Entre ses deux yeux, semblable à une tétine labyrinthique, il y a une bulle, une bulle invisible et indestructible. Personne d’autre que lui ne connaît son pouvoir. En effet même si cette bulle n’est pas secrète, à chaque fois qu'il en parle, on ne l'écoute pas, on comprend ce qu'il dit cependant on juge ses propos  parfaitement insignifiants, d'une banalité quasi criminelle.

Cette bulle, il y pense à chaque seconde sans savoir si elle est l'indice d’une élection ou d’une malédiction ou encore le signe de rien. Cette bulle obstrue souvent son regard, telle l'impasse d'une transparence, le cercueil de coquetterie de la vérité.

 

 

 

Entre lui et ce qu'il regarde, il n'y a jamais rien, son regard abolit. Tous ceux qui désirent s'interposer entre lui et ce qu'il regarde sont anéantis. Au centre de cette abolition, il dispose les souvenirs de son désir comme le labyrinthe invisible de sa stupeur.

 

 

 

Lorsqu'il a les yeux ouverts, il désire comme Dieu s'il n'existe pas sait que le chiffre deux est effacé de l'univers un jour sur deux. Lorsqu'il a les yeux fermés, il désire comme deux s'il n'existe pas sait que Dieu est effacé de l'univers un jour sur Dieu. Lorsque ses yeux oscillent, il désire comme d'yeux s'ils n'existent pas sait que l'apostrophe est effacée de l'univers un jour sur deuil.

 

 

 

 

 

Son désir n’est pas inscrit dans son regard. Son désir n’est pas inscrit sur ses paupières. Son désir n’est pas inscrit sur l’envers de ses paupières. Son désir est inscrit sur la disparition de ses paupières, ou plutôt son désir semble l’empreinte même de la disparition de ses paupières.

 

 

 

Lorsqu’il acquiesce, c’est comme si ses yeux étaient à la recherche de ses paupières. Et lorsqu’il dit non, c’est comme si ses paupières étaient à la recherche de ses yeux.

 

 

 

 

 

Il n’a pas de paupières. A la place des paupières il a cependant des rétines d’ironie, des rétines telles des plaisanteries socratiques qui contredisent tranquillement ce que ses yeux ont vu.

 

 

 

L’insolence de son regard est automatique. C’est comme si ses rétines étaient les tétines de son rire.

 

 

 

Ses paupières sont recouvertes d’une rétine d’étonnement, d’une rétine de tonnerre fragile sur laquelle de temps à autre comme sur un page grise l’élégance de son amnésie écrit.

 

 

 

 

 

Il n’a pas de paupières. C’est pourquoi il utilise ses paroles comme des paupières pour voir ou ne pas voir quand il le désire.

 

 

 

Il n’est pas aveugle, cependant il préfère à chaque instant fermer les yeux. Il ferme les yeux par plaisir et aussi afin que son existence soit plus simple. En effet, à chaque fois qu’il ouvre les yeux, il frôle la mort parce qu’il voit à chaque fois le regard du vide.

 

 

 

Il préfère exister à chaque instant les yeux fermés. Il les ouvre uniquement afin de contempler les femmes qu’il désire.

 

 

 

 

 

Il parvient parfois à saisir les regards que les êtres humains s’adressent les uns aux autres et à les tisser ensemble pour révéler la nostalgie de son éveil.

 

 

 

Il sait de façon infaillible combien de fois il a perdu de vue puis retrouvé du regard chacun des êtres humains qu’il a rencontrés. Cependant il n’utilise jamais ce savoir, ce savoir est la forme exclamative de son oisiveté.

 

 

 

Il a autant d’yeux qu’il a prononcé de paroles. Les yeux pullulent à la surface de son corps. Sa chair ressemble à une prolifération féerique de regards. Il ne reconnait quasiment jamais aucune forme, aucune chose. En effet, entre temps il a parlé et il a ainsi ajouté une multitude de visions nouvelles à son sentiment du monde. Pour pouvoir reconnaitre quoi ou qui que ce soit, il devrait choisir de se taire. Cependant il préfère parler, il préfère devenir un magma exubérant de regards plutôt que de disposer d‘un savoir.

 

 

 

 

 

Ses yeux confondent bondir et brûler.

 

 

 

Il bondit avec l’aberration de son regard. Il bondit quand son regard touche l’espace entre les choses. Il bondit quand son regard touche la décomposition de clarté du vide.

 

 

 

Il lave les bijoux de ses yeux à l’intérieur de la substance de son cerveau. Il est condamné s’il désire que son regard soit intense à sacrifier la matière de sa pensée, sinon son regard est celui d’un caillou d’intelligence engourdie.

 

 

 

 

 

A chaque fois qu’il voit un de ses cils s’enfuir d’une de ses paupières il pense qu’il accomplit  soit un crime soit un miracle.

 

 

 

Il regarde les autres avec un intérêt effrayant. Il regarde les autres afin de voler en eux l’image de leur futur cadavre. Il ne vole pas cependant cette image pour se l’approprier mais pour l’envoyer au cercueil d’invisibilité du ciel.

 

 

 

Ses orbites sont dépourvues d’yeux. A l’inverse chacun de ses cheveux est enveloppé d’une myriade de regards.