Cher Boris,

 

Son imagination travaillait sans relâche, jamais lasse jusqu'à présent — elle sentait naître diverses choses dans son esprit et y prenait part mentalement.

 

Moscou heureuse Andreï Platonov

 

C'est la plus directe, la plus belle définition de l'imagination que je connaisse pour l'instant, faire le choix de l'imagination : sentir des choses dans sa tête et y prendre part mentalement.  

 

 

 

J'y pense nos chansons elles arrivent à toi d'une façon qui rend pas compte des distances. Je pensais à toi et comment en tant que gardien de but tu savais accueillir les sons, les souffles et les cris de l'arrivée d'une attaque qui s'est construite au loin, ça part d'un semblable aussi solitaire que toi, j'essayais de me souvenir, les quelques fois où j'ai été gardien, comment on attend que ça se rapproche, d'un poumon à l'autre l'apesanteur du souffle, l'orchestration de l'atmosphère,  les deux gardiens jouent à s'échanger des solitudes  à travers un flux collectif et les stratégies de dispersions. Deux gardiens dialoguent par le mode aléatoire du je, par la dissémination du je.  Pour toi les sons se préparent au loin sous l'oeil bienveillant d'un semblable et ils sont rapportés en occupant toute la largeur du terrain, c'est une décision de gardien de but de se laisser traverser par l'horizon.  

 

 

Ça rappelle le cosmisme russe :  

 

Le projet de résurrection universelle de l’humanité s’inscrit dans une perspective à très long terme (plusieurs milliers d’années au moins) et s’appuie lui-même sur un projet technoscientifique extrêmement ambitieux consistant à restaurer la vie dans son unité originelle (apocatastase), ce qui doit revenir à rétablir, par l’action collective, l’unité individuelle des corps humains en état de dispersion. 

 

 

toujours sur le nous le je.

 

Bontel aime que le bus avance. En entrant les passagers poussent l'autobus avec l'haleine. Dans le bus on va tous à plusieurs. L'haleine signale une machine qui est là de bout en bout. Dans le bus on a plein de gardes du corps autour de soi pour empêcher que la buée nous casse les dents. À leur contact je suis toujours là. Le bus est le véhicule des gardes du corps du confort de l'espèce. Rencontrer les gardes du confort renforce les contours du cœur, un cœur fort peut mener à la nudité, au centre des autres c'est la forme la plus répandue du confort. Le confort on va en bus c'est l'aquarium des haleines, regrouper les haleines en profitant de ce genre d'endroit, dans le bus il n'y a pas un leader des haleines, n'importe quel voyageur peut changer la direction du bus en modifiant un peu la trajectoire de son haleine, les sept haleines les plus proche vont réagir et le bus finira par tourner : si Jonas pouvait voir ça, lui il voulait diriger une baleine tout seul de l'intérieur. Ça marche pas comme ça en bus. Avec l'haleine, on arrive à faire plusieurs destinations.

 

Le passager dit tout haut  : « Avec votre maîtrise collective des corridors vous allez me boucher le nombril, je suis beau beau beau, je suis seul, je suis trop mimi dans ma personne, et j'aime mon ventre qui affiche zéro pour annuler mon score de présence. » Pour sortir les jambes on reste uni, on fait un animal, un crabe, le crabe rassemble les compétences de plusieurs marcheurs et fait penser à la table ronde des jambes. La table ronde des jambes où l'on partage la destination.

 

 

 

Ah oui sur Practice Chanter, explication sentimentale :

J'étais sûr que je n'arriverais plus à faire des chansons alors je tournais le dos à la pièce  pour qu'elle puisse médire de moi. Petit à petit Léo elle s'est mise à toucher à tous ce qui était les instruments dont l'harmonium et le petit synthé, par modestie elle touchait que des trucs pas cher, à ce moment j'ai su qu'on était pauvre mais chaque jour les sons qu'elle produisait étaient plus touchant, et souvent je lui tournais le dos et j'avais les larmes aux yeux, j'étais sur facebook et j'avais les larmes aux yeux et quelqu'un faisait une pièce derrière moi, une médisance dorsale, à cause de Léo, à l'arrière, j'étais un dauphin, alors je me suis mis au travail, j'ai entouré ses sons et tous les détails de sa voix, j'enregistrais, je préparais un ensemble, et je croyais aux choses brèves pour ce que ça procure d'éternel, à un moment Léonore a dit " Tout ce siècle qui reste et tout ce qui s'achève est bref Shakespeare le constata" je participais de plus en plus à la pièce même si je travaillais toujours de dos. Shakespeare devenait le truc inattendu dans les morceaux comme il l'avait été dans la phrase et dans le siècle, et ensuite ça s'est fait avec tous les moments de deux années, chaque chanson avait un Shakespeare ou deux ou trois , c'était les moments inattendus, les shakespeareries qui faisaient durer le siècle, qu'on ait le temps de se connaitre nous deux.  

