Pandiculation donc

 

 

 

Oui, cher B.W., cher Bi-Double-You, me revoilà à l’instant, c’est parce que je m’en vais lundi dans les bois du Morvan, pour dix jours injoignant et injoignable.

 

Je voulais vous dire que je prends vos images au premier degré. Croyant savoir pourtant qu’il n’est que le premier degré d’un angle qui s’ouvre (le temps d’une élégance) jusqu’à 180 degrés. Puis il ira jusqu’à 360.

 

Que je prends votre humour mutique et carnavalesque autophage au premier degré. Croyant bien savoir qu’il est crissant sur lui jusqu’au degré zéro absolu.

 

Je prends votre danse béri-bérique telle qu’elle vient sur le fil même de mon monde, patte après patte, pointe sur pointe, la caroncule enroulée et l’œil tourné dans les obliques. Ouais, c’est une image...

 

Je prends vos images d’humour aussi par la patte, qu’elles ont lourde, ou le doigt, guère moins – patte et doigt qui ont poussé dans MON monde. Dans mon enfance. – Je prends votre monde d’abord par son premier millimètre, et je vois ce que l’abord, l’abordage de ce premier millimètre fait dans MON monde. – Je vois comment ce premier millimètre millimétrise électriquement mon monde en moi, mon enfance. Comme il le et la cartographie en un éclair ben-tiens. Il le et la modélise, dans un cube tracé au l’hasard dans la nuit, net d’arête, oui, bof : il l’a étalonné(e) dans un froufroutement. – Je vois comment le curseur de l’angle BW, de l’angle À oui, court sur les crêtes et enjambe les fonds de mon monde.

 

Je vois quelle tristesse sidérante illumine alors mon monde à moi. Grisou du tabou, festonne un peu le fond d’horizon, veux-tu ?

 

Je vois quelle pandiculation il y a là, et quel renversement axillaire, quel retournement d’angles arrache alors les ongles de mon monde. (Dans la torture, la connivence n’est que biaisement de mise.) Alors je vois combien ALCOOL est un grand mot ; qui vous met la patte sur l’épaule et va signifier « toujours plus ». C’est qu’au coin du bois de la gueule, on est vite poussé aux reins. Mais c’est en cousins que les freux vous arrachent du crin. ALCOOL cille avec une flaccidité impeccable, il est blanc et secoue flou. Il est pourtant un brouillard raide, une buée empêtrée d’elle-même, prise dans sa raideur, comme dans la manche de barbe-à-papa de la vieille enfance.

 

A oui est le béri-béri de la poésie : se cambrer, et ciller dans le cristal. Le mineur, de race indiscernable, roule des yeux blancs dans les galeries. Il parle oualof ou bien chti. Ou polonais si ça tombe. S’il y cause, c’est déjà ça de pris.

 

Dans votre poésie de mineur de fond, les jeunes filles ne se distinguent pas. Dans quelles limbes restent-elles à haillonner, dans quelles poussières elles serrent les dents ? Mâchent du charbon. – Cette indistinction est un contournement du rut qui va droit à la cible, qui est un tambourin malséant.

 

(C’était mon quart d’heure d’écriture automatique, pardon !)

 

 

 

 

 

 

 

Salut à vous cher Ivar Ch’Vavar,

 

 

 

 

 

Avec le problème de la pandiculation, vous me visez en plein cœur ou plutôt en plein torse, en plein torse qui se trouve paradoxalement à l’intérieur du cœur, qui se trouve paradoxalement enfourné, entourné à l’intérieur du cœur.

 

 

 

La pandiculation a aussi pour moi un aspect gothique. C’est une cathédrale gothique que j’imaginais dans A Oui à l’instant d’écrire « La pandiculation abracadabrise le torse par la cathédrale d’alcool d’un incendie de larmes. » La pandiculation transforme la chair en arc-boutant, en arc-boutant du vide. A l’instant de la pandiculation la chair devient un arc, un arc de sang, l’arc de sang du vide, l’arc de la connivence des os et du sang adressée au vide. La pandiculation a ainsi un aspect sagittaire. La pandiculation transforme la chair en arc de la pulsation du sang à l’intérieur du vide, de la pulsation de connivence des os et du sang à l’intérieur du vide, (la connivence c’est à dire selon une formule de botanique « organes qui se touchent vers le sommet »). A l’instant de la pandiculation l’équilibre des os et la pulsation du sang, la pulsation des os et l’équilibre du sang se touchent à leur sommet. Ce geste de connivence des os et du sang à l’instant de la pandiculation révèle ainsi une posture de projection à la fois exacte et inconnue, la posture de projection de l’exactitude inconnue.

