Il ne travaille que lorsqu'il dort. Son travail est de rêver le vide.

 

 

 

Il a dormi pendant l'intégralité de son existence. Il ne s'est réveillé qu'à l'instant de sa mort, le temps de sourire une seule et unique fois à jamais.

 

 

 

Il a l’intuition de l’existence de la terre et du ciel uniquement quand il dort. Lorsqu’il est éveillé, la terre et le ciel n’existent pas, il n’y a plus pour lui qu’une stratification aléatoire d’horizons.

 

 

 

Quand il dort, ses oreilles l’abandonnent et se transforment en roues de bicyclettes.

 

 

 

Le jour il ne dort jamais sauf quand il parle. Et la nuit il sait comment jongler avec son sommeil à l’intérieur des phrases qu’il dévore. Il invente ainsi l’extase rituelle de son silence.

 

 

 

 

 

Quand il rencontre quelqu’un pour la première fois, à l’instant même où l’autre se présente, il s’endort. Et il ne se réveille qu’à l’instant où il pense que l’autre a fini de se présenter.

 

 

 

A l’instant de son réveil il entend son rêve lui demander « Tu es venu seul ? ». Et à l’instant de son réveil il entend alors ses paupières lui répondre « Non, mon nom est là qui m’accompagne.»

 

 

 

Avant de s’endormir, il ôte son nom de son corps et il le pose auprès de lui sur une table ou une chaise. Et chaque matin, son nom le réveille par le désordre qu’il provoque à l’instant où il s’amuse à tomber par terre.

 

 

 

 

 

Il ne sait pas si la pulsion de son éveil révèle la forme d’un délire ou d’une lecture, le délire de ses draps ou la lecture de son plafond.

 

 

 

Il n'est jamais ivre sauf quand il dort. Quand il est éveillé il sculpte des exclamations de regards à l'intérieur de la fable d'inouï d'un verre d'eau.

 

 

 

Quand il apparait éveillé, son crâne devient la forme immortelle de sa bouche et quand il dort sa bouche devient la forme mortelle de son crâne.

 

 

 

 

 

Chaque matin, quand il se réveille, sa nuque se retourne et tire un coup de revolver dans le lit vide pour tuer le souvenir de son sommeil. Pour accomplir ce geste il n’utilise même pas de revolver, c’est plutôt la révulsion de rêve de sa nuque qui survient comme un coup de revolver.

 

 

Chaque matin au petit déjeuner, il déguste un infime fragment de son cœur, un fragment d’un volume et d’un poids immuables. C’est atroce cependant c’est une forme de connaissance. Son désespoir est un désespoir d’élu parce que c’est un désespoir précis. En effet il sera ainsi apte à déterminer avec exactitude l’instant de sa mort. Ce sera simplement le jour où il n’aura plus faim comme il n’aura plus rien à manger. 

 

 

 

 

 

Chaque matin, il mâche un cercueil semblable à une toupie.

 

 

 

Le matin, il s’éveille sans jamais sortir de son lit. Sa nonchalance est malgré tout héroïque. En effet, son lit se trouve au bord d’un précipice.

 

 

 

Chaque matin à l’instant exact où il s’éveille, une baleine bisexuelle et une cathédrale gothique mutine font l’amour dans son lit.