Cher Boris, 

 

Dans la rue il y a une seule personne, le front chaud tracté par les renards.

 

Je me demande si la poésie est un écran total pour le front, contre la fièvre. Une façon d'augmenter le territoire du front, de pousser un film chaud, sommes-nous les figurants de la fièvre ?

Des chats rouges déroulent la banderole des oreilles internes, l'arbre fait tomber son ombre à vide.

Depuis quelques jours la fièvre. Les gens unis par la fièvre ne veulent plus quitter Casou. Je pense que la fièvre est plus cool pour vivre ensemble, on pousse un écran de cinéma avec le front, on pousse un film chaud, la fièvre est un moyen d'espionner les rêves des acteurs. Il y a une connivence, les morts entrent en contact avec la paroi du front. La fille la plus chaude dit «Mon métier me manque, je perds mes célibataires donc je suis vraiment excitée » La fièvre distance les pieds. On porte sur soi une grande distance comme si nous avions éloigné les chaussures du cuir chevelu. Gardez vos cheveux loin de vos jambes. Gardez vos pieds au frais pour aller chercher un partenaire. Au supermarché il reste un petit tas de pierres protéines, un cintre, une vieille, du béton, deux tenues d'été, une girafe en plastique qui se cuisine si on comprend la fièvre. Le menu est entouré de maux de tête, la ville n'a pas changée, Casou a parlé dans sa tête. Il a gagné. La fièvre le rattrapa.

Dans la petite ville près de chez moi. Les jeunes s'amusent. Il n'y a plus personne. Les places sont vides et chaque fois ils célèbrent un nouvel endroit pour jouer au foot. Je marchais avec du pain sorti du four. Je n'ai plus de fièvre mais une baguette est un bras plus chaud que le paysage. Il m'ont regardé. J'ai dit « Vous êtes quelle équipe ? » Le plus jeune m'a dit « La juventus de terrain » J'ai souri et j'ai dit « Oui Juventus signifie jeune et le pays sera entièrement à toi » Un autre m'a dit « Tu préfères pas être dans un groupe avec un ballon » Plus loin j'ai vu qu'ils avaient écrit sur une affiche électorale « Ensemble, célébrons un nouveau monde pour jouer au football.»

 

 

Je voulais te répondre depuis longtemps, l'hiver a été rude, sans chauffage, Léo est allé vivre à Montreuil, des ouvriers sont venus repeindre la maison en blanc.

Je ne souhaite enlever aucuns passages de la correspondance. Je voudrais t'écrire plus longtemps. J'ai bien lu le chapitre sur la main dans "à oui" (le A majuscule avec accent ne marche plus), qui est absolument démentiel de beauté. J'étais à travailler sur la main, j'ai clairement vu que toi tu écris avec deux mains dont une serait dévouée au survol, en écrivant tu déplaces tes mains mieux qu'un pianiste, c'est ton côté Monk manipulant des albatros de survols de couleurs.     

 

à ma naissance l'endroit m'est apparu. Il y avait des pigeons qui tournaient autour, ma mère faisait marcher ses mains avec les pigeons, les mains et les pigeons sont de gros marcheurs. 

 

Sais-tu que quelques semaines avant sa mort Michael Jackson a vu l'apparition du lunes noires dans ses ongles, c'est sur internet. 

 

Sur les mains du Prince prince Nassem Hamed j'ai ajouté ceci : 

 

L'adversaire le prince l'appelle «l'aventurier». A l'intérieur des gants du prince il y a la main et une perdrix ou un autre oiseau en plus pour l'aventurier, l'aventurier tombe par le choc des oiseaux dans la conscience. A l'intérieur de ses gants le prince manipule la nudité. La nudité de lui et celle des autres aussi. Pour esquiver le prince créé des cibles portraits à disposition du cosmos, le prince entre avec ses poumons dans le cosmos pour attirer l'aventurier très loin, le prince fait onduler ses poumons, crée un torse, fait un aller retour éclair jusqu'à ses propres parois, lorsque le prince clignote, crée du muscle l'aventurier veut le suivre partout. Le prince pense que les bras sont de armes dégoûtantes, c'est son déguisement à nu de se passer des bras.

 

 Si l'éléphant a un saxophone souple au visage, le prince cherche une rapidité qui serait en quelque sorte une façon d'utiliser les bras comme canons ornithologique. Où plutôt le prince invente de gestes sans bras alors seules les mains tournoient et entreposent une charge d'étourneaux dans la carte vitale de l'aventurier.

 

Je voulais te parler aussi d'Emund Mach, un poète prof de tennis ami de Herbeck, lui aussi a rejoint Gugging.

Je te joins quelques poèmes, il trouve des choses vraiment stupéfiantes et uniques comme son poème où il dit que la tumeur dans le cerveau est encline à l'absorption d'images ...

 

Je te joins aussi la saison 2 de Aase. (Juste après la saison 1 dans le dossier)

 

 

 

Surtout

 

 

J'oubliais l'essentiel, j'espère que tu vas bien.

 

ton ami

 

 

 

 

  

 

 

 

Pâtisserie de l’Espace et du Temps

 

 

 

Bonjour Jean-Daniel,

 

 

Ça va impeccable. Je travaille bien. Il n’y a presque aucun bruit autour de la maison. Cela ressemble parfois aux jours de neige en hiver. C’est plutôt étrange ce silence de neige au début du printemps. Sinon quand il fait beau je savitzkayase gentiment à ramasser les feuilles à l’intérieur du jardin.

