Il apparait presque toujours sans visage. Posséder un visage lui semble absolument superflu. Malgré tout il ne s'en sépare jamais, son visage reste ainsi à portée de ses mains, enveloppé à l'intérieur de la sphère translucide d'un regard en lévitation. Ceux qui ont le désir de saisir ou de simplement toucher cette sphère ensuite ne l'ont plus. En effet un unique contact avec la sphère est mortel. Personne ne sait d'où vient cette force de destruction de la sphère et lui-même d’ailleurs ne le sait pas. Il sait simplement une chose c'est qu'il est le seul à pouvoir toucher la sphère; savoir qu'il ne confond pas avec la certitude que le visage que cette sphère sauvegarde est en vérité le sien. En effet et cela il ne le cache nullement, il est né sans visage. Ce n'est que longtemps après sa venue au monde, par le feu d'amnésie d'un événement incroyable, où et quand ça il le cachait toujours, qu'un visage lui était tombé dessus.

Quand il considère qu'il est temps de séduire le hasard de la fatalité, il extrait son visage de la sphère. Chacun s'étonne de cette extatique coquetterie étant donné que ce qu'il nomme son visage n'est rien d'autre que la sphère elle-même, qu'il choisit à cet instant de déposer délicatement au sommet de son cou.

 

 

 

Son visage apparait à chaque instant séparé de son corps. Malgré tout son visage ne s’en éloigne jamais beaucoup, il reste toujours aux alentours de son corps. En effet, son visage sait que s’il perd de vue le corps ne serait-ce qu’un instant, il est certain de ne plus jamais le retrouver. C’est pourquoi son visage suit son corps partout avec autant de passion que de nonchalance. Parfois le visage semble accompagner le corps comme un prédateur poursuit sa proie ou comme un violeur poursuit une femme, d’autres fois il semble l’accompagner comme un chien qui recherche de l’affection ou encore comme un homme suit un autre homme dans une file d’attente. Cependant il est extrêmement rare que son visage choisisse non pas de suivre son corps mais plutôt de le précéder dans l’espace et dans le temps. S’il le précédait ainsi, cela ne modifierait pas la forme de son pacte avec son corps malgré tout cela modifierait peut-être l’idée que les autres ont de ce pacte. En effet les autres pensent que le pacte de son visage et de son corps est un pacte de sentiment littéral. Si le visage avait l’audace d‘apparaitre avant le corps, les autres auraient la révélation que ce pacte est un pacte de hasard rituel comme de silence sensuel.

 

 

 

Il avait approximativement 15 ans quand il eut la révélation de l’existence de son visage. Jusqu’à ce jour il avait tranquillement vécu sans avoir de visage et sans même chercher à en avoir un. Les autres connaissaient évidemment son visage depuis toujours, cependant cela ne provoquait en lui aucune révélation. Il n’avait pas l’intuition qu’il y avait quelque chose comme une matière de visage. Quand il découvrit son visage pour la première fois, il ne le reconnut pas, cependant il ne fut pas non plus surpris par sa forme. Quand il découvrit son visage pour la première fois il fut seulement fasciné, fasciné comme si soudain quelqu’un lui avait offert l’océan à l’intérieur d’un verre d’eau. Face à cette offrande insensée, il ne savait pas s’il devait boire le verre d’eau ou bien le jeter au loin ou encore le boire par le geste même de le jeter au loin. Ou encore de faire comme si il n’avait pas vu que le rire d’extase du ciel lui avait offert une chose absolument inimaginable.

 

 

 

 

 

Chaque jour il provoque méthodiquement l’explosion de son visage. C’est pourquoi son visage ressemble à la composition de planètes d’une galaxie. Son crâne tourbillonne sur lui-même par la seule force de sa respiration et repose comme axe de cette galaxie. Autour de son crâne, des extraits de son visage dansent à des rythmes multiples comme des astres satellites. La bouche, les yeux, le front, le nez, les oreilles, les dents, la langue, les cils lévitent avec lenteur et donnent ainsi forme à une apocalypse de solitude tacite.

 

 

 

Sa chair survient comme un visage d'énigme en dehors de tout, le visage de hasard de la terreur. Cette chair-visage apparait composée par les déchirures de connivences d'une prolifération d’autres chairs-visages. Chaque trait de son visage a la forme d'un autre visage et ainsi de suite comme le bégaiement d'inouï du silence à tu. Il n'y a aucune distance visible entre ces multiples visages. Entre ces multiples visages survient seulement la pulsation de certitude d'une catastrophe frivole comme la voix d'extase du sang décapité par le fou rire inexorable de la respiration.

 

 

 

 

 

Chaque trait de son visage révèle l’indice d’une décapitation antérieure. Son visage apparait comme le magma cosmétique d’un tas de décapitations contorsionnistes.

 

 

 

Une cicatrice de musique dessine à chaque instant les traits de son visage. Quand il dort, la cicatrice reste éveillée afin de contempler l’équilibre de disparition du vide. Son visage ressemble à un ghetto de hasard qui détruit le feu sans toucher la démence du feu.

 

 

 

Il tient son visage à la main comme une valise de sang perdu. Au sommet de son cou il n’y a plus comme un ready-made de l’invisible que la cicatrice de regard de sa voix.

 

 

 

Son visage fonctionne comme un manège d’innombrables je innommables. Ce n’est ni un manège pour enfants, ni un manège pour adultes, c’est un manège pour les morts.

 

 

 

 

 

Sa tête c’est la terre. Et son œil englobe son corps.

 

 

 

Depuis le jour où il n’est pas né, il habite à l’intérieur d’une tête. Il ne sait pas à qui cette tête appartient. Il ne sait pas si cette tête est alimentée ou non pas un corps, il ne sait pas si cette tête nourrit des sentiments envers lui ou si elle est une tête absolue qui survient en dehors de tout. Il ne sait pas si cette tête est celle d’un vivant ou d’un mort, si elle est intelligente ou stupide, il ne sait même pas si cette tête existe ou si elle est l’utile révolution de et. Ce qu’il sait, car c’est la vérité même de sa vie, c’est que cette tête ne sait pas qu’il existe et qu’elle ne le saura jamais Il est donc au centre de cette tête et elle l’ignore et c’est peut-être mieux ainsi. En échange, à l’intérieur de sa propre tête à lui, il n’y a rien et il n’y a rien d’autre et il n’y a rien d’autre que le souffle anthropophage de il y a.

 

 

 

Il est indiscutablement digne, parfaitement respectable. Il est impossible de voir et de toucher son dos ou ses fesses. Il est toujours de face, c'est comme s’il disposait d'une multitude de visages. Son corps ressemble à une épidémie de visages. Son ventre, un visage. Son nombril, un visage. Son anus, un visage. Son estomac, un visage. Ses intestins, un visage. Son sexe, un visage. Sa bouche, un visage. Son nez, un visage. Ses oreilles, un visage. Ses excréments, un visage. Et cela sans que personne ne sache si chaque visage est le même ou non.

 

 

 

Son visage a accouché de sa chair. C’est pourquoi son existence a la forme d’une malédiction à la fois apocryphe et explétive.