A propos de l’Amour de Gustave Flaubert et de Louise Colet.

 

 

 

 

 

 

Flaubert sait parfaitement que le mot amour est un des mots les plus vagues qui soit. « Mais qu’entends-tu par le mot aimer ? Tu sais qu’il n’y en a pas de plus élastique. Ne dit-on pas également ; j’aime les bottes à revers et j’aime mon enfant. »  Ainsi même quand le sentiment de l’amour apparait exact, la désignation de l’amour reste le plus souvent grotesquement floue.

 

 

 

Il y a une extrême lucidité sexuelle de Flaubert « ce brave organe génital est le fond des tendresses humaines ; ce n’est pas la tendresse, mais c’en est le substratum comme diraient les philosophes. » ou encore « Cette perpétuelle confusion du cœur et de la culotte ». Pourtant Flaubert même s’il est lucide sur la confusion du sexe et du cœur chez les autres a précisément la même attitude avec Louise Colet. Flaubert pare ainsi son désir sexuel pour Louise Colet avec les gestes d’élégance de son cœur. En effet cette confusion du cœur et de la culotte que Flaubert juge dérisoire c’est la forme même de l’amour. Et savoir aimer c’est savoir donner une forme exacte à cette confusion. Savoir aimer c’est ainsi savoir comment trouver la forme d’un cœur inconnu à l’intérieur d’une culotte c’est-à-dire ainsi savoir comment déculotter le cœur.

 

 

 

Il est évident que Flaubert aime Louise Colet. Et il essaie de l’aimer avec franchise, désir de franchise amoureuse par quoi Flaubert ressemble à Laforgue. « Pourquoi ne pas accepter la vie telle qu’elle est, et nous aimer franchement sans y trouver tant de subtilités. » « De notre côté est la franchise, sinon la délicatesse ; et nous avons tort pourtant, car cette franchise est une dureté. » En effet c’est cette franchise que Louise Colet souvent reproche à Flaubert, comme si elle aurait préféré qu’il choisisse plus banalement de la leurrer. « Tu ne sais pas gré de ma franchise (les femmes veulent qu’on les trompe ; elles vous y forcent et, si vous résistez, elles vous accusent). » Et Flaubert affirme alors avec une simplicité superbe. « Tu parles de ma franchise cynique, sois conséquente, crois-y à cette franchise. »

 

 

 

En cela il n’y a aucun romantisme chez Flaubert. (L’attitude romantique est chez lui très rare même si elle se manifeste parfois « Si nos corps sont loin, nos âmes se touchent. » Flaubert contredit par exemple la tendance au romantisme avec cet avertissement « Ce mot, l’âme, a fait dire presque autant de bêtises qu’il y a d’âmes. ») Et cependant l’amour de Flaubert a un aspect idéalisé. L’idéalisme de Flaubert n’est pas celui du romantisme, ce serait plutôt une forme d’angélisme. Ce que Flaubert rêve d’inventer avec Louis Colet c’est une forme d’étreinte angélique, une forme d’étreinte à la fois rhétorique et angélique. (Il y a en effet un angélisme flagrant de Flaubert. « Moi aussi je voudrais être un ange ; je suis ennuyé de mon corps, et de manger, et de dormir, et d’avoir des désirs. ») Flaubert inventerait ainsi avec Louise Colet une sorte d’angélisme non romantique, d’angélisme qui affirmerait la trivialité sexuelle.

 

 

 

Le désir de Flaubert pour Louise Colet a cependant aussi parfois un aspect dénégateur. « Et je vais même te dire un mot qui va te semble étrange, il ne me semble pas que tu sois ma maitresse. Jamais cette appellation banale ne me vient dans la tête quand je pense à toi. » « L’idée que tu es ma maitresse me vient rarement ou du moins tu ne te formules pas devant moi par cela. Je contemple (comme si je la voyais) ta figure toute éclairée de joie, quand je lis tes vers en t’admirant. – alors qu’elle prend une expression radieuse d’idéal, d’orgueil et d’attendrissement. Si je pense à toi au lit, c’est étendue, un bras replié, toute nue, une boucle plus haute que l’autre, et regardant le plafond. » Flaubert a ainsi des difficultés à admettre que Louise Colet le fait d’abord bander c’est pourquoi il rêve d’elle comme une sorte d’hermaphrodite idéal, d’hermaphrodite de l’idéal. « J’ai toujours essayé (mais il me semble que j’échoue) à faire de toi un hermaphrodite sublime. »

