Il change de sexe à chaque battement de son cœur. Chaque fragment de sa chair est doté d’un sexe particulier. Sa bouche est un sexe de femme. Sa langue est un sexe d’homme. Sa déraison a un front d’éléphant. Sa subtilité insinue une baleine de brouillard. Son nez a des soupirs d’hippocampes. Ses tempes ont des pulsions de dauphins. Il change de rythme comme de monotonie. Son sexe surgit comme un parfum de pierre.

 

 

 

Il jouit en marge de son corps. Sa jouissance n’est pas charnelle, il n’a pas la sensation de jouir. Sa jouissance n’est pas spirituelle, il ne pense pas qu’il jouit. Sa jouissance apparait comme le hasard d’anesthésie de son aura. Sa jouissance apparait comme le tremblement d’excitation de sa retenue, comme le sourire d’indignité de sa pudeur.

 

 

 

Il porte vaniteusement autour du cou un collier de tous les vagins qu’il a pénétrés. Cette vanité est une sorte d’impératif moral organique. En effet il ne sait pas comment enlever ce collier et c’est à condition de ne jamais l’enlever qu’il a eu le pouvoir de le former.

 

 

 

Il est outrageusement sérieux. Il ne sait plaisanter qu’avec son sperme.

 

 

 

Parfois il immisce son sexe à l’intérieur d’une serrure afin d'examiner la cendre d’amnésie incestueuse de son œil qui jouit explétivement derrière la porte.

 

 

 

Il n’a vu le ciel pour la première fois qu’à l’âge de 40 ans. Avant cet âge, son regard n’était pas parvenu jusque-là. Son regard était resté fasciné par le sexe des femmes.

 

 

 

Le hasard de sa malédiction est d’aimer avec tact et subtilité le sexe des femmes sans jamais aimer l’intégralité des femmes-mêmes.

 

 

 

 

 

Un jour d'amnésie posthume, un homme a perdu son sexe. Ce jour-là, le hasard de désespoir du calme lui offre la plus lascive des femmes. Afin de répondre à cette plaisanterie de l'inconnu, il joue à métamorphoser le sexe de la femme en apparition d’une chose chaque jour différente. Un jour, un piano. Un jour, une otarie. Un jour, un lustre. Un jour, un léopard. Il invente ainsi une machine à plaisir qui sait comment imaginer le vide de la douleur.

 

 

 

Un jour d'aisance posthume, un homme a perdu son sexe. Ce jour-là, le silence du hasard lui offre la plus lascive des femmes. Cet homme repose alors à l'intérieur d'un espace où le sexe coïncide avec le charme de sa disparition, un espace où le sexe surgit comme le schéma d'enthousiasme de la syncope. Chaque jour, l'homme joue à métamorphoser le lieu du sexe de la femme avec la main de sa respiration. Un jour, le sexe de la femme devient son oreille droite. Un autre jour, son front. Un autre jour, sa nuque. Un autre jour, sa bouche. Le sexe de la femme apparaît ainsi comme le fou rire d'extase de sa frivolité.

 

 

 

Un matin, le silence du hasard offre à cet homme la plus lascive des femmes. Il joue alors à transformer l'apparition de la femme de telle manière que son sexe soit chaque jour la métaphore d'un fragment de chair différent. Un jour le sexe devient la métaphore de la bouche. Un jour, le sexe devient la métaphore du coude. Un jour le sexe devient la métaphore des seins. Il invente ainsi une machine à jouir de l'immanence du vide à l'intérieur de la main d'extase du crâne.

 

 

 

Un matin, le silence du hasard offre à cet homme la plus lascive des femmes. Il joue alors à transformer chaque fragment de la chair de cette femme excepté son sexe. Il imagine ainsi la chose de certitude des acrobaties du tabou. Il invente par là même une machine qui sait comment jouir de l'amnésie du temps à l'intérieur de l’équilibre du crâne.

 

 

 

Un matin, le silence du hasard offre à cet homme la plus lascive des femmes. La pulsion de son ascèse s’amuse alors à considérer chaque fragment de la chair de cette femme à l’instant où son amnésie la touche comme le sexe même de cette femme. Il invente ainsi la machine d'extase à mépriser impeccablement les machines.

 

 

 

Un matin, le silence du hasard offre à cet homme la plus lascive des femmes. Chaque jour, le sexe de cette femme apparait comme la répétition d'un fragment différent de son corps. Un jour, elle possède trois yeux c'est-à-dire comme un œil au lieu du sexe. Un jour,elle possède trois mains c'est-à-dire comme une main au lieu du sexe. Un jour, elle possède trois bouches c'est-à-dire comme deux bouches au lieu du sexe. Elle incarne ainsi le feu de mystification des métamorphoses de l’inouï.

