Horloge

 

 

 

 

 

 

 

Lichtenberg dissèque le cœur secret de l’horloge.

 

 

 

Lichtenberg utilise l’horloge comme boussole. Lichtenberg utilise l’horloge comme boussole pour ne pas se perdre à l’intérieur de sa chambre. Lichtenberg utilise l’horloge comme boussole pour ne pas perdre son chemin à l’intérieur de sa chambre.

 

 

 

Lichtenberg utilise l’horloge comme boussole de ses rêves. Lichtenberg utilise l’horloge de son ombre comme boussole de ses rêves.

 

 

 

Lichtenberg fait tourner des horloges de sable. Lichtenberg fait tourner des horloges de sable comme des toupies, comme des boussoles-toupies.

 

 

 

 

 

Lichtenberg attend son heure comme la disparition d’une horloge.

 

 

 

Lichtenberg attend son heure dans la file d’attente de ses rêves. Lichtenberg attend son heure à tour de rôle de ses rêves.

 

 

 

Lichtenberg attend son heure dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Lichtenberg attend son heure dans le sens inverse des aiguilles de la tour de Babel.

 

 

 

 

 

Lichtenberg utilise l’horloge pour vaporiser des prévisions. Lichtenberg utilise l’horloge pour éberluer les prophéties.

 

 

 

Lichtenberg utilise l’horloge pour soigner l’hypocondrie des prophéties. Lichtenberg utilise l’horloge pour se moquer de l’hypocondrie des prophéties.

 

 

 

Lichtenberg édite des horloges. Lichtenberg édite des horloges de noms.

 

 

 

 

 

Lichtenberg écrit comme l’horloger de ses divagations. Lichtenberg écrit comme l’horloger de son absurdité. Lichtenberg écrit comme l’horloger de son errance.

 

 

 

Lichtenberg cueille de trèfles à quatre feuilles avec des aiguilles d’horloge. Lichtenberg cueille les trèfles à quatre feuilles avec les traits d’esprit des aiguilles d’horloge.

 

 

 

Lichtenberg fouette les œufs avec des aiguilles d’horloge.

 

 

 

 

 

L’entendement de Lichtenberg est l’horodateur de son indolence. Lichtenberg écrit comme l’horloger de ses irrégularités.

 

 

 

Lichtenberg lit l’avenir dans la paume de la main des horloges. Lichtenberg lit l’avenir sur les empreintes digitales des horloges. Lichtenberg lit l’avenir sur les empreintes digitales des cadrans solaires.

 

 

 

 

 

Lichtenberg dédaigne les quarts d’heures qui font la grasse matinée.

 

 

 

Lichtenberg indique qu’aux frontières des rêves il y a des batailles d’horloges.

 

 

 

Lichtenberg apparait comme un prestidigitateur des années-lumière qui à chaque seconde  démonte et remonte les horloges pour savoir à la fois l’heure et la disparition de l’heure.

 

 

 

 

 

Pour Lichtenberg l’horloge et le sablier n’ont pas la même valeur. Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge double. Le sablier c’est l’horloge siamoise, l’horloge bossue, l’horloge à la fois siamoise et bossue.

 

 

 

Pour Lichtenberg l’horloge est l’instrument de la mort et le sablier est l’outil de l’éternité. Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge libre, c’est l’outil de liberté qui sait comment retourner à loisir  l’horloge de la mort.

 

 

 

Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge qui a un cerveau. Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge qui a des sentiments de cerveau, c’est l’horloge qui a des sentiments de pensées.

 

 

 

Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge à l’intérieur de laquelle s’accouple les enfants. Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge qui a un cerveau où s’accouplent les enfants. Pour Lichtenberg le sablier c’est l’horloge qui a un cerveau de sentiments où s’accouplent les enfants.

