Cette planète est un œil. Il est interdit à ses habitants de rester à sa surface. Ils tournent ainsi autour comme des satellites. Ils ne tombent à  l’intérieur de cette  planète-œil qu’à l’instant où ils meurent.

 

 

 

Cette planète est uniquement peuplée d'horizons, des horizons tels des œufs de machines à sodomiser l'hymen du soleil. Parfois, quand par une grâce incroyable, ces horizons sont malgré tout détruits, apparaissent ce qu'ils ont maladroitement nommé "les choses de l'aura qui approche", ce que nous autres, nous n'avons pas l'audace, à l'instant où le sommeil bande, de nommer "les hommes".

 

 

 

Sur la planète des disparitions anarchiques, quand un homme meurt ils abandonnent son corps au lieu où il est mort et ils enterrent son nom. C’est celui qui a vu le cadavre en premier qui accomplit ce geste. Après l’enterrement du nom, aucun homme ne peut plus le porter sauf celui qui parvient à le dérober à la terre.

 

 

 

Sur la planète des éternuements spéléologiques, la seule manière de faire connaissance est de se coiffer.

 

 

 

Sur la planète où il y a un vêtement pour parler et un vêtement pour se taire, la conversation ressemble au strip-tease d’extase de la pudeur.

 

 

 

 

 

Sur la planète de l’amnésie fatale, ils croient que lorsqu’ils jouissent, ce qu’ils éjaculent c’est quelqu’un d’autre, ce qu’ils éjaculent ce sont leurs enfants. Sur la planète de l’amnésie fatale, lorsque deux partenaires érotiques jouissent, deux enfants surgissent quasi instantanément. Il est interdit d’abandonner ces enfants, ils doivent obligatoirement être éduqués selon des préceptes d’ailleurs parfaitement sceptiques. Malgré tout, quelques hommes et femmes  fatigués de fabriquer ainsi distraitement de tels enfants cherchent parfois à accoupler leurs enfants-jouissances respectifs à l’instant même du coït. Ce geste nécessite beaucoup de délicatesse et de ruse, afin que par la crudité absurde du lointain les deux enfants se mélangent, se dissolvent et se noient l’un dans l’autre  pour ne plus former qu’une étrange sphère, une sphère à la fois éponge et volcan, une sphère de préférence comme un océan de cicatrices saoules, une sphère de dissociation d’idées semblable au coma cosmétique d’un rire qu’il est inutile d’éduquer avec dignité et respect.

 

 

 

Sur la planète des éternuements faciles, à chaque fois qu’ils hésitent, ils enfantent des espèces animales nouvelles. Ce sont des espèces inédites qu’ils engendrent d’un seul coup et par milliers. Les éléments de ces espèces ne peuvent pas se reproduire. Et lorsqu’un des éléments d’une espèce désire se reproduire, l’intégralité de l’espèce est alors abolie par une sorte de tabou biologique automatique. Cependant ces différentes espèces peuvent s’allier entre elles afin d’en créer d’autres par hybridation. Chaque espèce animale enfantée par ces hésitations est ainsi à la fois une génération unique et équivoque.

Après avoir engendré des espèces animales par leur hésitation, ils n’ont plus jamais aucune relation avec elles. Ils ne les regardent pas et ils ne cherchent pas savoir à quoi ressemblent leurs formes. Ils en ont honte et ils désirent parfois les esquiver parmi leur mémoire sans jamais cependant y parvenir. En effet ils savent aussi qu’ils sont eux-mêmes les fossiles d’excitation d’une espèce animale enfantée par l’hésitation de quelqu’un d’autre, quelqu’un d’autreque malgré le travail de leurs multiples hésitations, ils ne connaissent pas.

 

 

 

Sur la planète des cerveaux invisibles, seules les foules sont autorisées à faire des enfants. A l’inverse, il est interdit à deux individus de s’accoupler pour que l’espèce subsiste. On estime que les enfants ainsi engendrés sont des aberrations de la pureté, des dieux illégaux. Les foules peuvent s’accoupler en nombre infini, il est même possible à une foule isolée de s‘accoupler à elle-même ; mais on a par contre remarqué que lorsque deux foules cherchent à s’accoupler cela n’engendre aucun enfant. 

Le sexe de l’enfant est un nombre, le nombre que l’on obtient en additionnant les individus respectifs de chacune des foules. Il y a donc une infinité de sexes. Cependant les enfants engendrés par l’accouplement de deux individus n’ont pas de sexe. Logiquement ils devraient avoir le sexe deux mais en vérité sur la planète des cerveaux invisibles le nombre deux n’existe pas. 

Il y a aussi des types d’accouplements et de reproduction vicieux, Les foules ne les désirent pas délibérément, cependant ils s’accomplissent malgré tout. Il s’agit des cas singuliers où des foules s’accouplent sans le savoir à la foule-zéro. De la foule-zéro, on ne sait rien excepté quelle peut subsister n’importe où. A priori, il n’y a dans la foule-zéro aucun individu, cependant cette absence d’individu reste indénombrable. La foule-zéro semble à la fois vide et illimitée. La disparition de son nombre n’est pas fixée, elle est en mutation, c’est un rythme. Ainsi le sexe de celui qui a été engendré par un accouplement auquel a subrepticement participé la foule-zéro n’est pas déterminable. Ce sexe est une cicatrice d’hésitation, la blessure de subtilité d’un nombre.

Des cerveaux invisibles prétendent que la foule-zéro serait l’air de l’atmosphère qui les entoure ou plutôt la pensée de l’air. Par ailleurs on a noté que ce sont souvent les enfants qui ont été engendrés avec la participation de la foule-zéro qui sont à l’origine des modifications sociales. Modifications et non pas révolutions. En effet, sur la plantée des cerveaux invisibles la notion de révolution sociale est inconcevable.