 

 

 

Flaubert cherche à accomplir avec Louise Colet une forme de sublimation absolue et il y parvient de temps à autre. Louise Colet devient ainsi paradoxalement la figure par laquelle Flaubert essaie de sortir du sexe. Flaubert rêve presque avec Louise Colet d’un amour asexué, d’un amour au-delà du sexe. Flaubert invente ainsi une forme d’amour étrange, celle d’un amour idéalisé dépourvu de romantisme, presque un amour idéalisé cynique. (Flaubert propose en effet souvent une vision cynique de l’amour. « L’amour est comme un besoin de pisser. Qu’il s’épanche dans un vase d’or ou un pot d’argile, il faut que ça sorte. ») A propos de cynisme Flaubert dit encore par exemple à propos de la maitresse d’un ami du sculpteur Pradier. « Elle n’a pour elle qu’un très grand cynisme plein de naïveté qui m’a beaucoup réjoui. » Eh bien ce cynisme plein de naïveté c’est aussi celui de Flaubert.

 

 

 

L’amour de Flaubert pour Louise Colet apparait ainsi comme un mélange de dénégation chaste et de cynisme idéal. C’est comme si l’attitude de Flaubert envers Louise Colet était exactement semblable à celle de Flaubert envers son style. Le style lyrique de Flaubert est essentiellement éjaculatoire « Quelque chose de profond et d’extra-voluptueux déborde de moi à jets précipités, comme une éjaculation de l’âme. » et pourtant il essaie de l’anesthésier. De même Flaubert désire sexuellement Louise Colet avec violence et pourtant il essaie d’idéaliser ce désir sexuel. L’idéalisation de Flaubert n’est pas ce qui remplace un désir défaillant (Flaubert n’est pas une petite nature), l’idéalisation de Flaubert apparait plutôt comme celle d’une grande nature, une grande nature cependant épouvantée par la puissance de ses passions. L’idéalisation serait chez Flaubert une sorte de dénégation de la passion même. « J’ai donné tant de coups de talons de bottes à mes passions, jadis, qu’elles ont pris l’habitude de rester l’échine courbée. J’en ai eu peur, c’est pour cela que j’ai été dur à leur endroit. » Il y a malgré tout aussi pour Flaubert une forme d’animalité et même de bestialité de l’idéal. L’idéal est aussi quelque chose comme une pulsion bestiale. L’idéal affirme l’angélisme de la bête comme la bestialité de l’ange. « Les amours des singes et des loups sont peut-être plein d’utopies superbes et d’idéalités bleuâtres auprès desquels les nôtres pâliraient. »

 

 

 

Flaubert reste extrêmement fidèle à son plaisir. Et cette extrême fidélité à son plaisir apparait comme la forme candide de son amour. « Ne crois donc pas que j’appartienne à la race vulgaire de ces hommes qui se dégoûte après le plaisir, l’amour n’existant chez eux qu’en vertu de la convoitise. » « Si les autres n’ont que du dédain après la possession, je ne suis pas comme eux et je m’en fait gloire. La possession m’attache au contraire. »

 

 

 

Flaubert cherche ainsi à baiser Louise Colet avec des phrases. Flaubert cherche à baiser Louise Colet à coups de phrases. Flaubert cherche à baiser Louise Colet à la fois en phrases et par phrases. Ce que désire Flaubert, c’est faire l’amour avec Louise Colet par le geste même de lui écrire, par le geste même de lui envoyer des lettres. Le cynisme de Flaubert c’est d’apparaitre stylistiquement excité d’aimer Louise Colet. Flaubert apparait ainsi stylistiquement excité par le cynisme idéalisant de son amour. Ce que désire Flaubert, c’est baiser avec la lecture de Louise Colet, c’est jouir sexuellement de la lecture de Louise Colet, c’est jouir sexuellement de la lecture de ses phrases par Louise Colet. Ce que désire ainsi Flaubert, c’est faire l’amour avec Louise Colet à l’instant même de la lecture, c’est faire l’amour avec Louise Colet à l’instant même où elle lit les phrases qu’il lui envoie. « Je rêve ton admiration comme une volupté. » « Oh ! que je voudrais faire de grandes œuvres pour te plaire ! Que je voudrais te voir tressaillir à mon style ! Moi qui ne désire pas la gloire (…) je voudrais en avoir pour toi, pour te la jeter comme un bouquet, afin que ce soit une caresse de plus et une litière douce où s’étalerait ton esprit quand il rêverait à moi. »