 

 

 

La pandiculation serait encore aussi une manière de s’ébrouer à l’intérieur de la mine, à l’intérieur d’une mine à ciel ouvert, à l’intérieur de la mine de l’ouverture même du ciel, à l’intérieur de la mine de l’ouverture de l’espace entre terre et ciel. La mine c’est-à-dire à la fois le lieu où creuser et la chose qui explose, la chose où creuser et le lieu qui explose.(«C’est plus qu’un reflet que le mineur doit voir, c’est la matière même des influences du ciel. Ces influences, elles sont plus cachées dans la matière que dans les astres, il faut donc que le mineur, dans les ténèbres de la mine soit le plus lucide des voyants. On devra donc lire dans l’œil du mineur le magnétisme du vouloir. » G. Bachelard.) « Se cambrer et ciller dans le cristal. » dites-vous. Ou encore se cambrer à l’intérieur du froid, se cambrer à l’intérieur du zéro absolu, se cambrer à l’intérieur de la déflagration d’anesthésie du tabou, se cambrer à l’intérieur du « grisou du tabou », du grisou de zéro absolu du tabou.

 

 

 

Evidemment la pandiculation a aussi un aspect sexuel. La pandiculation invente une forme de pendaison enculée. La pandiculation encule la pendaison. La pandiculation encule la pendaison impeccable du cosmos.

 

 

 

J’associe souvent la pandiculation et l’alcool. Je ne sais pas précisément pourquoi. Cette association me semble à la fois évidente et inexplicable. J’ai le sentiment de la pandiculation comme d’une ivresse de l’équilibre. La pandiculation de l’alcool provoque une tournure particulière par laquelle la tête tourne autour du corps comme le corps tourne autour de la tête. Par la pandiculation de l’alcool, le corps et la tête deviennent les deux foyers d’une seule ellipse, les deux foyers de l’ellipse de l’équilibre. J’ai aussi le sentiment du geste même d’écrire, du geste de calligraphier des lettres comme quelquechose qui ressemble à une pandiculation d’alcool. L’écriture déclare la pandiculation d’alcool du sang, la pandiculation d’alcool de la main, la pandiculation d’alcool du sang à l’intérieur de la main. Enfin il y a des ailes à l’intérieur de l’alcool, des ailes de colle, les ailes de colle de l’aléa, les ailes de colle de l’écartèlement, des ailes de colle écartelée, les ailes de colle de l’aléa écartelé. 

 

 

 

Vous remarquez qu’il y a un lien entre cette figure de la pandiculation et la première lettre de mon nom. Je n’y avais jamais pensé. Et c’est intégralement exact. La pandiculation apparait comme une posture de l’initiale, une posture de l’initiale qui tenterait cependant de s’extraire du sens originel. Cette lettre W est aussi l’indice d’une pseudonymie implicite. En effet, cette lettre est précisément celle que mon père a modifiée pour transformer son nom Wolowiec en Voloviec. Et c’est précisément donc cette lettre que j’ai reprise au vol à mon grand-père polonais, cordonnier dans la ville du nord de Laon (avec sa cathédrale à son sommet comme une lanterne obscure), pour disposer ainsi d’un nom pseudonyme que je prononce à la façon de mon père et que j’écris malgré tout d’une manière différente. Ou pour le dire autrement, c’est parce que mon père à l’époque où il était footballeur a choisi de modifier son nom pour qu’il soit plus lisible dans les journaux (de même par exemple que Kopaszewski a modifié son nom en Kopa) que je n’ai pas eu besoin d’inventer un pseudonyme, je l’ai seulement repris, reprisé comme une chaussette ou plutôt comme une chaussure à, de mon grand-père.(Enfant, j’ai rencontré de temps à autre Kopa, je me souviens qu’un de ses doigts avait été coupé sur des rails lorsqu’il travaillait à la mine et qu’il fumait aussi d’étranges cigarillos à l’eucalyptus.)

 

 

 

Ce que vous dites à propos de l’extrême lourdeur de mes pattes et de mes doigts me fait penser au jazzman Thelonious Monk qui semblait jouer du piano avec une enclume à l’intérieur de chaque main et même une enclume à chaque doigt, avec des doigts bagués d’enclumes, des enclumes de millions d’années perdues. (« C’est l’ondulation de la colonne vertébrale et puis hop le silence…Heureusement que ça a un bouche délicate, des millions d’années perdues. » Tarkos). Vous aimez bien l’expression rouler des yeux blancs. Monk roulait des yeux blancs comme une bête quand il jouait du piano et même aussi quand il n’en jouait pas, quand il attendait d’en jouer en tournant paralysé à l’intérieur de la masse noire de lui-même. Eh bien je roule aussi des yeux blancs aveugles à l’intérieur des wagonnets de mes phrases. Eric Chevillard m’a fait remarquer une fois que l’enchainement de compléments de noms de mes phrases évoquait une cataracte de wagonnets. Pourquoi pas, je wagonne la grammaire, je locomotive la grammaire à coups de leitmotivs.

 

 

 

A propos de la forme de mon humour, vous utilisez les mots de mutique, carnavalesque et autophage. Ces adjectifs me semblent inadéquats. L’humour de mes phrases est un humour taciturne plutôt que muet. C’est une nuance à laquelle je tiens. Le silence apparait en dehors du langage comme forme du tabou. Le mutisme au contraire interdit le langage, le mutisme change le langage en hantise de l’interdit. Le tabou apparait comme une forme matérielle. L’interdit subsiste en tant que sens spirituel. C’est très différent. Mon humour est un humour de silence. C’est l’humour de Harpo Marx que j’admire beaucoup, l’humour d’affirmer le gag du silence avec autant de démence que d’insouciance. L’humour de Harpo Marx est sans doute carnavalesque, le mien je ne pense pas. Il n’est pas non plus autophage, anthropophage plutôt, humour comme forme anthropophage du froid.

