Salut à toi Philippe,

 

 

Je t’envoie d’abord cette remarque étonnante de Chesterton à propos de l’alliance du chant et du travail, du chant rituel et du travail et de la disparition de ce chant dans la société capitaliste moderne.

 

« Les marins chantent toujours en travaillant, et chantent même des chansons différentes  selon la tâche qui les occupe. (…) Je me demandai soudain pourquoi, s’il en était ainsi, aucun métier moderne n’avait de poésie rituelle. (…) De quelle façon les gens en étaient-ils venus à psalmodier de rudes poèmes en tirant sur certains cordages ou en cueillant certains fruits, et pourquoi personne ne faisait-il donc rien de semblable en s’occupant à aucune des activités modernes ? Pourquoi un journal moderne n’est-il jamais imprimé par des gens chantant à l’unisson ? Pourquoi les commerçants chantent-ils rarement, pour ne pas dire jamais ? Si les moissonneurs chantent en moissonnant, pourquoi les vérificateurs de comptes ne chanteraient-ils pas en vérifiant les comptes, et les banquiers en effectuant les opérations bancaires ? S’il existe des chansons pour tous ces actes différents qu’il faut accomplir sur un bateau, pourquoi n’y a-t-il pas de chansons pour tous les actes différents qu’il faut accomplir dans une banque. (…) Si les employés de banque n’ont pas de chansons, ce n’est pas qu’ils sont pauvres, c’est qu’ils sont tristes. »   G. K Chesterton, Le Paradoxe Ambulant

 

 

Dans L’Homme qui prenait sa Tête pour un Chapeau, Oliver Sacks indique que Chostakovitch avait un fragment de métal incrusté dans le cerveau. « Depuis que le fragment était là ... chaque fois qu’il penchait la tête d’un côté il entendait de la musique. » 

 

« L’esprit de la forge est si proche de l’esprit du chant qu’il s’y est mêlé dans un million de poèmes, et tout forgeron est un harmonieux forgeron. »   G. K Chesterton

Chanter c’est forger. Chanter c’est non seulement forger le métal. Chanter c’est aussi forger l’eau, forger l’air, forger la terre et forger le feu. Et plus encore surtout chanter c’est forger les coïncidences de l’eau, de l’air, de la terre et du feu. Chanter c’est parvenir aussi à forger le verre, à forger le bois, et qui sait même à forger le plastique.

 

 

Je t’envoie enfin un texte prodigieux de Chesterton. Je trouve que c’est un texte incroyablement inspiré.

 

« Quand nous jetons « un regard intelligent » (comme on dit dans les livres) sur quelque chose, cela veut dire que nous y apposons notre propre signification. Quand nous regardons un poteau avec sagacité, nous voyons ce qu’un poteau signifie pour nous. Mais quand nous regardons un poteau de façon stupide, nous voyons ce que signifie un poteau. Dans une telle extase de divine bêtise, je me souviens d’avoir, un jour, fixé les pavés sous mes pieds jusqu’à m’évader dans une sorte de rêve de pavés. Ils s’écoulaient sans cesse sous mes pieds comme des vagues de pavés, plates et silencieuses, et je ne cessai de me demander ce qu’ils étaient ; rue après rue  je poursuivis, regardant le sol comme une vache. Et, tout à coup j’eus l’impression que tous étaient des pierres tombales, les pierres tombales  d’hommes innombrables et complétement oubliés. Car sous chacune, presque certainement, il y avait de la poussière humaine. Je crus y lire des épitaphes fantastiques, commémorant les exploits de héros trop anciens et trop grands pour qu’on s’en souvienne. Là par exemple, gisaient l’homme qui découvrit le feu et celui qui construisit la première roue, hommes trop indispensables pour être jamais nommés. Là, étaient les obscurs poètes qui donnèrent des noms aux fleurs et qui ont complétement perdu le leur.