 

 

 

Ce que Flaubert cherche par sa correspondance avec Louise Colet, c’est une forme d’érection cardiaque, une forme de bandaison du cœur, ce qu’il appelle « le priapisme sentimental ». « Mais la littérature mène loin, et les transitions vous font glisser, sans qu’on s’en doute, des hauteurs du ciel aux profondeurs du cul. » Ce que Flaubert cherche à accomplir par sa correspondance avec Louise Colet c’est ainsi une manière à la fois de transformer le cul en ciel et de transformer le ciel en cul, c’est ainsi une manière de baiser le cul du ciel, une manière de jouir du cul du ciel.

 

 

 

« Et puis il me semble que la vie en elle-même est un peu ça. Un coup dure une minute et a été souhaité pendant des mois ! Nos passions sont comme les volcans : elles grondent toujours, mais l’éruption n’est qu’intermittente. » 

Flaubert est en effet extrêmement sensible au décalage, à la disproportion souvent dérisoire entre l’insistance du sentiment et l’évanescence de l’acte. Ainsi pour Flaubert c’est toujours comme si l’accomplissement réel du désir était toujours en défaut par rapport à l’intensité rêvée de ce désir, comme si les actions humaines ne parvenaient jamais à la hauteur de la vision que les hommes en ont, comme si les actions humaines ne parvenaient jamais à devenir aussi intenses que l’imagination que les hommes en ont.

 

 

 

« Toute cette joie que l’on se sent, et qui nous étouffe il faudra mourir avec elle et sans l’avoir fait déborder. C’est comme les envies de foutre, on soulève en idée tous les cotillons qui passent. Mais dès le cinquième coup, tout sperme manque. Alors le sang vient au gland mais la concupiscence reste au cœur. » 

Il y a chez Flaubert ce sentiment que la force d’écrire, la force de vouloir écrire, la force qui appelle à écrire est beaucoup plus puissante et intense que les aptitudes mêmes du corps. Pour Flaubert, le corps n’a jamais la force d’accomplir ce qui l’appelle pourtant de manière intime, que cet appel soit celui physiologique du sexe ou celui métaphysique de l’art. Il y a ainsi pour Flaubert (et la formule est extraordinaire) une concupiscence du cœur qui reste toujours en excès par rapport à ce que le corps parvient à accomplir. Cette concupiscence du cœur serait ainsi pour Flaubert la forme même de l’âme. Pour Flaubert, l’appel sublime de l’âme affirme la concupiscence à jamais inassouvie, aussi inextinguible qu’inassouvie du cœur. L’âme pour Flaubert c’est cela, quelque chose de plus fort qu’une existence particulière et qui appelle pourtant à l’intérieur de cette existence particulière comme une voix irrévocable.

 

 

 

Pour Flaubert le corps n’a pas assez de force pour répondre à l’appel qui résonne à l’intérieur de son cœur. Pour Flaubert le corps n’est jamais à la hauteur des battements de son cœur. Et aussi, le cœur même n’est jamais à la hauteur de l’intensité de son battement, de l‘intensité quasi spermatique de son battement. Ainsi le cœur n’est jamais à la hauteur du battement de sperme qui retentit à l’intérieur de lui-même comme le sexe n’est jamais à la hauteur de la pulsation de sang qui l’étreint.

 

 

 

Il y a pourtant aussi à l’inverse chez Flaubert cette idée bizarre selon laquelle l’écriture vient plutôt de l’insensibilité que du sentiment. Ainsi pour Flaubert ce qui provoque l’écriture ce n’est pas l’émotion, ce qui provoque l’écriture c’est l’anesthésie même de l’émotion. 