 

 

 

Lichtenberg retourne l’homme comme un sablier afin de parler en tête à tête avec la mort. Lichtenberg retourne l’homme comme un sablier afin de parler tête-bêche avec la mort. Lichtenberg retourne l’homme comme un sablier afin de parler en tête-bêche à tête-bêche avec la mort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Temps

 

 

 

 

 

 

 

« Si l’homme après qu’il a atteint l’âge de 100 ans, pouvait être retourné comme un sablier et, de nouveau redevenir jeune mais toujours avec le même danger de mourir, que ne verrait-on dans le monde, »

 

Lichtenberg écrit comme un virtuose de la sagesse. Le geste de sagesse virtuose de Lichtenberg est de parvenir à réversibiliser l’âge sans réversibiliser le temps, ou encore ou plutôt de réversibiliser l’âge du temps sans réversibilser la forme du temps, ou encore de réversibiliser l’âge du temps, l’âge immortel du temps sans modifier la taille du temps, la taille mortelle du temps. Le geste de sagesse virtuose de Lichtenberg est de parvenir à réversibiliser l’âge d’immortalité du temps sans modifier la taille de mortalité du temps.

 

 

 

La sagesse virtuose de Lichtenberg est de réversibiliser l’âge du temps sans modifier le sentiment du temps, l’âge d’immortalité du temps sans modifier le sentiment de mortalité du temps.

 

 

 

Le temps selon Lichtenberg survient comme une ligne entre. Cependant le temps de Lichtenberg n’est pas une ligne entre le je et le moi (ainsi que le dit Deleuze). Le temps de Lichtenberg apparait plutôt comme une ligne entre sa chair et son ombre, entre le ça pense de sa chair et le ça pense de son ombre. Ainsi pour Lichtenberg selon le ça pense de la chair, la forme du temps apparait comme une ligne mortelle ou une taille mortelle, et selon le ça pense de son ombre (selon le ça rêve de son ombre), le temps apparait comme une forme réversible, la forme réversible de la suite des âges, la forme réversible de l’immortalité des âges, de la suite d’immortalité des âges.

 

 

 

 

 

Le temps pour Lichtenberg apparait formé d’une double ligne, de deux lignes qui donnent l’impression d’en former une seule, une seule aux deux directions opposées, une seule aux deux directions antagonistes.

 

 

 

Le temps de Lichtenberg apparait composé de deux lignes à la fois alliées et disjonctives, de deux lignes tressées, enchevêtrées l’une à l’autre. Lichtenberg enchevêtre deux lignes de temps, la ligne de mortalité, la ligne de sentiment mortel et la ligne des âges, la ligne de réversibilité des âges. La ligne de sentiment mortel ce serait celle de l’humanité, la ligne d’humanité du temps et la ligne de la réversibilité des âges, la ligne de civilisation, la ligne de civilisation du temps.

 

 

 

C’est comme si pour Lichtenberg ce qui était perdu selon une forme du temps était malgré tout trouvé selon une autre forme du temps. Ainsi pour Lichtenberg ce qui est perdu selon la ligne de mortalité du temps est malgré tout trouvé selon la ligne de réversibilité des âges et ce qui est perdu selon la ligne de réversibilité des âges est malgré tout trouvé selon la ligne de mortalité du temps.

 

 

 

 

 

Lichtenberg immisce la dimension cyclique du temps à l’intérieur de chaque jour. Ainsi pour  Lichtenberg chaque jour devient un cosmos. Ce qui revient c’est le jour. Ce qui revient c’est le chaque jour. Et chaque jour revient comme un monde. Chaque jour revient comme un nouveau monde. Ainsi selon Lichtenberg le temps n’est pas un cercle formé de points. Pour Lichtenberg le temps serait plutôt comme une double ligne formée de cercles, comme une double ligne droite, une ligne droite à double sens (à double direction) formée de cercles, formée de jours-cercles.

