Zidane

 

 

 

 

 

Le jeu de Zidane ressemble parfois à celui de Maradona. Par les torsions du buste surtout, le buste souvent penché à l’avant afin de protéger le ballon. En effet Zidane comme Maradona n’accomplit pas seulement sa couverture de balle avec ses jambes et ses pieds, il l’accomplit surtout avec son torse, avec sa poitrine, avec son thorax. Le thorax est pour Zidane est à la fois le lieu de la puissance et le lieu de la fragilité, de l’extrême puissance et de l’extrême fragilité. Pour Zidane le torse est à la fois un bouclier et une porte ouverte. L’un des plus beaux gestes de Zidane c’est d’ailleurs un amorti de la poitrine en pleine course et en extension dans un angle de la surface de réparation, amorti de la poitrine suivi d’un petit tour tranquille sur lui-même avant de contrôler le ballon. Et ce n’est évidemment pas non plus un hasard si Zidane lors de la finale de 2006 contre l’Italie a choisi de donner un coup de tête dans le torse de son adversaire.

 

 

 

Zidane est une sorte d’hybride de Maradona et de Platini. Maradona pour la brusquerie tourbillonnante du dribble, celui par exemple du geste de la roulette que Maradona accomplissait déjà, et Platini pour la profondeur aérienne et somptueuse de la passe. Malgré tout Zidane reste dans ces deux registres beaucoup moins précis que Maradona et Platini. Pour le dire de manière injuste, Zidane est un Maradona maladroit et un Platini approximatif. 

 

 

 

Ce qui est beau surtout chez Zidane c’est l’intuition des postures, c’est l’imagination des gestes, malgré tout ces gestes restent souvent un peu inaccomplis. De tous les grands joueurs Zidane est celui qui ratait le plus grand nombre d’action. Et même lorsqu’il réussissait ses gestes il y avait à chaque fois une sorte de frange besogneuse, de trainée laborieuse dans leur éclat et leur panache. Le panache de Zidane était mélangé de labeur, le panache de Zidane était panaché d’inexactitude et de ratés.

 

 

 

Le sommet de Zidane c’est indiscutablement le match de la France face au Brésil en quart de finale de la Coupe du Monde de 2006. Là Zidane n’est pas loin de Maradona, de Cruijff ou de Pelé. Ce jour-là il évolue avec une grâce superbe. Zidane multiplie alors l’utilisation des surfaces du pied selon des modulations mélodiques magistrales. Cela va de l’intérieur du pied brossé avec la noblesse d’un ébéniste, à la passe de l’intérieur du pied douce comme une berceuse de lavande, à la passe au-dessus de la tête de l’adversaire à la façon d’un révolutionnaire zapatiste désinvolte ou encore aux décalages de l’extérieur du pied aussi indiscutables, nets et tranchants que des ailerons de requins.