C’est un désert d’oreilles, un désert d’oreilles comme une scintillante supercherie de cartilages. Ici et là tels des havres de colère, des flaques de plasma et de nerfs veillées par quelques gibets prestidigitateurs. A chaque pas, il est possible de parler à la totalité des hommes. Chaque soupir y est identique à l’annonciation idiote de la gloire.
C'est difficile à évoquer. On dirait une gigantesque oreille, une oreille etcaeteratologique, une oreille siamoise et cyclopéenne, une oreille comme un tourbillon d'hilarité. Le problème est que personne justement n'a jamais rien dit au sujet de cette oreille, excepté excepté, bien entendu. Les ersatz d'éternité insomniaque qui peuplent cette oreille ne se parlent jamais. Ils décident plutôt d'adresser la parole aux signes de ponctuation qu'ils font semblant de prononcer, comme si ces signes de ponctuation étaient les exclusifs êtres vivants dignes de désir et de respect. Ces ersatz d'éternité se font appeler d’un même nom similaire à un nombre "l'Un c'est". Ce nom-nombre prétend d'ailleurs, les jours où Dieu est identique au n'importe quoi, que l'inceste est la science de l'incertitude. Les alibis d'individus de cette oreille passent leurs actes à collectionner l'unité du néant à la façon d’assassins hypnotisés à travers la stupeur du pur désir d'être libre. A chaque seconde, ils sont justes inconsciemment, autrement dit vierges lorsque l’horizon de l'oreille le désire.
C’est une zone zénithale composée de cœurs juxtaposés à l’exil. Ces cœurs ne battent pas, leur ivresse est celle de l’envers. Ils ne tournent pas sur eux-mêmes, ils tournent plutôt autour d’eux-mêmes. Il n’y a ni tristesse ni joie dans ce tournoiement, il y a seulement une hésitation, l’hésitation du désespoir. Ce mouvement des cœurs juxtaposés n’accompagne pas le corps des hommes, ce mouvement n’enveloppe pas le corps des hommes, ce mouvement choisit plutôt d’éblouir le respect aberrant de leur dignité.
C’est le zoo des sentiments. Un zoo où les sentiments sont enfermés comme des disparitions d'animaux. Le promeneur qui vient les regarder y confond à chaque fois son futur avec son passé.
Dans le labyrinthe du désir fabuleux, il n’y a pas de femmes. Les femmes ouvrent la porte du labyrinthe et c’est tout. Et c’est tout et. Au lieu des femmes, il n’y a que des bulles, des bulles d’éblouissement. Des bulles invisibles qui ne deviennent visibles qu’à l’instant où un homme les touche.
C’est l’abattoir des œufs. N’y travaillent que les hommes d’une extrême subtilité. Il faut d’abord assommer les œufs, la seule façon de procéder est de leur souffler dessus en alternant l’âge de ses yeux en années-lumière. Puis il faut ensuite les vider de leur sang, c’est un acte difficile et délicat ; en effet le sang des œufs est invisible. Enfin il faut découper leur squelette sans jamais perdre de vue que les os des œufs sont identiques aux souvenirs de ceux qui les découpent.
C'est la morgue des souffles. Des médecins légistes autopsient les souffles puis les enveloppent dans des cercueils semblables à des lettres d'amour envoyées par l'hallucination de hasard de l’innommable.
Au centre de l’hôpital du peut-être, on alimente les morts avec des mensonges de transparence, en attendant qu’ils se changent en d’honnêtes assassins.
Au centre de la banque des tortures, il n’y a pas d’hommes et il n’y a pas de dieux, il n’y a que des noms.
Il n'y a plus de place nulle part, même l'ailleurs a été contaminé à travers des désirs de futilité. Les politiciens de l'incarcération après avoir exterminablement bavardé dans le placenta de leur conscience, ont décidé avec des poils de guillemets en tant qu'ersatz de prononciation de leurs noms propres, qu'une place ne peut plus désormais être réduite à une seule fonction. Pardon, ne te réveille pas, c'est la fin du monde, efface. Ils jugent qu'il est impératif d'innombrer les fonctions au même endroit. Tout d'abord, l'endroit et l'envers se situeront dorénavant, et sans controverse possible à la même condamnation à la prison à perpétuité de l'acquittement de la mort pour non-lieu. Qui plus est et pour le moins, la bibliothèque des fleurs servira aussi d'abattoirs d'enfants, l'asile du désert deviendra une vitrine à dérision, l'hôpital pour messie sera banque de paresse, le musée des larmes un aquarium à massacres et le cinéma pour cadavres sera changé en supermarché des mystères. La circulation à travers la ville sera alors organisée de façon méthodiquement sophistique. Chaque désir subsistera donc démenti à la seconde en tant qu'électricité hermaphrodite de l'horizon.