 

 

 

Vous évoquez aussi la « tristesse sidérante » de mes phrases. Je n’utilise jamais ce mot de tristesse, je préfère celui de désespoir. Malgré tout, c’est exact. J’écris triste comme un astre, désespéré comme une planète. Ecrire ainsi triste comme un astre est la forme de mon mépris.

 

 

 

Je n’ai pas le sentiment d’écrire comme vous le dites « dans le fond d’horizon des apocalypses. » Et cela simplement parce que l’apocalypse apparait pour moi comme ce qui accomplit la destruction de l’horizon. La rature de l’apocalypse détruit la gomme de l’horizon. La rature cosmique de l’apocalypse détruit la gomme réflexive de l’horizon. L’apocalypse détruit cette résonance de surdité de l’horizon dont vous vous parlez. L’apocalypse détruit le « zonzonnement » de raison de l’horizon. L’apocalypse déclare le silence. L’apocalypse déclare la projection du silence en dehors de l’écho et de la surdité. L’apocalypse détruit  l’écho de surdité rationnelle de l’horizon par le magma d’aveuglement du silence.

 

 

 

Vous avez l’aptitude à incruster l’horizon à l’intérieur de la caroncule du coin de l’œil. « Et c’est là tout de suite, l’horizon, du moins sa proximité immédiate. (l’horizon est un petit coin un angle prétendument orangeâtre) ». Je n’ai pas ce pouvoir. Disons pour essayer de trouver un terrain d’entente que ma seule manière d’honorer l’horizon serait de le détruire. (A propos de l’horizon, le philosophe Henry Maldiney a noté des trucs intéressants.)

 

 

 

Il y a chez vous une sensibilité intense aux angles et aux coins. L’angle des ongles, l’angle de l’élégance, le coin de l’œil, le coin du bois, le coin du con, le coin de la gueule et encore « les yeux écarquillés…j’ai envie de dire un coin d’incrédulité. » Ce qui vous appelle de façon concupiscente, ce sont les encoignures du monde et aussi les rognures de ces encoignures, les résidus, les secrétions qui s’y imprègnent et s’y décantent. (Sous la fenêtre de la pièce où j’écris ces phrases, il y a un arbre à coings. Parfois quand je relève la tête, je vois du coin de l’œil les coups de fleurs du cognassier.)

 

 

 

Vous seriez ainsi un poète de la concupiscence, du quoi que ce puisse dans le noir de la concupiscence. «Nos yeux roulent çà et là, tièdes ; quelque peu forcés dans leur Course ; comme aimantés par ceci et cela (quoi que ce puisse, Dans tout ce noir, être). Vont-ils au hasard tant que ça ? Certes Non mais une force est là qui les pousse à fureter en émoi, là, Fouiner, fourgonner où ils se garderaient plutôt d’aller voir…voir ce qu’il Ne faut pas (voir).» Concupiscence, ce vieux mot oublié et si efficace pourtant, mot torsadé, tarabiscoté comme dirait Laurent. Amusez-vous à l’utiliser de nos jours en société, à l’utiliser surtout à l’instant où quelqu’un bavarde au sujet du désir et examinez l’effet provoqué, c’est à chaque fois superbe. Une Théorie (toute trouvée) de l’Image Poétique ressemble beaucoup aux romans d’Arno Schmidt : Scènes de la Vie d’un Faune, Brand’s Haide ou même Miroirs Noirs. Arno Schmidt est un génie de la concupiscence contemplative. Je ne sais si vous l’avez lu. J’ai la quasi-certitude que cela vous plairait. (Le lied de Konrad Schmitt  serait-ce un hommage ?)

 

 

 

La concupiscence nous met des racines de Pan, des rhizomes de Pan, des souches de Pan plein les pieds. « De nos pieds, Cela ferait sourire (jusqu’aux pieds, souriraient) de dire qu’ils Se posent… Non ; plutôt ils se plaquent, dessus on appuie fort. » A l’instant de la concupiscence, de gros yeux roulent à l’intérieur de nos pieds, de gros yeux blancs roulent dans le noir parmi les racines de nos pieds, les racines de sourires de nos pieds. La concupiscence enchevêtre les regards aux pieds. La concupiscence enchevêtre l’orbite du regard à l’orbe plantaire du pied. La concupiscence entrelace le regard parmi le pied et le pied parmi le regard. La concupiscence entrelace le blanc du regard parmi le noir du pied, le roulement blanc du regard parmi le sourire noir du pied et le sourire blanc du pied parmi le roulement noir du regard. La concupiscence provoque ainsi la précipitation pantelante de la chair et nous transforme en péquenots spasmodiques du cosmos.