Et, parmi ces bienfaiteurs imaginaires de tous les temps, je crus voir une catégorie prédominante. Je veux dire les gens qui, dans l’obscur commencement des temps, lièrent une chose à l’autre, de façon artificielle mais permanente. Ainsi, quel prêtre des premiers âges du monde maria le pain et le fromage ? Qui était le sauvage visionnaire (dans la suite des temps)  qui après avoir mis à sac les forêts et dénombré tous les fruits de la terre, découvrit que les amandes et le raisin s’étaient cherchées depuis le commencement du monde ? Qui, par-dessus tout, découvrit semblable chose comme l’heureux mariage de la musique et de la littérature ? Ce sont les hommes du passé les moins connus qui certainement firent cette combinaison. » G. K Chesterton, Le Sel de la Vie

 

 

A l’intérieur de ce texte, Chesterton bondit d’une idée à une autre, ou plutôt d’une vision à une autre d’une manière qui semble aléatoire et qui apparait pourtant à l’évidence nécessaire. J’ai toujours eu le sentiment qu’il y avait à l’intérieur de la suite de ces idées, de la suite de ces visions quelque chose comme un secret étrange, comme une énigme extraordinaire du savoir, comme une énigme miraculeuse du savoir. Voici le résumé de ces idées-visions : Apparaitre hébété afin de parvenir à voir les choses telles qu’elles sont – regarder les pavés d’une rue comme les tas de tombes d’inventeurs inconnus - l’alliance de la parole et de la musique semblable à celle du pain et du fromage. Je suis certain qu’il y a quelque chose qui relie la suite de ces différentes idées. Je ne parviens pas malgré tout à savoir précisément quoi. J’aurais été heureux si tu parvenais à me proposer quelques indices afin de trouver la clef de cette énigme.  

 

 

 

                                                                                                  A Bientôt                         Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonsoir Boris,

 

Les employés de banque attendent-ils encore le visionnaire qui leur offrira leur chanson ? Ou les années 80 ont-ils enfin habillé leur dénuement ?

 

Leroi-Gourhan dit que la libération de la main et celle de la parole sont liées. La bipédie exempte les membres antérieurs de la fonction locomotrice et ils peuvent prendre en charge les techniques jusqu’ici effectuées par la bouche, broyage, découpage, lacération… l’hominidé externalise son outillage, il porte sa bouche au bout des doigts, il est d’emblée le roi des métaphores. La bouche n’est plus ouvrière qu’épisodiquement, ce qu’elle forge désormais est plus léger que l’air et cible mieux qu’une flèche le tympan du prochain.

 

Lucy se met à chanter au hasard en taillant les silex. Lucy fait advenir la coïncidence du son articulé et du geste technique : tout un savoir musical doit en découler, peu à peu, d’accident en accident, des correspondances simples et d’autres très subtiles apparaissent, de l’unisson rythmique au savant contrepoint. Puis les symboles, puis les langages. Enfin, je brode un peu sur des lieux communs. 

 

On est tenté de dire que le travailleur qui ne trouve plus son chant a une activité cruellement dénuée de rythme, chaotique ou au contraire extrêmement lisse et monotone. Le manque d’accord rythmique, de relation rythmique à son environnement immédiat, doit engendrer de la tristesse, ou c’est la tristesse même. 

(Je t’épargne une énième relecture du passage sur Ulysse et les sirènes dans la dialectique de la raison.)

 

Je trouve extraordinaire d’utiliser ses mains sur l’outil paradoxal qu’est un instrument de musique. Chanter et jouer d’un instrument en même temps est toujours émouvant, les mains musiciennes font un geste en direction de la voix, ou bien c’est la technique elle-même qui déclare son amour au chant. La forge des chansons c’est aussi ceci, en-deça de l’alliage paroles et musiques, l’alliance anti freudienne mains/bouche.

 

*

 

Le texte de Chesterton extrait du sel de la vie est très beau, mystérieux et lumineux je suis bien d’accord. Quelques remarques pas très ordonnées, bribes d’indices peut-être, rien n’est moins sûr. Dans les grandes épreuves de l’esprit, Michaux considère l’activité de l’esprit comme une électricité, le contraire d’un flux continu, d’une eau courante : une succession discrète et extraordinairement rapide de fragments de pensées et sensations (de visions pourquoi pas) qui s’associent à peine avant de disparaître. Il nous dit aussi que les stupéfiants (c’est le bon mot) sont un moyen d’apercevoir cette réalité discrète et bondissante de l’esprit, masquée en régime normal par l’activité synthétisante de la conscience et du langage. 

