Bonjour Boris Wolowiec,

 

 

 

 

J'avais des meubles dans les bras, un quitter Paris avec du flou dans les jambes.

 

Pays d'Othe : la tête ballotte dans les toiles d'araignées, on sent l'odeur des voisins qui chargent un ventre dans des bagnoles saturées de chiens, ne pas fuir la ville des sveltiques ! La suée de l'emploi du temps était mal étalée. 

 

 

Il arrive qu'une auto roule toute seule avec de l'haleine de chien dedans.

 

Après le numéro 36 on doit marcher avec une canne : ces éclopés ne tiennent pas en place. Il y a toujours un clic de béquille sur lequel cligner des yeux. 

 

 

C'est avec cet ici que je devais écrire en retour à votre mot bien aimable et aéré (on parlera du mot Jazzy plus tard, ce don que vous avez à mettre la main sur le grelot caché).  

 

 

À OUI donne du strabisme, du strabisme divergent puisque les mots s'ajoutent des deux côtés de la ligne, on dirait qu'il y un centre auquel s'agrège en stéréo les composants liés par des " de …. de …. de …" j'aime énormément ces de de de. 

 

Seul un poète non terrien pouvait considérer aussi froidement la langue, et ignorer le nouage habituel ; il y une chose de Thomas Bernhard et son refus de la reformulation. 

 

 

Enfin je viens tout juste de lire Albarracin à propos de vos à et de vos de ….

 

Pas de doute il est l'homme qui peut compter les scouts (les mots dans À OUI ont la neutralité des scouts, l'horizontalité des scouts, c'est une ligne de basse, le walking bass de la musique modale, je pense à Jimmy Garrisson) il a coincé son nez dans la clé de voûte, et respire le parfum du ça tient debout. Mais Ch'vavar fait passer le mot aussi avec sa chevrotine. J'aime Ch'vavar et Albarracin  ils donnent les deux bras bien vrais, ensuite on tape dans ses poings comme Ali, on peut voir venir pense-t-on …  puis vous accostez la planète, vous posez en lévitation un outil entre le sextant et la truelle au centre de ses deux bras, on pourrait construire des murs de transparence avec. J'ai envie de dire que vous êtes Lionel Messi !  

 

 

D'emblée il y a un écart d'avec les hommes, le spontané savant du visiteur intersidéral qui engrange des données, les objets et les hommes traités indifféremment, ainsi la gomme fascine, les petits éboulis du j'efface. La chair des chats est un moteur qui ne fonctionne qu'au repos, vos enchainements sur le sommeil sont la vérité dite pour le dormeur. L'homme respire en parlant et chez vous la respiration se fait sans l'aide des mots, une respiration attelée de rien, une phrase d'échauffement d'athlète sans le bruit des poumons, la mécanique silencieuse de vos étirements donne à voir les tendons du vent. Toutes les figurines invisibles du liant, toute la corde qui tient le tout, c'est vu, des traces sur le mauvais papier peint deviennent les peintures rupestres de l'avant monde. Oui les deux vitesses proposées par Ch'vavar pour lire À OUI sont valables, on peut se désintégrer dans le vivace des ajouts alors qu'a lecture lente, on se désarticule dans l'infiniment grand, les mots deviennent des plateformes pétrolières.

 

Une remarque, vous avez quasiment éradiqué le "comme" ! L'analogie se fait plutôt en file indienne chez vous, ça aussi c'est stupéfiant. D'ailleurs le "comme" vous en faites des colonnes parfois, vous  empilez du "comme" en mettant des bouchons dans vos oreilles, à la manière de qui range de vieux morceaux de tôles usées, vous semblez pensif en manipulant cette carrosserie des métaphores qui déplace les petits coeurs d'humains. La file indienne, la phrase clanique, la procession À OUI est une procession.  

 

 

Jazzy, il y a l'idée d'une note ou deux en polystyrène dans certaines mélodies, ça ne se fredonne pas là où ça s'effrite. J'aime votre dire droit. Votre dire pertuisane. Les poètes sont costauds, ils aiment les chansons comme on fait racler des chaises, on met la table avec du bruit. Le mot jazzy pour moi ne s'articule qu'en mangeant du polystyrène : bombance d'androïde !   