 

 

 

Vous aimez les nuances de couleurs terreuses : le gris, le beige, le grège, le bistre. Ces couleurs sont d’abord pour vous le lieu de rencontre du jour et de la nuit. « Il viendra un Héros, le fils de la Nuit Éternelle et d’un ancien jour, et on va l’appeler Bistre, » Ces nuances  de couleurs terreuses révèlent le lieu équivoque de l’excitation, le lieu crépusculaire de la concupiscence. Il y a dans vos textes un héroïsme du gris, une explosion terrestre du gris, une exaltation grandiose de la grisaille, (ce que vous désignez du seul mot de grisou).

 

 

 

L’image poétique a pour vous la forme d’une « torsion ensemble ». L’image poétique a ainsi pour vous la forme d’une étreinte. L’image poétique ne fait pas que rapprocher deux éléments éloignés, elle les interpénètre presque sexuellement. C’est à dire que pour vous l’approximation de la poésie est exactement semblable à l’approximation de l’amour. (Pour utiliser une formule qui évoque à la fois Eluard, L’Amour, la Poésie et Tzara, L’Homme Approximatif.)

 

 

 

« Et dans ses bras le monde tourne, » dites-vous à propos de la femme. Je n’ai pas ce sentiment. Comme vous, j’ai évidemment le sentiment que le monde tourne. Malgré tout, j’ai aussi le sentiment que la femme apparait aussi perdue que l’homme à l’intérieur de ce tournoiement du monde. La femme n’incarne pas le tournoiement du monde. Sa mystification ou son élégance comme vous voulez, c’est de parvenir à apparaitre comme si elle incarnait ce tournoiement. « Quand un mystère nous dépasse, feignons alors d’en être les instigateurs. » disait (citation sans garantie) Cocteau, c’est une ruse rudimentaire, cependant elle reste souvent efficace. La mystification comme l’élégance de la femme est simplement de jouer à devenir le monde (« la princesse Oxymore... enfin, il n’y a qu’elle, là ; elle prend toute la place et elle A grandi dans notre fantasme aux dimensions du lieu, jusqu’Au ciel »), en cela son jeu apparait très proche du jeu du poète, à cette différence près que la femme n’a pas besoin d’écrire pour accomplir ce geste.

 

 

 

A propos de la femme vous parlez aussi du silence de sa chair, silence qui « empaquette la tête. » La formule me semble exacte. Le silence de  la chair de la femme ressemble à un sac (salut Tarkos), un sac où l’homme dispose en désordre comme ça vient ses paroles et ses sentiments, les pulsions de sa parole et la paix de ses sentiments, la paix de sa parole et les pulsions de ses sentiments.

 

 

 

J’aime beaucoup cette insistance hagarde du seau dans plusieurs de vos textes. « le tintement engourdi ou ébahi des seaux » « Alors le Seau passa, tintinnabule, luisant comme un mufle de bête de brume. Il luisait, tintinnabulait, d’un gros son flasque, à cause de son eau trouble et de sa lourde wassingue, » A l’intérieur du seau danse l’assaut de l’eau, l’assaut de l’eau envers elle-même. A l’intérieur du seau tintinnabule aussi le trouble, le grand trouble lubidineux du propre et du sale. A l’intérieur du seau dégueulasse, nous transportons parfois l’eau propre et parfois à l’inverse à l’intérieur du seau resplendissant, nous transportant l’eau sale. (Le seau serait par excellence un objet pongien. Il est étrange que Ponge n’ait jamais écrit de  texte à son propos, même s’il y a quand même la lessiveuse.) A l’intérieur du seau se balance aussi la sottise de l’effort, la sottise hydrocéphale de l’effort. A l’intérieur du seau gigote le gros cerveau du vide, le gros cerveau aux reflets bizarroïdes, aux reflets bizarroïdes sinusoïdaux et suicidaires du vide. Voilà. A l’intérieur du seau se balance le voilà. A l’intérieur du seau se balance le voilà du vide, le voilà voilé, le voilà voilé de reflets étincelants du vide.

A l’intérieur du seau danse le voilà, le voilement du voilà, la voilure du voilà, le voilement fracassé du voilà. A l’intérieur du seau danse la roue hydrocéphale du voilà, la roue hydrocéphale voilée du voilà, le cerveau voilé du voilà, la roue de cerveau voilée du voilà. A l’intérieur du seau danse le viol du voilà, le viol à vide du voilà.

 

 

 

A propos de l’hybridation Rabelais-Mallarmé que j’évoquais dans ma première lettre, je pense que j’avais plutôt bien visé. En ce qui concerne l’aspect chavirant de vos textes, ce serait sans doute plus compliqué. Votre technique de la justification abolit a priori le déséquilibre. A moins peut-être que vous ne cherchiez à provoquer un charivari des mots, des  phrases à l’intérieur même du cadre d’équilibre de cette justification (comme l’eau à l’intérieur du seau). Ainsi il me semble que vos textes posent et reposent ce très vieux problème de l’enjambement. Les poèmes marchent. Les poèmes ont des pieds, des jambes, des cuisses. Ce qui vous plairait ce serait la démarche de la phrase, l’enjambement comme allure, silhouette du rebond. Même si je comprends me semble-t-il où vous vous voulez ainsi en venir, je reste malgré tout réticent envers cette technique de la justification. J’ai en effet une méfiance profonde envers la justice, le jugement et les justifications de toutes sortes. Méfiance qui me vient à la fois d’Artaud « Pour en finir avec le jugement de Dieu » et de Kafka. Pour le dire simplement, l’existence m’apparait injustifiée c’est-à-dire injuste. C’est pourquoi il me semble vain de désirer la justifier à travers quelque instance que ce soit : Dieu, homme ou machine.