 

 

 

 

 

Il collectionne les sexes des femmes qu'il n'a jamais aimées. Sur la table des matières de son mépris, les sexes sont épinglés comme des papillons de l'imminence. Parfois lorsqu'il est désœuvré,  il donne rendez-vous entre les corps de ces femmes et l'espace à l'excitation de cendres inviolables de leur regard.  Les sexes bégaient ainsi avec une douceur assassine l’élégance d'une langue d'exil explétif.

 

 

 

Il bricole comme il brûle incroyablement au paradis une machine à dormir le ciel. Une femme s'approche et lui dit "Explique-moi comment ça fonctionne et je te jure que je me déshabille." Il répond "En vérité, c'est indicible, en effet l'explication de son fonctionnement est identique à son hallucination même. C'est une machine à déshabiller les femmes en marge de la justice." La femme modifie alors sa stratégie. "Dis-moi comment ça fonctionne et j’acquiescerai au hasard qui déshabille." "Tu sais, par le plaisir de l'oubli, c'est tabou, sa valeur est précisément de ne jamais fonctionner, c'est une machine à jouir de la respiration à l'intérieur du crâne, c'est une machine à raturer l'interdit de l’horizon par le spasme de blancheur du sommeil.

 

 

 

La machine, à vrai dédire, est parfaitement simple. Elle est composée de deux éléments qui se connaissent l'un l'autre sans jamais se connecter ou qui se connectent l'un l'autre sans jamais se connaître. L'interprétation de cette machine, il faux le dire, n'a aucune importance. Il s'agit donc d'une machine composée d'un sexe masculin et d'un sexe féminin, d'un authentique sexe masculin et d'un non moins authentique sexe féminin. Les deux sexes sont sans cesse fixés en suspens dans l’air à travers la pensée même de leur inventeur. La prestidigitation automatique de l'engin n’est cependant pas difficile à définir. Le sexe masculin s'enfonce à l'intérieur du sexe féminin puis il s'en extrait presque pour recommencer encore à s'y enfoncer en l'honneur de l'éternel retour du vice de la virginité. 

Le fonctionnement de la machine est admirable, tous les scientifiques restent d'ailleurs bouche bée devant une invention si incroyable et dont la monotonie imprévisible semble pourtant sans mystère. A la façon d'enfants intrigués, ils s'agglutinent et s'énervent autour, en désirant savoir ce qu'elle peut produire et quelle est au juste son utilité. Ils demandent donc fastidieusement d'innombrables explications à son inventeur. Epuisé par la stupidité de toutes ces questions l'inventeur ne répond pas. En vérité l'inventeur est absolument sourd et muet. Bien entendu les scientifiques le savent, malgré tout, c'est comme si l'invention de la machine, par une ruse étrange, la ruse de l'érosion du vide provoquait l'oubli indestructible de ce savoir. 

L'inventeur se tient là debout face à sa machine et il apparaît à l'évidence heureux. Devant cette forme de joie indécente, les scientifiques restent interdits. L'inventeur poursuit ainsi une existence paisible qu'il maquille de miracles tabous. Il dédaigne intégralement les réflexions que les autres développent au sujet de la machine. Quand parfois il revient voir son invention, il ne l'observe pas en tant qu'objet de science et il ne la contemple pas non plus comme une œuvre d'art, il est simplement content de la regarder marcher avec une telle exactitude impeccable.  

Des années plus tard, un matin, alors que les scientifiques continuent de s'évertuer en vain à déterminer la signification de la machine, l'inventeur surgit à l'improviste afin de les saluer. D'un geste sans pardon, il force chacun à l’écouter et il déclare la première et dernière phrase de son existence. Bizarrement alors qu’il n’y a aucun bruit et que chacun voit sans le moindre doute la bouche de l'inventeur parler, aucun d'entre eux n'entend ce qu'il vient de dire. 

C'est seulement après sa mort que la phrase apparaît comme une auréole de rire au-dessus de son cadavre. " Meurtriers excepté la mort, le désir ridicule des athées est de croire en Dieu sans que Dieu le sache. »

 

 

 

Pendant l’intégralité de son existence, il n’a jamais cherché à savoir quel était son sexe. C’est seulement à l’instant de sa mort que quelqu’un le lui vola et qu’il eut alors la révélation que son sexe était l’espace entre le hasard et le don.