 

Il y a là une chose paradoxale, et il me semble que Michaux comme Chesterton tournent (selon quel spin, c’est une autre question) autour de ce paradoxe : l’homme cherche la stupéfaction, l’hébétude, une suspension de la réflexivité et de l’activité rassembleuse de la conscience. Mais il la cherche pour mieux en revenir, en rapporter quelque chose, pour en faire don à la conscience, au langage, aux symboles. Ce don, ce retour d’Ulysse, c’est selon moi le grand mystère. Pourquoi revenir si la divine bêtise ou la stupéfaction apportent tant de joies ? 

 

L’animal-homme vit dans un luxe spirituel indécent. Non seulement il dispose à volonté les miroirs de sa conscience, pour des labyrinthes miroitants de réflexivité. Mais il a aussi la faculté de les briser et d’hébéter, d’être présent/absent à soi d’une façon vertigineusement réversible. Cette faculté les bêtes ne l’ont pas, à ce que racontent les éthologues. L’homme hébété est superlativement humain (donc ni sous ni surhumain). Suspendre l’intelligence (au sens que semble lui donner Chesterton dans l’extrait) est sans doute une de nos grandes facultés.

 

Le bondissement de Chesterton est aussi vif et aléatoire que le flux électrique de Michaux. Ce qui est extraordinaire dans la suite de ses visions, c’est que le lecteur y aperçoit une sorte de portrait en action de l’auteur. Ce que Chesterton voit avec acuité quand il contemple le flot des pavés, c’est son esprit virtuose. Il s’aperçoit hors de lui, extatiquement, avec la grandeur et la magnanimité que ne donneront jamais les miroirs. 

 

Disons aussi (et de façon complémentaire) qu’avec Chesterton, la pensée a lieu. Ou presque. Elle “chorégraphie l’espace”.

 

Je n’arrive pas à dire en quoi Lucy ou ses descendants qui chantent au rythme du taillage de la pierre et Chesterton qui bondit d’une vision à l’autre sont deux choses qui correspondent. Mais enfin la chose m’apparaît.

 

Il me paraît important de remarquer que Chesterton est pris dans cette activité rythmique élémentaire et typiquement humaine qu’est la marche. Des visions naissent, la main droite de Chesterton doit le démanger. On imagine qu’il accélère le pas pour saisir au plus vite son stylo et coucher la vision sur le papier. Les lignes doivent déjà défiler sur le pavé. Chesterton ressemble souvent à un lecteur du monde, quelqu’un pour qui le monde est rempli de mots, pour qui le monde visible est un livre, ou prêt à être livré, un peu comme De Chazal. Ça me rappelle le début des mots et des choses.

 

La question reste entière de savoir quel est le génie qui maria pain et fromage et musique et littérature. Après tout il s’agit peut-être de la même personne. La liaison ne peut-elle être que fortuite ? un accident dans le bondissement spirituel d’un sauvage ? Ou bien, dans une perspective darwinienne, à la faveur du temps le hasard passa en revue toutes les combinaisons possibles (fromage et littérature ? Pierre Jourde ?) et la nécessité surgit un beau jour, dès lors on ne s’en passa plus, comment faire autrement ? De manière tout aussi inconditionnelle qu’on acquiesce au hasard, on acquiesce à la nécessité.

 

*

 

Ces brindilles, ces brimborions, tout en lisant/relisant Tournures de l’utopie que j’ai reçu il y a une dizaine de jours. De belles choses ont été écrites à son sujet. C’est un livre marquant, un livre émouvant, ceci, on devrait davantage le dire, un livre bizarrement réconfortant, livre dans lequel je retrouve l’esprit de tes nuages. Pourquoi, comment, il faudrait mener l’enquête. Comme un laisser-aller des mains (mais de quelles mains ? les tiennes, celles des choses, les mains impossibles de l’utopie ?). Bizarrement j’apprécie beaucoup l’analogie quantique du spin. Il y a quelque chose de réconfortant à écrire pour ne pas être publié de son vivant, écris-tu, à peu près, je ne retrouve plus la page. Celui qui a écrit cela n’existe plus d’une certaine façon. Ou dans une utopie.