 

 

 

« Vertèbre, se manifestant, dit « je préfigure le soleil à naitre. » »

Il y a un aspect bataillien dans cette formule. Et en effet sans doute, la recrudescence verticale du squelette serait l’annonciation d’une naissance solaire. Les os du squelette indiqueraient la venue sanglante et cinglante, cinglée aussi du soleil.

 

 

 

A propos de la caricature, Chesterton a écrit dans son livre sur William Blake ces quelques phrases. « La véritable exagération est une chose à la fois subtile et austère. La caricature est une chose sérieuse ; elle est sérieuse au point de toucher au blasphème. La caricature consiste à figurer un cochon de manière qu’il ressemble encore davantage à un cochon que celui que Dieu lui-même a créé. »

 

 

 

Vos textes me font parfois penser à ceux d’Audiberti. La comparaison serait difficile à expliquer. Un peu comme celle que vous proposiez entre mes textes et ceux de Hugo. Ce n’est pas une ressemblance de forme plutôt une ressemblance d’intention, la même brutalité précieuse, la même préciosité brutale, une sorte de baroque d’humus, un baroque humoral proche aussi parfois d’Agrippa d’Aubigné.

 

 

 

En relisant Les Ecrits poétiques de Tarkos j’ai vu que vous aviez participé dans Le Jardin Ouvrier en compagnie de ce péquenot rutilant et léonin de Pennequin à une réécriture de L’Argent. Cela m’intéresse. Pourriez-vous m’en envoyer un exemplaire ? J’ai toujours pensé que c’était un texte important de Tarkos, un texte important malheureusement en sa défaveur, un texte important pour comprendre les limites politiques de sa poésie (Sur ce point, Mallarmé était par exemple beaucoup plus lucide : la parole conventionnelle conçue en tant que pièce de monnaie échangée muettement).Tarkos serait ainsi peut-être un ersatz d’Artaud, un Artaud qui aurait décidé de se soigner, (« La maladie n’est pas belle mais les soins sont beaux. C’est presque leur définition : un soin est un soin beau. »),  un Artaud qui aurait décidé  de se soigner avec la drogue de l’argent, comme si Tarkos avait choisi d’employer l’argent, de faire travailler l’argent à sa place, de faire passer à l’acte l’argent à la place même de son cerveau pour se façonner une identité ; décision qui est celle de n’importe quel capitaliste qui choisit de gagner sa vie plutôt que de perdre son existence par grâce. Ce dont Tarkos aurait eu peur ce serait précisément de la grâce, il lui aurait préféré l’échange d’argent de l’identité. Tarkos serait une sorte d’Artaud subventionné, une sorte d’Artaud socialo-capitaliste. En ce qui concerne ce texte en tout cas, même s’il est évident qu’il ne se réduit pas à cela. Il serait d’ailleurs ridicule de désirer réduire Tarkos, la valeur même de son œuvre est en effet celle de sa force d’expansion. On ne réduit pas une pâte comme une sauce. 

 

 

 

J’ai un peu abusé dans ma première lettre de l’image de la bombe. Cette assimilation du langage à une arme a cependant un aspect déplaisant. La légende de Rimbaud  s’est développée entre autre sur cette ambivalence. Le soir même où j’ai fini de vous écrire cette première lettre, j’ai été contraint de reconnaitre l’abjection potentielle de cette image en regardant la télévision. Je regardais deux mauvais films en même temps (avec le désir stupide par le subterfuge du zapping d’en regarder un bon) Micmacs à Tire Larigot (ce serait une définition acceptable des textes de Tarkos) de Jean-Pierre Jeunet et Iron Man d’un quelconque réalisateur hollywoodien. Dans Micmacs à Tire Larigot, un marchand d’armes se divertissait à déclamer des poèmes en expliquant sarcastiquement que si Rimbaud avait fini marchand d’armes il n’y avait aucune raison qu’un marchand d’armes tel que lui ne finisse pas poète. Et l’assemblée applaudissait en ricanant. Dans Iron Man, un autre marchand d’armes expliquait le fonctionnement d’un gadget meurtrier en disant ces mots « Le fonctionnement de cette arme est si sophistiqué qu’en comparaison Ulysse de Joyce vous semblerait d’une lecture aussi simple qu’une notice de (j’ai oublié). Ainsi donc, dans les dialogues des films commerciaux, des personnages citent désormais les noms de Rimbaud et de Joyce mais exclusivement pour les assimiler à des assassinats machinaux. Et je me demande cependant si ces citations sont si incompréhensibles que cela. Il y a en effet une rancune nihiliste, un nihilisme meurtrier dans la poésie de Rimbaud et un cynisme assassin dans les romans de Joyce. 

