Il emploie les dates du calendrier en tant que masques. Il a substitué à son organisme l’agenda de son agonie.

 

 

 

Il accomplit des crimes de façon si récurrente qu’il utilise désormais leur succession en tant que calendrier.

 

 

 

Il date avec ses crimes. Il accomplit un crime par jour. Lorsqu’il n’accomplit pas son crime quotidien, il croit qu’il est éternel.

 

 

 

Il ne vit qu’un jour par semaine. Le reste du temps, il simule l’éternité, il mime la délectation encyclopédique de sa conscience à travers les nombres de mutisme de sa résurrection.

 

 

 

Il existe un jour sur deux. Les autres jours, il décapite la pensée de l'un et la passion du zéro ou la pensée du zéro et la passion de l'un. Les autres jours il imite le rien du tout du messie. Autrement dit, il enregistre la gloire incognito du calendrier à travers l'alphabet d'adieu des nombres.

 

 

 

Il est éternel une seconde sur deux. L'autre seconde, il allégorise la tautologie de l’etceatera.

 

 

 

Il croit que l’éternité est identique à une année dont chaque jour serait le signe d’insomnie de sa naissance.

 

 

 

Plutôt que de vivre au jour le jour, il a choisi d’ajourner à la vie à la vie.

 

 

 

 

 

Il y a des jours où il a la sensation cérébrale d’exister à l’orée du monde, ni dedans, ni dehors, à la limite du monde, à sa limite confidentielle. Si le monde n’a pas envie de lui parler, alors il entend seulement le bruissement du temps, comme s’il y avait autre chose à faire que de s’intéresser à l’existence du monde, autre chose sans savoir quoi.  

Cette situation libère en lui une sorte d’anxiété par exagération de légèreté. Il est à la fois  heureux d’être soustrait aux exigences du monde et triste de ne plus lui appartenir. Il a l’impression d’être un survivant inutile. En effet il sait que si le monde disparaissait, il ne serait pas anéanti, il resterait en vie. Cependant il sait aussi que le monde n’a pas disparu et que par conséquent il n’est qu’un sursitaire futile, le sursitaire futile du il y a des jours.

 

 

 

Il ne perçoit pas la succession des jours selon la modification de la lumière dans le ciel. Il ne la perçoit pas, il la pense. La succession des jours est pour lui uniquement mentale. Elle correspond à des situations de son cerveau, les situations où son cerveau ne vise pas un objet déterminé, où son cerveau ne vise même pas la substance de substitution de la pensée. Ainsi la succession des jours est pour lui identique à la situation simultanément ultime où la pensée est le signe de ponctuation explétif de la gloire. Ainsi il passe d’un jour à l’autre comme il échange l’adieu de son insomnie.

 

 

 

Il ignore méthodiquement les dates et il leur substitue des interdits. Au moins un interdit par jour et parfois même lorsqu'il est énervé à travers l'ignorance de l'il y a, un interdit à chaque seconde. Il croit ainsi que le sens de la vie est de subsister en tant qu'horloge d'adieu de l'insomnie.

 

 

 

Chacun lui a déjà mille fois expliqué que cette pensée est fausse cependant il s'en moque infiniment. Il prétend que c'est vrai, que c'est la vérité exclusive, la vérité à l'exception de tout. Il ne croit pas à cette pensée, il l'incorpore. Il incorpore la vérité selon laquelle ce qui arrive n'arrive jamais que si un rendez-vous a été auparavant pris. "Comment désirez-vous sinon que ce soit possible" dit-il avec une incompréhensible obstination. Il refuse que subsiste quelque ou nulle part des dates qui comploteraient la parodie de révolution de l'éternité. Ce souci d'organiser le temps à travers l'obsession distraite d'une crucifixion insignifiante lui semble fastidieusement vulgaire. C'est pourquoi à la place des dates, il préfère s'intéresser aux interdits. Chacun de ses actes annonce un interdit, néanmoins cet interdit décide sans cesse de transgresser son annonciation. Il est ainsi condamné à accomplir un interdit à chaque seconde : interdit d'éternuer, de tricoter, de ratisser, de regarder des vêtements, de dire le mot "adieu", de dire le mot "... ", interdit d'être un papillon, interdit de désirer ne pas désirer, interdit d'être, interdit de faire de chaque interdit un hasard, interdit de demander pardon à un labyrinthe, interdit de mourir sans s'exposer à de ridicules sanctions, interdit d'être une autre mort que ce qui est interdit,  interdit de classer, interdit d'accorder un sens aux interdits, interdit d'être impossible, interdit de changer d'idée, interdit de croire à la vérité des interdits. Ainsi lorsqu'il  parle au cœur de ses rêves, il idolâtre l'insulte de prouver que l'univers n'est rien d'autre qu'une relation de mutisme du nom de Dieu.