 

 

 

La pensée développe un pansement d’éternité sur le précipice du présent.  

 

Le front avec ses trois rides de carte postale, le front serait, l'envers du paysage.  Le présent comme précipice. Ernst Herbeck "Le présent est paisible seul"  le présent est dans le bois, on le rejoint à pied, les statues peuvent répandre leur front sur l'ensemble du visage, Casou peut développer des précipices à partir du front. En tombant Casou lègue la partie la plus importante de son front à son squelette. Le front paraît toujours fraichement coupé quand on y pense. Le front est une plaque de commémoration au-dessus du vide, ici tombe Casou. Le front c'est l'endroit où s'appuie le squelette tout au long de l'existence. 

 

 

Hier J'ai accroché ma chemise au figuier. Le temps qu'elle sèche le jour de mon anniversaire est passé. Les feuilles du figuier font de très belles mains à ma chemise. Le vent peut y lire sa vie. J'aimerais être un singe, le singe connait toutes les acrobaties pour trouver un endroit où ranger ses habits, il est unique en dialecte et il fait des blagues.  

 

 

Le linge est aussi agile que Judas, le linge n'est jamais seul avec la pesanteur.  

 

 

Le singe dit "La danse à l'air libre est une source d'inspiration" 

 

 

Judas devient agile pour aller mourir 

 

Le singe est une habitude parallèle à la personne

 

Pour grimper à l'arbre le singe suit les même os qu'une personne 

 

Le singe est fraternel jusqu'à la morphologie  

 

la pendaison est vraiment efficace pour prendre au collet tout ce qui n'est pas le singe

 

Judas agile est prompt à mourir  

 

L'agilité est une habitude parallèle pour aller se pendre

 

Le singe est l'animal capable de sortir du pendu 

 

Le singe descend du pendu 

 

le singe finalise le sans faute pendu  

 

Les singes ne se pendent pas 

 

Toutefois un singe a été pendu parce qu'il était habillé comme un français.  

 

 

 

À bientôt Boris

 

(Notre chat surveille les oiseaux pour savoir jusqu' à quand ils seront vivants avant de le rencontrer. En écrivant j'étais à deux doigts du stylo.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Béatitude de la Buée

 

 

 

 

 

Bonjour Jean-Daniel, 

 

 

 

C'est la plus directe, la plus belle définition de l'imagination que je connaisse pour l'instant, faire le choix de l'imagination : sentir des choses dans sa tête et y prendre part mentalement. 

 

A propos de l’imagination je viens de retrouver cette simple phrase de Bachelard qui me plait beaucoup. « L’imaginaire seul apprend au langage à se dépasser. »  

 

 

je participais de plus en plus à la pièce même si je travaillais toujours de dos.   

Et à propos du dos, le philosophe Max Loreau avait une théorie magnifique. Loreau affirmait  que l’énigme n’était pas ce qui apparaissait caché devant les yeux, que l’énigme apparaissait paradoxalement plutôt parce que le regard lui-même avait un dos, parce que le regard surgissait toujours par l’aveuglement du dos. Pour Loreau, l’énigme c’était que le regard surgissait toujours par la forme aveugle du dos. Pour Loreau, l’énigme c’était la forme aveugle du dos du regard c’est-à-dire aussi la forme aveugle du regard comme dos. 

 

 

 

En entrant les passagers poussent l'autobus avec l'haleine. Dans le bus on va tous à plusieurs. L'haleine signale une machine qui est là de bout en bout. 