 

 

 

Je viens de découvrir les textes de Jaffeux sur internet. Jaffeux est un poète audacieux. Cela se sent immédiatement. J‘aime surtout Courants. En auriez-vous par hasard (ou par hasart comme il écrit, ce hasard qui vous semble lazaréen) des extraits, voire même l’intégralité ? J’ai très envie de lire ces textes.  Je dirais même que j’en ai besoin. Ah du sang frais, des torrents de sang frais. Il y a des choses étonnantes et parfois même extraordinaires.

 

« Maquiller le silence avec la face d’une page. ». Et ceci à propos de l’alcool « L’alcool souverain déclare la paix asociale » La pandiculation de l’alcool révélerait ainsi la paix asociale de la souveraineté.

 

 

 

Jaffeux essaie de réconcilier la structure de l’alphabet et la structure de l’électricité. En cela il cherche à prolonger la pensée de Mac Luhan. En effet selon Mac Luhan, la structure de l’électricité transmute la structure de l’alphabet plutôt qu’elle ne s’y oppose et y met fin. Jaffeux de même essaie d’inventer un alphabet de l’électricité, une forme alphabétique de l’électricité ou une forme électrique de l’alphabet. Selon Mac Luhan, l’alphabet instaure un univers de la segmentation visuelle indifférente et l’électricité un univers de la connexion nerveuse sollicitante. Je ne sais pas ce que souhaite Jaffeux  en tressant ainsi l’alphabet et l’électricité, s’il cherche à diffuser du flux électrique à l’intérieur de la distance alphabétique ou à restituer une distance alphabétique à l’intérieur du flux de l’électricité. Ou encore s’il désire proposer quelque chose d’autre dont il a seul le pressentiment. (Je pencherais cependant plutôt pour cette dernière hypothèse.)

 

 

 

Cette révélation d’une forme alphabétique de l’électricité ou d’une forme électrique de l’alphabet, il est flagrant que Jaffeux dispose du système sensoriel, du métabolisme caractéristique pour la dire. Cette très belle formule par exemple pour dire la neige de la télévision après la fin des émissions. « Le ciel étoilé dessine l’ombre des électrons. » J’ai presque l’impression que le texte Alphabet essaie de proposer un équivalent littéral à cette danse de flocons électroniques qui vibrionnent, qui zonzonnent à la surface d’une télévision  quasi éteinte. La première phrase d’Alphabet pourrait aussi être la description de cette danse de neige. « Un point final entraine 26 chansons vers une suite qui accompagne le début d’un abécédaire dansant » ou « Un océan d’octets  dérive sous une ile rectangulaire tandis qu’une encre flotte grâce au poids d’un papier vague » ou « Une grappe de noyaux solitaires murit sur vingt-six branches décidées à trahir la chute d’une page intraduisible. » Ou tout compte fait chacune des phrases du texte.

 

 

 

La pensée de Jaffeux est parfois semblable à celle du romancier Maurice Le Dantec, la croyance en une sorte de machine-esprit, croyance peut-être dérivée de la philosophie de Deleuze (l’utilisation de l’adjectif déterritorialisé), même si Deleuze n’avait pas une telle conception idyllique de l’ordinateur. Et aussi comme Le Dantec, le paradoxe selon lequel cette machine-esprit a un aspect archaïque (« Les télévisions récitent l’antique odyssée. »)

 

 

« L’empreinte de la Préhistoire fut salie lorsque nous avons nettoyé nos mains pour écrire. » Ce qui a ainsi nettoyé nos mains avant d’écrire c’est sans doute l’alphabet. C’est comme si Jaffeux essayait de retrouver une forme de préhistoire à travers une saturation électrique du discours. Bizarrement, dans Courants (La Nuit), le mot préhistoire est l’unique mot doté d’une majuscule. La rhétorique  littéralo-numérique de Jaffeux serait donc une façon de se salir de nouveau les mains avec le flux électrique afin de retrouver une empreinte de préhistoire propre.

 

 

 

Jaffeux essaie de donner une forme lyrique à la structure du courant électrique. Donner ainsi une forme lyrique au flux électrique est un travail gigantesque, je ne sais s’il y parviendra. C’est aussi ce que tente d’accomplir d’une autre manière et à l’intérieur d’un autre espace un cinéaste comme Wong-Kar-Wai. (Par exemple Chungking Express ou les Anges Déchus.)

 

 

 

Jaffeux tente le geste absurde de numériser l’alphabet, autrement dit de changer les lettres en nombres. Jaffeux cherche une façon d’écrire avec un alphabet de nombres ou encore avec un ensemble de lettres infinies. « Es-tu absurde ? Je numérise un alphabet logique afin de répondre à un interlocuteur réversible. » Ce qu’il désire révéler ce serait l’ambivalence numérique du langage, l’ambivalence chiffrée-indéchiffrable du langage.

