ai l’impression que vous employez souvent cette notion de détermination. Je regarde un peu dans le dictionnaire les différents sens du mot. « Déterminant. Qui détermine, qui amène à prendre une décision. Détermination. Action de déterminer, de préciser. » Ce que je cherche à l’intérieur de A Oui, ce serait une manière d’affirmer une forme de précision sans décision, une forme de précision instinctive. « Détermination. Intention, résolution. Fermeté de caractère. » Intention, non, intuition plutôt, caractère pourquoi pas, ténacité. Le par suite des phrase révèlerait une forme de ténacité, une forme d’intuition tenace sans décision. « Déterminer. Fixer, régler. Etymologiquement, marquer les limites de. » Le par suite des phrases affirme la forme d’une règle paradoxale, la forme d’une règle sans fixité. Le par suite des phrases ne marque aucune limite. Le par suite des phrases affirme la précision de la démesure, la précision à l’intérieur même de la démesure. (Et une fois encore cela pourrait aussi être dit de la peinture de Jackson Pollock). « Déterminisme. Caractère d’un ordre nécessaire de faits répondant au principe de causalité. Système philosophique selon lequel tout dans la nature obéit à des lois rigoureuses, y compris les conduites humaines. » Je n’ai aucune affinité avec cette idée de déterminisme, voir le chapitre Hasard. A Oui essaie de révéler une forme de destin non déterministe.

 

 

 

Comme si le régime motorique changeait à partir du même principe de répétition.

 

J’essaie plutôt de révéler une forme de répétition qui n’est pas mécanique, qui n’est pas automatique. (L’automate, étymologiquement « celui qui se meut de lui-même »). Par la répétition, je ne cherche pas à susciter un mouvement machinal, je cherche plutôt à provoquer une métamorphose immobile.

 

 

 

Je ne suis pas sûre qu’ici il soit question de la certitude au sens usuel.

 

Malgré tout il y a un usage de la certitude. La répétition affirme l’usage de la certitude, usage de la certitude semblable à l’amusement d’unicité de l’âme que j’évoquais la dernière fois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                 A Bientôt             Boris Wolowiec