Le confort on va en bus c'est l'aquarium des haleines,

En effet les soubresauts du bus tarabustent la saturation des haleines, la saturation tonitruante des haleines humaines. L’autobus rebondit sur l’asphalte comme un tabernacle d’haleines, comme un tabernacle d’haleines iconoclastes. L’autobus rebondit sur l’asphalte comme un tabernacle de buée, comme un tabernacle de buée iconoclaste. L’autobus rebondit sur l’asphalte comme un tombeau de buée, comme un tombeau de buée iconoclaste. L’autobus rebondit sur l’asphalte comme un autel d’haleines, comme un autel d’haleines en roue libre. 

 

 

Le front paraît toujours fraichement coupé quand on y pense 

Le front sourit à coups de hache. Le front sourit à coups de haches de fraicheur. Le front repose à coups de hache. Le front repose à coups de sourires de haches. Le front repose par des sourires de haches. Le front repose par les sourires de haches de la fraicheur. 

 

 

Le front avec ses trois rides de carte postale, le front serait, l'envers du paysage.  

Le front cartographie le vide du paysage. Le front cartographie le paysage du vide. Le front cartographie l’amnésie du paysage, le vide d’amnésie du paysage, le paysage d’amnésie du vide. Le front cartographie le futur. Le front cartographie le paysage du futur. Le front cartographe le vide du futur. Le front cartographie le paysage de vide du futur, le paysage d’amnésie du futur. 

 

 

Les feuilles du figuier font de très belles mains à ma chemise.

Les feuilles des arbres composent d’innombrables mains. Les feuilles des arbres composent les innombrables mains de l’atmosphère. La frondaison des arbres compose le candélabre de mains de l’atmosphère. La frondaison des arbres compose le candélabre de mains du vertige. La frondaison des arbres essaie d’encamisoler le regard du vertige. La frondaison des arbres essaie d’encamisoler le fard de l’atmosphère, le fard d’atmosphère du vertige, le fard de vertige de l’atmosphère.

 

Les branches des arbres se balancent à l’intérieur du vent afin de bercer l’espace. Les branches des arbres se balancent à l’intérieur du vent afin bercer les mains de l’espace, afin de bercer les regards de l’espace, afin de bercer les mains de regards de l’espace. Les branches des arbres se balancent à l’intérieur du vent afin de bercer les épaules de l’espace, afin de bercer les épaules de regards de l’espace.  

 

 

Le singe descend du pendu  

 

A propos de la déambulation jonglée des singes, Marc-Edouard Nabe a écrit ces phrases superbes à l’intérieur du chapitre intitulé Les Gibbons de la Gaieté de son livre Zigzags. 

 

« Les gibbons sont les plus incroyables symboles vivants de la joie d’exister et de mourir. Etoiles filantes velues, catapultées au lance-pierre de leur propre détente, c’est de la joie à l’état pur et simiesque. » « On dirait que chacun de leurs trajets est fixé d’avance à la craie dans les arbres. Les gibbons semblent se déplacer selon une mise en scène implacable et qu’aucune précision humaine ne peut maitriser. Le plus grand des danseurs en état de grâce, ou le saint le plus ascensionnel, est tout bonnement ridicule près des vols planés de ces singes « surhumains » qui marchent dans les arbres comme d’autres sur l’eau. »  

 

"Le présent est paisible seul" Ernst Herbeck

 

La présence affirme la solitude de la paix. La présence affirme la solitude inexorable de la paix. 

« Dans une rêverie tranquille, nous suivons souvent la pente qui nous rend nos solitudes d’enfance. » « Voilà l’être de l’enfance cosmique. Les hommes passent, le cosmos reste, un cosmos toujours premier, un cosmos que les plus grands spectacles du monde n’effaceront pas dans tout le cours de la vie. La cosmicité de notre enfance demeure en nous. Elle réapparait en nos rêveries dans la solitude. »   G. Bachelard.

 

 

En écrivant j’étais à deux doigts du stylo. 

Savoir écrire à zéro doigt du stylo. Savoir écrire avec le doigt de zéro du stylo. Savoir écrire avec le stylo du zéro. Savoir écrire avec le stylo de l’ainsi. Savoir écrire avec le stylo de zéro de l’ainsi. Savoir écrire avec le stylo de l’ainsi ça, avec le stylo de zéro de l’ainsi ça.  

 

 

 

 

 

 

                                                                                                  A Bientôt                         Boris