 

 

 

Nos visions du monde sont pourtant très différentes et parfois même antagonistes. Ma réticence envers la poésie de Jaffeux est du même ordre que celle envers la poésie de Tarkos. Je pense qu’elle ne parvient pas à s‘extraire de l’idéologie capitaliste. Jaffeux croit en une transcendance des nombres infinis (même si dans le détail cette croyance est ambivalente). Il est donc encore assujetti à une logique capitaliste. « Les lettres se réduisent à être humaines depuis que les nombres sont divins. » « Les mots appellent des lettres qui comptent sur une réponse des nombres. » Ces formules sont en quelque sorte des dogmes du crédo capitaliste.

 

 

 

J’ai parcouru aussi très vite sur internet les divers blogs de votre ami Lucien Suel. J’ai l’impression que Suel dispose de multiples cordes rhétoriques à son arc et que cela l’amuse. J’ai déjà discerné presque à tâtons le punk-beatnik et le lyrique objectal, c’est ce dernier que je préfère, celui des légendes photographiques, le lyrique de la banalité légendaire (Le tuyau d’arrosage, l’ange du cimetière, les deux balais dansants).

 

 

 

J’ai été extrêmement étonné par l’incroyable exactitude de votre intuition à propos du problème de la tournure à l’intérieur de A Oui, la tournure des phrases, la tournure de la conversation, la tournure des événements, la tournure des planètes et ainsi la tournure du chant « Tourne encore, Corbeau, Vrai chantre ». Et cela recommence de plus belle dans votre dernière lettre, l’indication des degrés, 0,180,360. C’est d’autant plus étonnant que à l’intérieur de A Oui ce problème ne se pose que de manière implicite, je n’évoque presque jamais le tournoiement et le tourbillon, seule la figure de la toupie y apparait comme une allusion. Ce problème de la tournure reste pour moi aujourd’hui encore très confus. J’aimerais vous en reparler d’une autre manière une autre fois. J’ai l’impression que votre aide me serait utile pour ce problème. Vous l’avez remarqué, il y a un décalage d’un envoi et peut-être même de deux, étant donné que vous avez dissocié l’envoi de vos mails, entre vos lettres et mes réponses. J’ai le sentiment que cette distorsion sera précisément la tournure de notre conversation épistolaire. Voilà, j’ai fait le tour.

 

 

 

 

 

 

 

                                                                            A Bientôt                  Boris Wolowiec

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bribes

 

 

 

Cher Boris, quelques bribes de réponse en pièce-jointe, et seconde pièce-jointe L’ARCHE. Je vous en adresse une autre (Cercle du Caret) cet après-midi.

 

         Bien cordialement,

 

Ivarch’

 

PS. C’est un peu beaucoup de pages, ne m’en veuillez !

 

 

 

 

 

 

 

Amiens, 16 mai 2013.

 

Cher Boris WW,

 

 

 

la pandiculation est en nous, mais déjà à tout bout de nous, elle nous désarticule en nous reboutant, elle nous arc-boute, elle nous dépasse et dans le moment suspendu de ce dépassement, nous cale dans le vide, dans le déséquilibre.

 

Mais la pandiculation est quand même bien d’abord le moment où on (s’)abandonne – sans décision, car ce ne serait plus s’abandonner ; sans réflexion (sans plus de s’).

 

Déjà fléché et empalé ; et pendu, et enculé. Mis. Branché. Et voire empaillé.

 

Toutefois il y a bien d’abord ce moment de laisser-aller (laisser-venir), et il dure, il est à durer, laisser-faire, laisser-courre, laisser-tomber. Laisser-durer.

 

J’avais écrit ça[1], commentant Heidegger commentant Rimbaud, ou guère lui mais ce que je croyais en comprendre : « Le poète ne dit le réel (« l’inconnu ») que s’il renonce à le dire. Il n’a une petite chance de le dire que dans le moment même où il y renonce, quand il se résout à le « taire »… Il y a là quelque chose d’analogue au lâcher-prise bouddhistes : à l’instant seulement où le pratiquant cesse de vouloir saisir le réel, quand il se déprend de ce mouvement de saisie, – à cet instant-là le réel vient le frapper tout à coup, le saisir. Que lui (le pratiquant) tente alors de se « ressaisir » (et, dans le même mouvement, de ressaisir le monde), il perd tout. – Le plus difficile est là : s’abandonner au saisissement et au dessaisissement…

 

« Je dirai donc que : seulement à l’instant où le poète reconnaît l’impossibilité de dire ce qui est (peut-être ne reconnaît-il pas d’abord l’impossibilité absolue, mais croit-il ne constater que sa propre impuissance) – à cet instant-là, peut-être, il dit, il « nomme ». Seulement dans le moment où il accepte de se taire, il dit. – Parce que l’être ne se laisse pas saisir, c’est lui qui nous saisit. Et, nous saisissant, il se donne. Mais il ne se donne qu’à celui qui, « saisi », renonce à se saisir de lui (l’être). Le « saisissement » que l’on éprouve, on ne l’éprouve qu’au moment où on s’est dessaisi. »

 

C’était juste pour vous montrer une image de moi en train de défoncer une porte à la fois ouverte ou fermée, et m’y prenant le plus mal possible ! Bien sûr je ne m’exprimerais plus ainsi. Il s’agissait de la présence, et de ce qu’on peut en « dire », et, en dernier ressort ( ?), de l’Inspiration... Aujourd’hui je pourrais dire simplement : mis, on s’y met (par exemple : à l’écriture).

