Van Gogh, Vortex de la Couleur

 

 

 

 

 

 

 

La peinture de Van Gogh apparait à la fois incroyablement profonde, volcanique par les exclamations de couleur qui donnent à sentir les vortex de la terre comme du ciel, et en même temps superficielle par le pailleté des petites touches, petites touches cependant fracassantes et quasi saxifrages. Van Gogh peint comme un paysan dément. Van Gogh peint comme un paysan qui tenterait de labourer à l’intérieur d’un volcan.

 

 

 

Van Gogh donne à voir la limaille de la lave, la limaille de lave volcanique de la terre. Van Gogh donne à voir la limaille de volcan de la couleur. Van Gogh peint le volcan de couleur qui survient entre terre et ciel. Van Gogh peint le vortex d’étincelles qui à la fois monte de la terre et descend du ciel. Par ce double mouvement contradictoire de la montée de la terre et de la descente du ciel, Van Gogh ressemble parfois à Rimbaud.

 

 

 

Van Gogh montre de manière prodigieuse les tournures de matière du monde, les tournures à la fois terrestres et célestes, à la fois tellurique et éthérées du monde. Il y a un éther paradoxal de Van Gogh, l’éther violent du bleu nuit, celui du ciel autour de l’église d’Auvers, autour plutôt qu’au-dessus.

 

 

 

Pour Van Gogh, le cosmos apparait comme un Christ. Van Gogh peint la crucifixion du cosmos. Van Gogh peint la crucifixion de la matière du monde, la crucifixion de la matière du monde entre terre et ciel. Van Gogh peint l’écartèlement crucifié de la matière du monde entre terre et ciel. Dans la peinture de Van Gogh la matière du monde apparait crucifiée par la couleur. La matière du monde apparait crucifiée par la gravitation de la couleur, par les tournures de gravitation de la couleur.

 

 

 

Van Gogh peint comme un vagabond, un vagabond  de l’immobilité, un vagabond de la paralysie exaltée. Van Gogh montre l’avoir lieu du monde, l’immense et humble avoir lieu du monde, l’ivresse d’avoir lieu du monde où l’homme n’a pas sa place, où l’homme tient très difficilement en place, où l’homme ne tient pas en équilibre, où l’homme titube. Van Gogh ne peint pas avec des tubes de couleurs, il peint plutôt avec des titubes de couleur, il utilise des titubes de couleur pour peindre.

 

 

 

Van Gogh peint à la manière d’un aveugle. Van Gogh peint à tâtons, Van Gogh peint à tâtons immédiat. Van Gogh ne cherche pas comme les impressionnistes à révéler optiquement les variations du jour. Van Gogh essaie plutôt de toucher de manière organique la couleur de la nuit comme la nuit de la couleur.

 

 

 

Van Gogh ne peint pas avec son œil. Van Gogh c’est l’inverse de Monet, il ne regarde pas le monde avec son œil, avec la subtilité de son œil. Van Gogh peint avec son sang. Van Gogh contemple le monde avec les pulsations de son sang. Van Gogh peint avec l’étoile aveugle de la main. Van Gogh peint avec la coïncidence aveugle de la main et du sang. Ce qui est extrêmement étonnant dans la peinture de Van Gogh, c’est comment il parvient à inventer des connivences sidérantes entre différentes pulsions de sa chair. Van Gogh peint à la fois avec ses mains, avec son sang et encore aussi avec les iris à tâtons de son aveuglement. Van Gogh contemple le monde grâce à l’ouverture d’iris de son sang, l’ouverture d’iris de sa chair, l’ouverture d’iris de l’intégralité de sa chair, de l’explosion intégrale de sa chair.