 

 

Récemment lors de mes allées et venues entre Paris et ici la radio diffuse cette chanson glaçante (qui m'est pénible je dois dire mais dans laquelle on retrouve quelques notes en polystyrène) , " voyage voyage " de desireless ; les couplets ; pas si facile à chanter ; en marchant, en voiture, impossible, il faut s'arrêter sur le bas côté, ânonner au bord des espèces prairiales , une mélodie roulée sur soi qui détend par moments un bras réglé comme langue de caméléon pour attraper une chenille qui fait peur aux mains. Sans doute un gars qui aimait bien Chopin, les années 80 c'était comme marcher sur du polystyrène, c'est à dire une nostalgie de neige, de l'aplat de silence de neige, la joie du polystyrène met le faux plancher des années 80 qui s'effrite sur la nostalgie d'aplat de neige de silence, le polystyrène c'est de la neige préparée de piano blanc, neige expérimentale, ça s'effrite entre les doigts avec un ricanement (on croque dans une vieille meringue), cette mélodie de l'iroquoise c'est du piano blanc avec piège à touche de polystyrène, elle tourne autour d'un demi ton neigeux ...  

 

 

 

 

Vous m'autorisez très gentiment à vous envoyer des textes, ça m'excite, mais je ne vois rien de consistant, alors je joins des petits machins écrits en tenant de mauvais fruits.

 

Ils sont censé présenter la musique que je bricole pour Léonore Boulanger, laquelle aime Gertrude Stein, écrit des textes sans issue pour les notes de musiques.  

 

 

 

Le karaoké détraqué de LB LB LB

 

où deux anonymes voix déplacent le curseur du ça commence. on nous félicite : les départs ne sont pas aux bons endroits et ça termine dans du blanc. Ils disent y a une hachure, des poinçons de forge et tout ce qui mûrit par évasion à l’intérieur.
Y a-t-il des esquives par demi-ton ? On piétine, on prend les graviers en stop. Le petit air cristallin tricoté dans la barbe à Riley ils ont dit c’est comme entendre pousser les antennes d’un scarabée, à ce moment je troue ma chaussette avec le gros orteil. Pour la deuxième partie vous avez pompé sur la pulsation d’une goutte d’eau non ? Ce piano, ce pianiste à danseur, alors ça part en Karaoké à partir de « on sonne pas non d’un bond le scénariO »
 

 

 

... ça vient de l’avant-rythme quand le sol n’est pas bien défini, les fruits n’ont pas encore des couleurs impitoyables.

 

À cloche pied dans la mobilité extrême du surplace ; où la plupart des bêtes vont sans savoir si 4 ou 5 pattes ou 3 suffisent dans le moelleux d'un dessous de ville, la planète est une toupie qui veut rattraper ses prairies. Envol des lapins, une chouette se laisse pousser la barbe, c'est décidé pour le 12 septembre ... 

 

 

 

enfin, des petites pitreries… faut' imaginer un hamster qui écoute aux portes. 

 

 

 

une saison bordélique (on a vu des crottes de vampire) - (…) 

 

    

 

La nuit a bavé ... 

 

On dit qu'il avance entre les arbres avec des bruits au ventre

 

toujours faire son "pet du lagon"  

 

Dans l'allée le gros vantard de la Saint-Jean 

 

sèche les graviers entre les pattes du chien  

 

Le vent tire les cheveux de la vieille Luce

 

elle est née en même temps que les petits beurres

 

Les cheveux de la vielle Luce sont vivants 

 

elle avance par les cheveux qui s'agrippent à des plaques d'invisible

 

c'est par des plaques d'invisible agrippées qu'elle avance depuis 1886 

 

Ses cheveux sont le drapeau d'appel de j'arrive

 

Ses cheveux se prennent dans le moteur d'à tout de suite

 

Le ciel tourne de l'œil, février prend sa ventoline

 

un temps à se colorier l'intérieur avec des bonbons

 

comme font les mômes   

 

Lui a encore à trainer dans les feuilles molles

 

feuilles fument de couleur

 

plus voyantes que les langues des gosses      

 

mais il se hâte,  

 

à cause de l'apéritif avec le nouveau

 

Le nouveau parle avec les dents 

 

chaque syllabe est éclairée par les dents 

 

les syllabes quittent la bouche poussées par de la lumière de dents. 