 

 

Je lis deux livres très différents en même temps. La France d’Aurélien Bellanger et Dictionnaire Egoïste de la Littérature Mondiale de Charles Dantzig.

 

 

A. Bellanger est très bon à propos des problèmes d’architecture et d’espace.

 

« Le plus long hlm de France : les 415 mètres de long du château de Versailles. »

 

« On visitera, un jour, les parkings de nos villes, non pour leurs collections de voitures, mais pour eux-mêmes, pour leurs grandes qualités structurales, pour leur mystère religieux. »

 

« Ces fonderies de silicium gigantesques, moins d’une douzaine par continent, étaient en fait semblables à ces monastères médiévaux héroïques où tout le savoir du monde était recopié à la main. »

 

Bellanger est parfois aussi remarquable à propos de la nourriture. Il parvient par exemple à révéler les formes spatiales et les formes temporelles de la nourriture. C’est étonnant.

 

« Si on me demandait de dessiner de mémoire le tableau de la classification périodique des éléments de Mendeleïev, j’aurais du mal à ne pas ajouter la case flan comme une substance élémentaire, un élément générique. (…) Sa pâte jaune et désinvolte ne m’a jamais déçu. C’est comme l’asphalte des routes : une substance invisible, un affleurement rocheux anodin mais qui rend modestement possible tous les voyages et toutes les aventures. Le réseau routier, c’est la civilisation elle-même, discrète et omniprésente. Le flan en est l’équivalent comestible : la certitude qu’on trouvera à se ravitailler dans tous les points du territoire. »

 

« Proust (…) a rendu intuitives les équations d’Einstein, il a rendu comestible la relativité du temps. »

 

Et enfin encore ceci.

 

« La tour Eiffel, mince comme une allumette brûlée. »

 

 

Dantzig évoque quant à lui superbement Beckett, Dickinson, Stein, Lezama Lima et Whitman.

 

A propos d’Emily Dickinson.

 

« Le mot « abeille » est l’un des plus fréquents de ses poèmes, et elle écrit comme une abeille : vol en hoquet comme hésitant. » « A la fin, elle a la position la plus noble, celle du « Désespoir confiant ». Le désespoir n’est pas triste bien au contraire c’est l’absence de cette torture qu’on appelle l’espoir. « Le futur ne parla jamais » dit-elle avec esprit (le futur au passé simple, n’est-ce pas). Elle n’a pas d’espoir, Dickinson, elle écrit. Elle avait raison d’être confiante. Elle a gagné dans son futur, lequel est donc son présent. »

 

A propos de Samuel Beckett.

 

« Il est le Racine des clochards. »

 

A propos de Gertrude Stein.

 

« Gertrude Stein est une elliptique lourde. » « C’est dans le long que Stein est admirable ; un long à éclairs de rapidité. » « Parfois elle dit simplement les choses compliquées, et alors c’est intéressant. »

 

A propos de Lezama Lima.

 

« Paradiso est un roman qui se lit pour ce plaisir joueur de prestidigitation pâtissière. (…) L’histoire semble racontée d’une pièce à coté, sombre, dans une grande maison, l’été, par une très vieille dame. On dirait un bourdonnement. (…) Aucune année n’est précisée, le temps dans ce livre est circulaire et collé comme un rouleau de réglisse. »

 

A propos de Walt Whitman. 

 

« « Moi quarante ans, la quatre-vingt troisième année de ces états », dit-il dans Plein de Vie Maintenant. C’est quelque chose, ce vers. (…) Nous n’avons pas la même voix, non seulement parce que nous ne sommes pas du même pays ni du même milieu, mais parce que nous ne sommes pas la même proportion de l’histoire de ces pays. »

 

 

Ah Jean-Daniel, savoir que tu lis parfois les textes que j’ai écrits m’apaise l’âme. Merci par exemple pour le démentiel de beauté à propos de Main.

 

Enfin à propos de l’énigme du dos, j’ai retrouvé ceci de Valéry. « La nuque est un mystère pour l’œil. » 

 

 

Post-scriptum.

 

Je lirai les textes d’Edmund Mach et évidemment aussi la saison 2 d’En Pays d’Aase.

 

 

 

 

                                                                                                  A Bientôt                         Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

Et un extrait in extremis de Météorologie de l’Etonnement.

 

 

Inventer un attelage d’allumettes avec son sourire.

 

L’allumette apparait comme l’atlas de son sourire. L’allumette apparait comme l’atlas de sa distinction. L’allumette apparait comme l’atlas de la distinction de son sourire. L’allumette apparait comme l’atlas du sourire de sa distinction.

 

Rester en tête à tête avec l’allumette. Rester en tête à tête avec le sourire de démence de l’allumette.

 

Seule l’allumette sait comment crucifier un œuf.

 

 

Improviser des cathédrales avec une allumette. Improviser des cathédrales avec la solitude d’une allumette. Improviser des tas de cathédrales avec la solitude d’une allumette.

 

Dormir une cathédrale. Savoir comment dormir une cathédrale. Dormir une cathédrale avec une conversation d’allumettes. Savoir comment dormir une cathédrale avec une conversation d’allumettes. Savoir comment dormir la solitude d’une cathédrale. Savoir comment dormir la solitude d’une cathédrale avec une conversation d’allumettes. Savoir comment dormir une conversation de cathédrales. Savoir comment dormir une conversation de cathédrale avec la solitude d’une allumette.