Une éternité d’étourneaux

 

 

 

Boris je me suis réveillé avec ton très beau “Vieillir à vol d'oiseau” ici il y a un vent à vieillir à vol d'oiseau,  vieillir nous sauve des longs chemins, 

c'est vrai que vieillir passe bien au-dessus des efforts du marcheur, vieillir est à part dans la marche, à part et sauvé dans les oiseaux.  

En marchant vieillir il y a déjà l'idée de faire passer les trois quarts du corps par les airs. 

 

Vieillir à vol d'oiseau j’ai cru voir : dans le vent, sur le fil à linge, les volte-faces de la chemise vide ramènent toujours l'éternité à l'emplacement exact du corps. J'ai déjà vu une chemise voler avec la tramontane, c’était une chemise de ma mère, elle volait à hauteur d’homme, elle gardait la conscience, l’idée d’être une référence humaine malgré les vérifications du vent qui ne révélaient rien de vivant. La chemise allait de droite et de gauche il y avait des choux-fleurs comme des cerveaux tombés des deux côtés du chemin, une chemise seule ramasse la cervelle tombée du ciel, chemises et chemins et le choir du cerveau que propose le vent. J’ai vu la chemise tomber et se relever avec un cerveau et s’envoler avec un chou-fleur, Ô chou-fleur serait cervelle d’éternité des chemises. Le vieillir à vol d’oiseau que les chemises tentent désespérément d’enseigner au marcheur, le vieillir à vol d’oiseau c’est qu’en soi la chemise a déjà surpassé la personne dans la production d’éternels, éternel en tant que prêt-à-porter Eolien. À un moment les chemises s’écartent d’elles-mêmes des efforts de vieillissement des piétons. La chemise avance avec une passion intense, tout comme un corbeau s’envole. L'homme est élevé dans la production de chemises pour être facilement porté côté vent. La chemise de ma mère montait, le ciel était en travaux, et quelqu’un a dit en catalan “La vida, la fàbrica de camises blaves més belles : la vie, la plus belle usine de chemises bleues”

Ma mère a sauté pour le nu dans les étourneaux, sauter pour maitriser la nudité,  il y a un saut repris sans cesse dans une éternité d’étourneaux. 

 

Puis j’ai pensé que oui bien sûr le gardien de but vieillit à vol d’oiseau, c’est bien là ton grand génie d’animal d’envol. 

 

 

à bientôt 

 

jd

 

 

 

 

 

 

 

Cervelle de lune et prairies de précision

 

 

 

Te dire aussi qu'en ce moment le Barça joue comme les scouts de Wes Anderson, et qu’un Messi tout en malice peut ralentir la verdure du regard comme Bill Murray, maintenant Messi joue avec le regard de Bill Murray. Messi trouve des trajectoires des ouvertures d’espaces temps mélancoliques dans lesquels Dejong et Pedri découvrent l’exactitude de prairies inconnus, 

des prairies de précisions.  Messi a le temps, maintenant il voit que certaines parties du terrain sont cultivables  il y a un potager avec des choux des citrouilles qu’il offre comme des ballons à temporalités variables, Messi apprend aux jeunes joueurs que la verdure est une seule et même chose on y trouve l’élan le repas et la tombe.

 

 

Ah oui et ce joueur qui s’appelle Pedri est une sorte de Platini-Xavi, avec la cervelle de lune d’Iniesta. Il ramène Messi à une période heureuse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Jean-Daniel,

 

 

Vieillir à vol d’oiseau.

 

J’ai écrit cette phrase il y a longtemps (c’était aux alentours de 1992). Je me souviens que c’est une des dix ou vingt phrases où j’ai senti que c’était ça, où j’ai senti que je commençais à trouver quelque chose.

 

 

il y avait des choux-fleurs comme des cerveaux tombés des deux côtés du chemin, une chemise seule ramasse la cervelle tombée du ciel, chemises et chemins et le choir du cerveau que propose le vent. 

 

« Si un homme doté d’un peu d’imagination acceptait simplement de faire seul le tour du potager, et de regarder vraiment les choux et les choux-fleurs, il sentirait aussitôt qu’ils sont aussi vastes et essentiels que les montagnes perdues dans les nuages.»  G.K Chesterton, Le Paradoxe Ambulant 

 

 

 

les volte-faces de la chemise vide ramènent toujours l'éternité à l'emplacement exact du corps. 

 

« Ce sont nos vêtements qui nous donnent corps – sans ça tout s’effondrerait. » Jean-Louis Giovannoni

 

 

 

Je me demandais aussi si tu avais lu ma lettre à Philippe intitulée Naufrage de Feu de  l’Absurdité. Je serais curieux de savoir ce que cela t’évoque.

 

Il y a une phrase bizarre de J. Bergamin à propos de la musique dans son livre Jouet des Dieux. « Sous la musique comme sous la mer, il y a un sol, une terre, du feu et de l’air : une pensée. » Cette idée de la musique comme la pensée d’une terre sous-marine ou plutôt d’une terre-feu-air sous-marine est étrange et belle. La musique ce serait quelque chose d’abyssal. Il y aurait quelque chose comme une asphyxie abyssale de la musique. La musique révélerait un sentiment d’asphyxie abyssale, un sentiment d’asphyxie abyssale qui se retournerait soudain, sourdain à l’intérieur de l’air, qui se révulserait soudain, sourdain à l’intérieur du temps de l’air ou de l’air du temps.

 

La musique aurait la forme d’un naufrage, d’un naufrage paradoxalement sous l’eau, d’un naufrage au fond de l’eau, naufrage par lequel elle se retournerait, se révulserait au sommet de l’air. « La musique fait naufrage dans les silences et en réchappe en versant des larmes amères, décomposée et tremblante comme l’apparition spectrale d’un naufragé hallucinant. » J. Bergamin. Ou encore la musique fait naufrage à l’intérieur du feu, à l’intérieur d’un feu sous-marin, à l’intérieur d’un feu d’asphyxie sous-marine et se retourne alors comme par enchantement, comme par enchantement de surdité, par enchantement d’absurdité, par enchantement de surdité absurde au sommet de l’air, au sommet du temps, au sommet du temps de l’air, au sommet de l’air du temps.

 

Composer de la musique ce serait alors essayer de marcher à la surface de ce temps de l’air, ce serait essayer de surfer à l’intérieur de ce temps de l’air qui vient malgré tout des abysses, de l’absurdité des abysses. 

 

 

Je viens enfin de découvrir un auteur d’aphorismes léger et élégant. Il s’appelle Paul Lambda. Je t’envoie ci-joint quelques-unes de ses formules.

 

 

Post-scriptum.

 

De Jong apparait à l’évidence comme un joueur exceptionnel. C’est l’un de mes joueurs préférés aujourd’hui. Quant à Pedri, c’est un bon joueur. Il me semble cependant un peu trop tôt pour savoir s’il atteindra les plus hauts sommets.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                  A Bientôt                         Boris