 

 

 

 

 

Il croit aux horloges. Il croit à l’organisme obligatoirement ressuscité des horloges. Il assimile la ponctualité à une prophétie, la prophétie tautologique de l’insomnie du temps.

 

 

 

Il est si ponctuel qu’il pense qu’à chaque fois qu’il respecte l’heure d’un rendez-vous, il explétive l’adieu de la vérité.

 

 

 

C’est un potentat de la ponctualité. Il adore autant les heures qu’il hait les hommes. Lorsqu’il fixe un rendez-vous à un homme, il n’a pas d‘autre désir que celui de changer cet homme en otage de l‘horloge.

 

 

 

L’horloge qui lui appartient n’indique jamais qu’un unique horaire : 9 h16. Elle refuse de signaler les autres heures. Cette horloge n’est pas arrêtée, elle continue de fonctionner lorsqu’il n’est pas 9h16 mais ses aiguilles tournent alors n‘importe comment. Ainsi le seul horaire qu’il peut connaitre dans la journée est 9h16. Pour remédier à ce désagrément, il a acheté une deuxième horloge qui malheureusement pour lui a aussi refusé de fonctionner de façon normale. Cette seconde horloge n’indique quant à elle que 17 h38. Il en a donc acheté une troisième, puis une quatrième, puis une cinquième et  à chaque fois c’était la même  désignation inexplicable d’un unique horaire par jour. Il a ainsi été obligé d’acheter autant d’horloges qu’il y a d’horaires dans la journée. Le problème est qu’il doit donc regarder chacune d’entre elles au bon moment s’il désire connaitre l’heure véritable.

 

 

 

 

 

Alternativement une heure sur deux il est intégralement expansif et révèle la moindre de ses pensées au premier venu ou à l’inverse intégralement réticent et refuse alors de parler à qui que ce soit. Cette attitude n’a aucune justification rationnelle, elle est seulement la conséquence de l’haleine de coquetterie de ses mains.

 

 

 

Ce n’est jamais par habitude qu’il fait correspondre chacun de ses désirs à une heure déterminée. En effet ce désir est toujours choisi à proximité du hasard c’est à dire par le salut de la chute des dés.

 

 

 

 

 

Mourir est son travail du dimanche.

 

 

 

Il est immortel pendant la semaine et mortel le dimanche afin de se reposer.

 

 

 

Le lundi, il pleure. Le mardi, il respire. Le mercredi, il examine ses cheveux. Le jeudi, il est jugé par ses organes. Le vendredi, il vide ses yeux. Le samedi, il désire. Et le dimanche, il dénombre les crimes qu’il n’a pas commis.

 

 

 

Chaque dimanche il chuchote doucement qu’il n’est pas encore né et qu’il ne croit pas à la vérité du calendrier.

 

 

 

Les jours de la semaine il choisit pour confident le nombril d’un idiot et le dimanche les narines d’un érudit.

 

 

 

 

 

Des jours qu'il rencontre il ne voit que la voix. La forme des jours survient selon son regard comme la translucidité projectile d'une voix, comme un rêve d'imminence réversible.

 

 

 

Sur son agenda, il n'y a pas de nom et de rendez-vous inscrits. Sur son agenda, il n’y a que des dessins de hasard. Sur son agenda sous chaque date est inscrite soit exactement la même date, soit une autre date, soit la même date imprimée en italique ou parfois encore citée entre guillemets.