 

C'est beau ce parler, ça rajoute une lueur sur les harengs. 

 

Sa pomme d'Adam est déréglée 

 

ils l'étrangleront encore un peu quand il dort

 

Chaque jour il parle un peu mieux des gens du village

 

en coupant les oignons  

 

 

 

 

 

Le bain avant le départ de Tatiana (…) 

  

 

la mer m'a remonté les bretelles  

 

le nageur est salé,  

 

les continents sont de grands poissons panés

 

cette friture dure dure depuis des ans

 

 

 

le miracle absurde des salades met le jardin sur écoute,

 

si elles apparaissent sous les aisselles  

 

c'est garantir un pouvoir d'adieu  

 

un pouvoir de voiles d'adieu sur-deployé 

 

une prise au vent pour accumuler du silence d'au-revoir 

 

 

 

celui qui rapetisse aura beau faire sursauter les chiens 

 

sa pulsation est perceptible 

 

les petits pois de la blouse aboyée 

 

tirent Tatiana par la manche 

 

 

 

 

j'ai été bien bavard,  

 

 

bonne soirée  

 

 

jean-daniel

 

 

 

 

(J'ai vu hier soir le combat Hagler-Hearns, on dit qu'Hearns s'est cassé la main dès le premier round en fendant le crâne d'Hagler, c'est un combat en accéléré, rien vu de semblable, un chaos ouvragé, merci infiniment)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déambulations 

 

 

 

 

 

Salut à vous Jean-Daniel Botta, 

 

 

 

 

Votre paraphe à propos du polystyrène a un aspect singulier.

 

ça s'effrite entre les doigts avec un ricanement (on croque dans une vieille meringue),

 

Il y a en effet un couinement pusillanime du polystyrène, une tonitruance parcimonieuse du polystyrène, c’est comme piétiner les polypes de la sirène, les polypes de sonotone de la sirène, les polypes de sonotone suicidé de la sirène. 

Votre manière d’écrire révèle ainsi une sorte de fantaisie trouée, une fantaisie où les ellipses mêmes ont des trous, où les ellipses ont des trous d’orteils aux chaussettes et parfois plus inexplicablement encore des trous de chaussettes aux orteils, des ellipses qui ont des trous de rebond. C’est comme du surf souterrain, du surf troglodyte, du surf parmi des stalactites, du surf parmi des stalactites de cendres.

 

Vous avez donc une sorte de style batifolant, du Max Jacob en plus brutal, un Max Jacob qui saurait boxer avec le lobe des oreilles, ou du Benjamin Péret en plus subtil, un Benjamin Péret qui saurait ciseler des rubis sous l’ongle (comme la goutte de rugby de la lune), avec aussi une schizophrénie enfarinée à la Nathalie Quintane, une schizophrénie enfarinée de fantasque discret. Il serait sans aucun doute intéressant d’amplifier et d’intensifier cette aptitude à la flânerie mentale. Je pense que vous devriez ainsi écrire en roue libre, en roue libre sur les chapeaux de lapins ou même en roue de lapins sur les chapeaux du déséquilibre. Je suis certain que vous trouveriez des trucs étonnants.

 

(La chair des chats est un moteur qui ne fonctionne qu'au repos. (…) On piétine, on prend les graviers en stop.

 

Voilà par exemple des phrases qui me plaisent.) Ce serait une promenade chaotique à propos de chanteurs, de sportifs, avec des souvenirs tamisés à la tombola, des méditations décoiffées laconiques, quelque chose comme une mosaïque de confettis infaillibles un peu à la Benoit Caudoux. « Tous ses rythmes le disent : le monde ne fait que commencer. Le monde ne fera rien d’autre que commencer ; ça n’ira pas plus loin. (…) A quoi reconnait-on le dernier commencement ? »   

 

 

 

Merci pour l’évocation de votre lecture de A Oui. Pour y répondre, quelques phrases à propos du sommeil. 