 

Quelque chose de réconfortant à se situer quelque nulle part en utopie. Je n’en rajoute  pas plus, j’écris en grand désordre, inspiré par le petit coronavirus vient d’insuffler son spin en moi, à la fin il fallait bien qu’on se rencontre.

 

!

 

A bientôt,

 

 

Philippe

 

 

 

 

 

 

 

 

Salut à toi Philippe, 

 

 

Ce que Chesterton voit avec acuité quand il contemple le flot des pavés, c’est son esprit virtuose. Il s’aperçoit hors de lui, extatiquement, avec la grandeur et la magnanimité que ne donneront jamais les miroirs.

 

Contempler ainsi l’image de la virtuosité de sa pensée à la surface même du sol, ce que tu dis là me plait beaucoup. J’ai en effet l’impression qu’il serait préférable d’utiliser la route plutôt que le miroir comme outil de la réflexivité. Des auteurs tels qu’Edmond Jabès ou André du Bouchet savaient aussi cela. Il y a cependant un aspect bizarre à indiquer ces noms en marge de Chesterton. Les attitudes discrètes et presque craintives de ces auteurs sont en effet très différentes de l’enthousiasme féerique de Chesterton. 

 

Celui qui avait aussi l’intuition du sol, du relief de la terre comme ornement quasi indestructible, comme parure prodigieuse, c’est Jean Dubuffet. « Le sol et les menus accidents qui s’y présentent. Je m’étais alors mis en tête de confectionner une bague qui puisse avoir pour son porteur la fonction de ces menus reliefs fortuits qu’on est seul à connaitre, et avec lesquels s’établit une familiarité, une connivence. » Dubuffet imaginait ainsi magnifiquement  la courbure de la terre comme une bague, c’est à dire déjà comme un symbole, comme le symbole de la poussière, comme le symbole de la pulsion de la poussière, comme le symbole de la pulsion inexorable de la poussière.

 

 

Le manque d’accord rythmique, de relation rythmique à son environnement immédiat, doit engendrer de la tristesse, ou c’est la tristesse même.

 

En effet, l‘absence d’accord rythmique avec le monde, c’est le signe même de la déréliction,  de la plus effroyable déréliction. Cette déréliction est pourtant majoritaire désormais. Il suffit  de marcher dans les rues des villes pour en faire l’expérience à chaque instant.

 

J’ai aussi remarqué un autre phénomène surprenant : la neutralisation de l’aisance rythmique. La chanteuse Camélia Jordana par exemple a en quelques années déplorablement neutralisé sa voix. Elle est devenue la marionnette ventriloque à la fois des ingénieurs du son et de l’idéologie bien-pensante. Je pense aussi à Amy Winehouse qui a peu à peu anéanti sa virtuosité rythmique à travers les obsessions niaises de son narcissisme. 

 

Où se trouve le rythme, le grand rythme, le rythme sublime aujourd’hui ? Parfois encore malgré tout de temps à autre au cinéma, P’tit Quinquin par exemple était rythmiquement étonnant. Le personnage du commissaire c’était presque du burlesque monkinen. Le rythme c’est en effet la forme même du temps à autre, la forme même du don du temps à l’autre. Cette expression de la langue française - de temps à autre - m’obsède ces derniers temps (si j’ose dire). 

 

 

Il me paraît important de remarquer que Chesterton est pris dans cette activité rythmique élémentaire et typiquement humaine qu’est la marche.

 

Oui c’est exact, le rythme c’est d’abord la marche. Ou je dirais malgré tout plutôt le rythme survient comme la relation entre le cœur, le souffle et l’équilibre, comme la relation entre la pulsation de la respiration, la pulsation du cœur et le scandale de la démarche. Le rythme c’est la coïncidence, le montage cinématographique incarné de la respiration, du cœur et de l’équilibre global des os. Quand Monk se lève de son piano ou quand il tourne monstrueusement sur lui-même à l’intérieur du silence, cela apparait prodigieusement visible. C’est précisément cela qui me plait chez Monk, sa manière de transformer le rythme en présence sculpturale, en présence sculpturale du silence. Monk montre ainsi le rythme. Monk montre le rythme comme tas de la chair, comme tas de chair de l’enthousiasme, comme tas de chair de l’enthousiasme debout.

