Il est si pauvre qu’il n’a même pas une corde pour se pendre. Il est donc obligé de se pendre au nœud d’innommable de l’air.

 

 

 

Il est à la fois pauvre et rusé. Il n’a aucun lieu pour manger et dormir. C’est pourquoi il a choisi de manger et de dormir à l’intérieur de son crâne. Son seul problème est de savoir comment vider la nourriture de son crâne afin d’avoir un espace où dormir et quand ne pas dormir afin de saturer son crâne de nourriture à cuisiner.

 

 

 

Il fait l’aumône au futur antérieur des mendiants. La monnaie qu’il dépose à terre ressemble selon lui au hasard des étoiles.

 

 

 

 

 

Il est voleur de valeur. Il vole la valeur des choses sans voler les choses.

 

 

 

C’est un voleur de pauvreté. L’absurdité de son élégance est de déposséder les autres de leur misère.

 

 

 

C’est un voleur par bonté. Il vole les désirs maléfiques des autres. Il les vole avant même que les autres ne les connaissent puis il les brûle à l’intérieur de la poubelle volcanique de son cerveau.

 

 

 

 

 

Il distribue des bons d'agonie à l'adresse de l'argent.

 

 

 

Il pense qu’on ne le paie ni pour parler ni pour se taire. Il pense qu’on le paie exclusivement pour prononcer les lapsus de la vérité.

 

 

 

Il écrit des billets doux en filigrane des billets de banque. Il pense ainsi ne jamais mentir aux ponctuations de prophéties de son cadavre.

 

 

 

Il brûle d’énormes tas de billets de banque qu’il allume avec le feu d’artifice de son absence de sentiments.

 

 

 

Il ne donne de l’argent qu’à ceux qui pleurent parce que leur amour vient de s’en aller.

 

 

 

 

 

Sa fonction sociale est d’être l’inconscient de la totalité des distributeurs automatiques de billets. L’insomnie de l’argent est sa profession de foi.

 

 

 

Il est le concubin des banques. Les banques refusent de se marier religieusement avec lui. En échange elles lui accordent cependant des photocopies de cartes d’identité.

 

 

 

Il est inséminateur de billets de banque. Il croit que les billets de banque se reproduisent d’eux-mêmes à travers la parodie de leur effacement. Il pense que les hommes ne sont rien d’autre que les médiateurs de cette reproduction.  Pour accomplir cette fonction il leur suffit de scruter avec la langue le profil du billet sans scruter le billet-même puis d’insérer l’air de rien ce profil parmi la coupure du cordon ombilical de la lumière, l'argent se génère alors automatiquement à la façon d’une épidémie de pureté.

 

 

 

 

 

Il abolit le sujet du possible. C’est comme s’il accomplissait une sorte de poker à l’envers, où il aurait misé des cartes et joué avec des billets de banque tandis que les autres joueurs continuaient la partie sans jamais se rendre compte de quoi que ce soit.

 

 

 

Il est le chirurgien futile de sa chasteté. Il n'a pas d'autre argent que le décalque de sa signature. En vérité il n'utilise jamais d'argent, il survit sans argent au-delà de toute économie. L’économie exclusive à laquelle il participe est celle de son propre corps. Il n'achète pas son corps, il ne vend pas son corps, il ne l'exploite pas pour produire ou se reproduire. Cependant il le stocke méthodiquement comme une matière première rare qu'il aurait choisi d’accorder à quelqu’un uniquement après sa mort.

 

 

 

Il n’est jamais le propriétaire de quoi que ce soit plus d’une seconde. D’ailleurs être  propriétaire l’ennuie. Il préfère échanger même si c’est inutile. Lorsqu’il s’endort, il échange son lit contre un repas. S’il se réveille et commence à manger, il échange alors son repas contre une horloge. Ainsi il sait l’heure, c’est l’heure de savoir l’heure et c’est tout. L’heure de savoir l’heure et c’est tout il l’échange contre un meurtre, il se met donc à tuer mais il estime qu’un meurtre n’a pas en soi une valeur remarquable, il l’échange donc contre un nombre, ce nombre il l’échange contre un nom, ce nom contre un enfant, et cet enfant contre une femme. Une fois la femme par ruse lui a proposé avant même de s’offrir de représenter la puissance de l’échange. C’est pourquoi il est désormais le propriétaire de son tombeau.

 

 

 

Il a une telle imagination que sa douleur ne provoque en lui aucune souffrance. Un jour, à l’instant de se réveiller, il découvre un tas de pièces de monnaie gigantesque dans sa chambre. Il transporte l’ensemble des pièces à la banque et l’échange en son équivalent en billets. Il n’a pas compté les pièces avant de les transporter cependant il a une telle imagination que par le seul geste de transporter le tas il est parvenu à savoir avec exactitude sa valeur. Puis il rentre ensuite tranquillement chez lui et utilise les billets comme des feuilles sur lesquelles écrire. Cela tombe bien, ce matin-là il n’avait plus de papier.

 

 

 

Il écrit des livres sur les billets de banque qu’aucun homme ne lui octroie pour écrire ses livres.