« Et puis suffit-il d’être possédé d’un sentiment pour l’exprimer ? Y’a-t-il une chanson de table qui ait été écrite par un homme ivre ? Il ne faut pas toujours croire que le sentiment soit tout, dans les arts, il n’est rien sans la forme. »

 

 

 

 

Le problème de la femme pour Flaubert c’est qu’elle apparait à la fois extrêmement naturelle  « Et c’est là ce qui la rend, cette femme, si poétique à un certain point de vue, c’est qu’elle rentre absolument dans la nature … J’ai vu des danseuses dont le corps se balançait avec la régularité ou la furie insensible d’un palmier. » et extrêmement artificielle. « La femme est un produit de l’homme. Dieu a créé la femelle, et l’homme a fait la femme ; elle est le résultat de la civilisation, une œuvre factice. Dans les pays ou toute culture intellectuelle est nulle, elle n’existe pas (c’est une œuvre d’art, au sens humanitaire ; est-ce pour cela que toutes les grandes idées générales se sont symbolisées au féminin ?) » La femme serait ainsi l’artifice qu’invente l’homme pour se donner l’illusion de la nature, pour se donner l’illusion de retrouver la nature.

 

 

 

Pour Flaubert la femme n’est pas cependant toujours naturelle, la femme est aussi parfois ce qui distrait de la nature, ce qui le distrait de son goût pour l’hébétude voluptueuse à l’intérieur de la nature. « Cela me prend surtout devant la nature, et alors je ne pense à rien ; je suis pétrifié muet et fort bête. En allant à la Roche-Guyon j’étais ainsi, et ta voix qui m’interpellait à chaque minute et surtout tes attouchements sur l’épaule pour solliciter mon attention me causaient une douleur réelle. » Il y a ainsi pour Flaubert une sorte de facticité distraite du désir de la femme qui selon lui contredit les pulsions faciles de la nature. Ainsi ce que Flaubert cherche c’est à transformer idéalement le désir de la femme, c’est à transformer le désir factice de la femme en une sorte de pulsion naturelle idéale.

 

 

 

 

« Ne sens-tu pas qu’il y a dans la vie quelque chose de plus élevé que le bonheur, que l’amour et que la religion, parce qu’il prend sa source dans un ordre plus impersonnel , - quelque chose qui chante à travers toi, soit qu’on se bouche les oreilles, ou qu’on se délecte à l’entendre, à qui les contingents ne font rien, et qui est de la nature des anges, lesquels ne mangent pas, je veux dire l’idée c’est par là qu’on s’aime, quand on vit par là. » 

Flaubert ne considère donc jamais l’amour comme la forme d’un accomplissement. A propos de Leconte de Lisle il note par exemple « Ces deux années passées dans l’absorption complète d’un amour heureux me paraissent une chose médiocre. ». Pour Flaubert l’amour est plutôt un adjuvant, un adjuvant de l’œuvre, un adjuvant de la joie de l’œuvre, de la joie essentielle de l’œuvre. « Les passions, pour l’artiste, doivent être l’accompagnement de la vie. L’art en est le chant. »

 

 

 

Il y a pour Flaubert une sorte de stupidité vaniteuse qui hante sournoisement le bonheur amoureux. « Mais un tel amour m’eut rendu fou, plus même imbécile d’orgueil. » Le leurre du bonheur amoureux suscite la vanité stupide de se croire quelqu’un, quelqu’un d’important pour quelqu’un d’autre, c’est ainsi selon Flaubert oublier de devenir une chose de la poussière, une chose de la civilisation de la poussière, une chose particulière de la civilisation indestructible de la poussière.

 

 

 

Ce que Louise Colet ne parvient jamais à comprendre c’est que pour Flaubert il n’y a pas d’alliance entre l’amour et l’œuvre (et le travail d’écriture). Pour Flaubert l’amour et l’écriture ne sont jamais complémentaires, ils s’excluent réciproquement. L’amour exclut l’écriture et l’écriture exclut l’amour. C’est pourquoi la seule façon selon Flaubert de les faire coexister malgré tout, c’est de les alterner « Depuis six semaines environ que je te connais (expression décente), je ne fais rien. Il faut pourtant sortir de là ! Travaillons, et de notre mieux. Puis nous nous verrons de temps à autre quand nous le pourrons. Nous nous donnerons une bouffée d’air. Nous nous repaitrons de nous-mêmes à nous en faire mourir. Puis nous retournerons à notre jeûne. Qui sait ? c’est peut-être la meilleure méthode pour bien travailler, et bien s’aimer. »