 

 

Chanter et jouer d’un instrument en même temps est toujours émouvant, les mains musiciennes font un geste en direction de la voix, ou bien c’est la technique elle-même qui déclare son amour au chant.

 

La déclaration d’amour de la technique au chant, ta formule est audacieuse. C’est en effet là le problème. Comment apparaitre au monde de telle manière que la technique surgisse comme une déclaration d’amour. Comment érotiser la technique. Comment ritualiser érotiquement les machines. Comment utiliser les machines non afin de propager des phantasmes d’automates, des phantasmes d’humanoïdes plutôt afin de provoquer des formes, des formes non fétichisées pour parler comme Marx, pour provoquer des formes de don.

 

 

l’homme cherche la stupéfaction, l’hébétude, une suspension de la réflexivité et de l’activité rassembleuse de la conscience. Mais il la cherche pour mieux en revenir, en rapporter quelque chose, pour en faire don à la conscience, au langage, aux symboles.

 

l’homme hébété est superlativement humain (donc ni sous ni surhumain). Suspendre l’intelligence (au sens que semble lui donner Chesterton dans l’extrait) est sans doute une de nos grandes facultés. 

 

Je nuancerais uniquement en indiquant que ce qui donne ensuite les formes de l’hébétude ce n’est pas la conscience, c’est l’âme. Tu le sais, sur ce point nous restons à chaque fois en désaccord. Tu tiens à la puissance (humaine ?) de la conscience, je préfère la force animale de l’âme.

 

 

il porte sa bouche au bout des doigts, il est d’emblée le roi des métaphores. La bouche n’est plus ouvrière qu’épisodiquement, ce qu’elle forge désormais est plus léger que l’air et cible mieux qu’une flèche le tympan du prochain. 

C’est pourquoi le geste de manger apparait comme un geste intense de l’imagination. L’axe main-bouche apparait comme un des axes même de l’imagination. Ou pour le dire d’une autre manière, la trajectoire de l’imagination apparait comme la trajectoire entre la main et le crâne. Et la bouche apparait précisément comme le lieu de coïncidence entre la main et le crâne. La bouche apparait comme le lieu du baiser de la main et du crâne, comme le lieu où la main et le crâne s’embrassent à la fois matériellement et symboliquement. A l'intérieur de la bouche a lieu à la fois le baiser et la sublimation du baiser de la main et du crâne.

 

Tournures de l’utopie (...) livre dans lequel je retrouve l’esprit de tes nuages.

 

Oui c’est exact, il y a une ressemblance entre Nuages et Tournures de l’Utopie. C’est celle de l’insouciance de la forme, de la trajectoire insouciante de la forme, celle de l’errance aussi, l‘errance tranquille, l’errance tranquille de l’écriture, l’errance paisible de l’écriture. 

 

de quelles mains ? les tiennes, celles des choses, les mains impossibles de l’utopie ?

 

Les mains de l’utopie c’est quand les mains apparaissent comme les satellites de la tête et la tête comme le satellite des mains. Les mains de l’utopie c’est quand les mains et la tête partagent une seule et unique ellipse, l’ellipse de l’utopie précisément. La danse du derviche tourneur montre somptueusement cela.

 

 

« Le poème respire avec ses mains / qui ne prennent pas les choses : qui les respirent / comme des poumons de paroles. (…) Les mains du poème / reconquièrent l’antique pouvoir / de toucher les choses avec les choses. »  R. Juarroz, Poésie Verticale. 

 

Celui qui a écrit cela n’existe plus d’une certaine façon. Ou dans une utopie.

Ecrire c’est exister comme utopie. Ecrire c’est exister comme présence de l’utopie, comme présence de l’utopie en dehors de la vie et de la mort. Ou plutôt écrire c’est essayer d’exister comme présence de l’utopie, comme présence de l’utopie en dehors de la vie et de la mort. 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt                Boris