Van Basten
Il y a une bravoure mentale dans le jeu de Van Basten, une dignité aussi, une bravoure digne, une bravoure digne de la pensée semblable à celle du Greco. Les frappes de balle de Van Basten ont un tranchant d’ailes semblables aux figures du Greco, aux figures imparables du Greco.
Etrange buteur que Marco Van Basten qui semble buteur par ascèse et presque par sainteté, par sainteté non religieuse, par sainteté athée. Le geste de marquer un but est pour Van Basten un geste de bénédiction athée, un geste de grâce athée.
Van Basten a un peu une allure de cardinal sur un terrain, un cardinal tranquillement rusé qui parviendrait à lustrer à la perfection les oscillations même des points cardinaux, qui saurait comment lustrer c’est à dire épousseter la lumière des points cardinaux. Le jeu de Van Basten semble en effet toujours s’accomplir à l’intérieur d’un rayon de lumière parfait, à l’intérieur d’un rayon laser infaillible.
Le jeu de Van Basten a un aspect géométrique et pourtant aussi la précision de ses gestes semble volatiliser les principes mêmes de la géométrie, comme si l’intuition géométrique de Van Basten avait plus de netteté encore que celle de l’espace.
Van Basten parvient ainsi à allier le perspectivisme du jeu de Platini et l’éclat incisif du jeu de Cruijff. Van Basten joue comme un perspectiviste à coups de ciseaux. Le geste favori de Van Basten c’était en effet le ciseau retourné. Ce que parvient ainsi à accomplir Van Basten c’est une façon de retourner la géométrie même de l’espace, c’est de retourner la géométrie de l’espace à coups de ciseaux, c’est de retourner la géométrie de l’espace avec le coup de ciseaux de ses jambes, avec le coup de ciseaux de ses jambes en lévitation.