 

 

 

« Rechercher davantage de similitudes entre les jours et les saisons ! Chaque jour n’a-t-il pas son avril ? » 

 

Pour Lichtenberg les secondes, les minutes et les heures sont aussi des cercles autrement dit des cycles saisonniers, des cycles cosmiques. Pour Lichtenberg les heures, les minutes, les secondes ont elles aussi leurs saisons. La lucidité intuitive de Lichtenberg révèle ainsi les saisons de chaque instant.

 

 

 

« Si les années étaient des secondes, aujourd’hui j’aurais vécu une minute. »

 

Et même qui sait pour Lichtenberg chaque seconde a aussi ses siècles et ses millénaires.

 

 

 

 

 

« Une chose qui d’un grain de sable à un autre se déplacerait à la rapidité de l’éclair ou de la lumière nous semblerait immobile. »

 

C’est pourquoi la ligne de réversibilité des âges du temps est aussi pour Lichtenberg une ligne d’immobilité, une ligne de temps immobile, une ligne de lumière immobile.

 

 

 

« L’homme est en trois lieux, le passé, le présent et l’avenir. »

 

Pour Lichtenberg le temps multiplie l’espace par 3 et la lumière (la lumière parmi l’espace) multiplie le temps par 2.

 

 

 

Lichtenberg éternue le vide avec les jours de la semaine. Lichtenberg éternue la semence du vide avec les jours de la semaine.

 

 

 

Lichtenberg utilise les jours de la semaine comme des instruments de musique. Lichtenberg utilise les jours de la semaine comme des instruments de chirurgie, des instruments de chirurgie de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg lutine la ligne de mortalité du temps avec son corps et ascétise la ligne de réversibilité des âges avec son ombre.

 

 

 

 

 

Lichtenberg improvise comme le geôlier de la chambre du temps. Lichtenberg plaisante comme le geôlier de la chambre du temps.

 

 

 

Lichtenberg sourit tel le geôlier du à mi-chemin. Lichtenberg utilise sa chambre comme geôle du à mi-chemin. Lichtenberg utilise la chambre de ses rêves comme geôle du à mi-chemin entre le centre de la terre et la chance du temps, entre la chance de la terre et le centre du temps.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Age

 

 

 

 

 

 

 

Lichtenberg ajoute chaque jour une lettre à son âge.

 

 

 

Lichtenberg utilise son âge comme ange gardien. Lichtenberg utilise les cartes à jouer de son âge comme anges gardiens.

 

 

 

Lichtenberg fête l’anniversaire des bougies. Lichtenberg fête l’anniversaire des bougies avec le sourire de son ombre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Futur

 

 

 

 

 

 

 

Lichtenberg ne remet pas le travail au lendemain. Lichtenberg remet plutôt le lendemain au travail.

 

 

 

Lichtenberg examine la déflagration de son visage à l’intérieur du lointain sans miroir du futur.

 

 

 

 

 

Les phrases de Lichtenberg semblent bizarrement à la fois avoir déjà été écrites et n’avoir pas encore été écrites. Les phrases de Lichtenberg semblent ainsi avoir toujours déjà été écrites au 22 ème siècle.

 

 

 

Lichtenberg imagine le présent du point de vue du futur. Lichtenberg imagine l’astre du présent avec le télescope du futur. Lichtenberg imagine la planète du présent avec l’allumette du futur, avec l’allumette-télescope du futur.

 

 

 

 

 

Lichtenberg somnambulise les taille-crayons. Lichtenberg somnambulise les taille-crayons du futur.

 

 

 

Lichtenberg utilise les taille-crayons pour propulser les fusées. Lichtenberg utilise les taille-crayons du futur pour propulser les fusées du passé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Naissance-Mort

 

 

 

 

 

 

 

« Chez, moi, c’est sans doute une représentation par trop joyeuse de la mort, de sa venue et de sa légèreté qui est responsable que je pense tant au suicide. »

 

Il y a une nonchalance lugubre de Lichtenberg. Lichtenberg distille des étincelles lugubres. L’aspect lugubre de Lichtenberg est étrange parce que c’est un aspect lugubre sans morbidité. Par exemple « Même les morts voyagent durant l’année : autour du soleil. » Ainsi selon Lichtenberg les morts tournent autour du soleil comme des satellites, des satellites du temps même. Selon Lichtenberg les morts tournent autour du soleil comme les secondes tournent autour des horloges (et qui sait aussi peut-être les secondes tournent autour du soleil comme les morts autour des horloges.)