 

 

Les formes de l’écriture viennent du sommeil, de la pulsion même du sommeil. Les formes de l’écriture ne viennent ni de la veille de la conscience ni de l’inconscience du rêve. Les formes de sommeil de l’écriture apparaissent précisément à la fois en dehors du conscient et de l’inconscient, à la fois en dehors du sens de la conscience et du non-sens de l’inconscient, et aussi à la fois en dehors du non-sens de la conscience et du sens de l’inconscient. Les formes de sommeil de l’écriture s’amusent à jeter à la fois la conscience et l’inconscient à l’intérieur de la démesure de feu du froid, à l’intérieur de la démesure de feu de l’anesthésie.

 

 

 

L'homme respire en parlant et chez vous la respiration se fait sans l'aide des mots, une respiration attelée de rien, une phrase d'échauffement d'athlète sans le bruit des poumons, la mécanique silencieuse de vos étirements donne à voir les tendons du vent. 

 

Oui en effet c’est exact, j’ai le sentiment que le langage ne respire pas. Le langage serait ce qui parasite la respiration. Ainsi ce qui respire c’est le silence. J’essaie ainsi de projeter et d’incruster la respiration du silence à l’intérieur des phrases. Le problème évidemment c’est que le lecteur a parfois l’impression de devenir asphyxié par le feu d’oxygène des aphorismes. C’est ce que j’appelle l’asthme de l’âme.

 

Vous êtes attentif à la puissance des poumons à l’intérieur même des formes. J’ai le sentiment que l’impact de la respiration c’est-à-dire la crampe du souffle apparait comme un des grands problèmes de l’art (et aussi du sport, je ne distingue jamais en effet le sport et l’art, le sport c’est un art parmi d’autres).  

 

 

Seul un poète non terrien pouvait considérer aussi froidement la langue, et ignorer le nouage habituel 

 

Je n’ai pas le sentiment d’écrire de manière non-terrienne. C’est plutôt simplement que je suis à la fois terrestre et abstrait, j’écris comme un terrestre abstrait. Ainsi j’utilise la terre comme tremplin, comme tremplin paradoxal, comme tremplin paradoxal de l’imagination.

 

 

 

Le ciel tourne de l'œil. 

 

Le ciel tourne de l’œil à l’intérieur de l’orteil. Le ciel tourne de l’œil à l’intérieur de l’oreille de l’orteil. Le ciel tourne de l’œil à l’intérieur de l’oreille supersonique de l’orteil. 

 

 

la mer m'a remonté les bretelles  

 

La mer remonte les bretelles des vagues jusqu’aux aisselles du sel. La mer remonte les bretelles de salive des vagues jusqu’aux aisselles d’éclaboussures du sel, jusqu’aux aisselles d’éclaboussures cornemusées du sel. 

 

 

le miracle absurde des salades met le jardin sur écoute, 

 

Les salades ressemblent en effet à des écouteurs de feuilles et parfois même à des magnétophones. Les salades ressemblent à des magnétophones abasourdis, des magnétophones éberlués, des magnétophones abasourdis éberlués, des magnétophones de feuilles les bras ballants, des magnétophones de feuilles les bras ballants de sanglots, des magnétophones de feuilles les bras ballants de dédale, des magnétophones de feuilles les bras ballants de sanglots dédalés. 

 

 

 

vous posez en lévitation un outil entre le sextant et la truelle

 

Cet outil ce serait qui sait la règle à bulle du maçon, la règle à bulle recouverte de chaux que le maçon pose au sommet du mur afin ensuite (comme vous le dites si bien) de 

 

respirer le parfum du ça tient debout.

 

 

 

on pourrait construire des murs de transparence avec. 

 

Ou encore construire des murs de translucidité, construire les murs de lucidité de la transe, c’est-à-dire construire des murs composés comme un tas de fenêtres, le tas de fenêtres de l’exaltation. 

 

 

un temps à se colorier l'intérieur avec des bonbons 

 

Sucer des bonbons afin de colorier la forme de la chair. Sucer des bonbons afin de colorier l’âme. Sucer des bonbons afin de colorier la bombe de l’âme. Sucer des bonbons afin de colorier la bombe d’intact de l’âme. 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                  A Bientôt                         Boris Wolowiec