 

 

 

Pour Flaubert l’amour est ce qui vient après l’œuvre, ce qui vient après l’écriture. Pour Flaubert, l’amour c’est ce qui vient après le travail, ce qui vient après le travail de l’art. Pour Flaubert, l’amour c‘est quand le travail de l’art se repose. « Quand ma journée est finie et que j’ai assez pensé, écrit, lu, rêvé, baillé, quand je suis saoul de travail et que j’éprouve la fatigue de l’ouvrier sur le soir, je me repose dans ton souvenir comme dans un bon lit. » « Toi qui est l’édredon où mon cœur se pose, et le pupitre commode, où mon esprit s’entrouvre. » 

Pour Flaubert l’amour c’est ainsi le temps allongé après l’écriture, le temps allongé où celui qui a écrit se repose de la posture assise de l’écriture, de la crampe d’épilepsie de l’écriture, de la crampe d’épilepsie assise de l’écriture. Pour Flaubert l’amour est une forme de langueur, une forme de repos alangui. C’est pourquoi Flaubert considère que l’amour ne sera jamais la forme primordiale de l’existence. « Pour moi l’amour n’est pas la première chose de la vie, mais la seconde ; c’est un lit où l’on met son cœur pour le détendre. Or on ne reste pas couché toute la journée. » Flaubert écrit pourtant encore ceci que je trouve très beau. « A quelle autre qu’à toi vais-je faire avant de m’endormir la dédicace de ma nuit ? » Aimer pour Flaubert c’est ainsi savoir comment donner son sommeil, c’est savoir comment donner la forme de son sommeil, c’est savoir comment adresser la forme exacte de son sommeil. L’amour pour Flaubert c’est ainsi une manière d’adresser à l’autre la forme du sommeil de la nuit avec exactitude.

 

 

 

Pour Flaubert, l’amour affirme une manière de partager la solitude. « L’âme a beau faire, elle ne brise pas sa solitude, elle marche avec elle. » L’amour apparait simplement comme une manière de partager la solitude avec une extrême tendresse. « Ah nous serons seuls, bien seuls, à nous, dans un village au milieu de la campagne, autour de nous le silence. » « Quel bonheur ce serait maintenant d’être seuls, seuls dans une bonne chambre bien close, rideaux tirés, porte fermée au verrou, d’avoir un feu flambant, et d’être dans le lit, côte à côte, l’un contre l’autre, de nous étreindre, de nous sentir. - Les cuisses entrelacées, les bras passés autour de la taille, bouche sur bouche et poitrine contre poitrine. - » Evocation en effet la plus simple du sentiment amoureux.

 

 

 

« Il me semble que l’amour doit résister à tout, à l’absence, au malheur, à l’infidélité même, à l’oubli. C’est quelque chose d’intime qui est en nous, et au-dessus de nous tout à la fois. Quelque chose d’indépendant de l’extérieur et des accidents de la vie. » 

Ainsi c’est comme si pour Flaubert l’amour révélait une forme d’immortalité du temps. Pour Flaubert l’amour immortalise le temps. Pour Flaubert l’amour n’est pas un acte de fidélité entre des individus. L’amour apparait plutôt comme une forme de confiance absolue  accordée au temps, une forme de confiance absolue accordée à l’inconnu du temps.

 

 

 

« Je m’étais formé de l’amour une toute autre idée. Je croyais que c’était quelque chose d’indépendant de tout, et même de la personne qui l’inspirait. » 

L’amour apparait ainsi pour Flaubert comme un sentiment presque distinct de celui ou celle qui provoque cet amour. Il y a ainsi pour Flaubert une forme d’indifférence de l’amour. L’amour apparait comme un sentiment absolu c’est-à-dire un sentiment paradoxalement sans relation avec l’aimé ou l’aimée. L’existence de l’autre aimé n’est qu’un prétexte à l’invention de l’amour. Pour Flaubert, l’amour apparait comme une puissance de fiction intégrale, quelque chose comme une œuvre d’art sans travail, une œuvre d’art du repos, une œuvre d’art désœuvrée, l’œuvre d’art du désœuvrement même.

 

 

 

 

(…)