 

 

 

Lichtenberg anticipe le flegme des morts. Lichtenberg anticipe le flegme discret de morts. Lichtenberg anticipe l’indifférence discrète des morts. Lichtenberg anticipe la nonchalance à la fois discrète et distraite des morts. Lichtenberg anticipe la désinvolture à la fois discrète et distraite des agonisants. 

 

 

 

 

 

« Je ne puis me libérer de la pensée que j’étais mort avant d’être né et que je retournerai, à travers la mort, dans ce premier état. » 

 

Lichtenberg écrit à l’intérieur d’un temps qui se trouve à la fois avant sa naissance et après sa mort. Lichtenberg écrit à l’intérieur d’un sentiment du temps qui se trouve à la fois avant sa naissance et après sa mort.

 

 

 

Lichtenberg écrit à la fois avant la mort de sa naissance et après la naissance de sa mort.

 

 

 

Selon Lichtenberg les hommes ne sont égaux ni devant la naissance ni devant la mort. Selon Lichtenberg les hommes sont cependant égaux devant la naissance de la mort et la mort de la naissance.

 

 

 

 

 

Lichtenberg confettise les testaments. Lichtenberg confettise la chance des testaments.

 

 

 

Lichtenberg rédige son testament sur de confettis. Lichtenberg rédige le testament de son ombre sur les confettis de son non-suicide. Lichtenberg rédige le testament de son non-suicide sur les confettis de son ombre.

 

 

 

Lichtenberg rédige son testament au verso des cachets de cire avec lesquels il scelle ses lettres.

 

 

 

 

 

Lichtenberg connait les jours fériés du suicide.

 

 

 

« Ici manque une Révélation. » « (Ne pas oublier le suicide.) »

 

Lichtenberg sait ainsi comment écrire exactement deux fois la même phrase avec des mots différents.

 

 

 

 

 

« Une horloge qui crie à son possesseur, au quart de l’heure : Tu… ; à la demie : Tu es… ; aux trois quart : Tu es un … ; et quand résonne l’heure : Tu es un homme. »

 

Lichtenberg sait que l’histoire universelle de l’homme est identique à une heure. Lichtenberg sait que l’histoire universelle de l’homme est identique à l’heure d’une autre espèce, à l’heure de l’espèce de la mort.

 

 

 

Pour Lichtenberg (un peu comme pour Samuel Butler) l’espèce humaine, ne serait qu’une sorte de rouage, un rouage d’une autre espèce animale, un rouage de l’espèce-horloge de la mort.

 

 

 

Selon Lichtenberg la mort est à la fois une espèce animale et une horloge. Selon Lichtenberg, la mort est à la fois une espèce animale et un instrument de mesure. Selon Lichtenberg la mort est une horloge-espèce animale supérieure à l’homme. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tombeau

 

 

 

 

 

 

 

« Une tombe est toujours la plus sûre forteresse contre les assauts du destin. »

 

Lichtenberg brode son tombeau à coups de fouets. Lichtenberg accouple les tombeaux et les roues de tombola.

 

 

 

Lichtenberg rédige son épitaphe sur un tombeau de miel.

 

 

 

 

 

« Lorsqu’il passa devant le cimetière, il dit : contrairement à nous, ceux qui reposent ici ont la certitude de n’être point pendus. »

 

Lichtenberg lèche les cimes des cimetières comme des timbres-poste. Lichtenberg lèche les cimes des cimetières comme des enveloppes postales.

 

 

 

Lichtenberg a des intuitions de désespoir comme il dispose d’un cimetière pour sœur siamoise.