 

(C’est à tout moment qu’on va empalé[2]. Et c’est moins gênant en volant qu’à ramper, comme je fais, l’arête du nez à la raie du monde. N’est pas ptérodactyle qui veut.)

 

Je reviens à cette idée qu’on se lâche… Il y a un moment, pardon de me citer encore, dans un poème que je vous envoie, L’Arche, dans son quatrième chant, Planches, dans la première partie de ce chant, un moment où le personnage (c’est moi) se lâche, donc, dans la situation, et confie alors à son double et jumeau (K.Schmitt) que l’abandon, le renoncement est sa seule prise sur cette situation, du moins dans cette situation. Moment que l’écriture travaille depuis des récits de rêves (dont l’un fait terriblement éveillé – mais le texte le dit… j’espère qu’il le dit).

 

« une posture de projection à la fois exacte et inconnue (écrivez-vous de la p.), la posture de projection de l’exactitude inconnue » : c’est peut-être cela, le lâcher-prise.

 

 

 

Je ne peux vous répondre que par bribes. Je n’ai pas présentement de lieu pour vous répondre. Je suis dans un type de pandiculation qui n’est pas mon truc ! (à chercher un peu de solitude).

 

 

 

W. Dans Planches, seconde partie, il y a deux veaux mort-nés (nous nous sommes mis à trois, mon médecin, un poète-psychiatre et moi-même, pour trouver la contrepèterie dans « veaux mort-nés », et on en a plusieurs mais tous on sent que quelque chose d’énorme nous échappe encore). Deux veaux : VV.

 

Ces veaux, un « rebouteux » s’en occupe, il va en sauver un. Dans le rêve d’où ça vient, je ne vois ce rebouteux que de loin, au moment où il rentre dans sa maison (à Berck). Passant à l’écriture, je m’avise que cette maison est située là où se trouve dans la réalité celle d’un magnétiseur qui s’est occupé de moi (je l’ai vu bien souvent), J.-L. Duwel[3]. Je fais donc de Duwel mon rebouteux (sans pourtant donner son nom dans le texte). J’en parle à mon médecin (généraliste, mais aussi psychanalyste) et elle me dit (c’est aussi une femme) : « Dans Duwel, il y a duel, la dualité, etc., les deux veaux, et tout votre poème tourne autour de la gémellité – et de son conflit ». Et c’est là que je vois (je le lui dis) que dans Duwel il y a aussi W, merde, en plein milieu ! c’est-à-dire comme le pictogramme des deux veaux (dans Ma mort avec Lucien Suel j’évoque « la tête en v d’un bovidé »). C’est même une mise en abyme !

 

 – Bien. Mais là, tout récemment, je retourne à Berck ; je passe avec ma femme à l’endroit même où tout ça se passe dans le poème et là, je vois, ma mâchoire en est tombée, une maison, correspondant exactement à celle de J.-L. Duwel par une diagonale rencontrant en son centre l’emplacement où les veaux gisaient – maison où se lit cette pancarte : « magnétisme. maison du soleil », ou à peu près ça.

 

 

 

Parallèle étrange sur la question du pseudonyme. Dans un cas comme dans l’autre nous revenons au tronçon primordial, non sans jeu ni provocation, et assumons notre barbarie, vous de Slave (« noms férocement slaves », Rimbaud), moi de Scandinave !

 

 

 

Quand j’ai dit que votre humour était « mutique », je ne voulais pas dire muet, mais silencieux. « Carnavalesque »… affaire de viande, croquer dans le cartilage, et « autophage » vaut tout-à-fait « anthropophage », c’est seulement un raccourci.

 

 

 

« Dans le fond d’horizon des apocalypses » est une formule creuse, vous avez raison. J’ai eu beaucoup à faire avec l’horizon, de par le lieu de ma naissance (quasiment sur la plage), mais à cet horizon-là j’ai préféré celui des cantons, je m’y suis cantonné quant au nez, du fait, oui, de ma concupiscence, d’abord nasale et truffière, sanglière. Il me fallait donc un horizon là tout près (et j’en avais aussi l’expérience, par les fonds de villages où j’ai vécu).

 

 

 

« Et dans ses bras le monde tourne… » J’ai eu du mal à me rappeler d’où ça venait ! Je ne parlais pas en tout cas de la femme, mais de la Grande Fumelle Noire, la Mort.

 

 

 

Concernant la justification, pour moi j’en ai absolument besoin, je ne peux plus faire sans. Et c’est bien une question de pas, d’allure, et d’enjambement. « Ainsi il me semble que vos textes posent et reposent ce très vieux problème de l’enjambement. Les poèmes marchent. Les poèmes ont des pieds, des jambes, des cuisses. Ce qui vous plairait ce serait la démarche de la phrase, l’enjambement comme allure, silhouette du rebond ».

 

Il en est question dans le « Cercle du Caret », que je vous joins, à diagonaliser.

 

 

 

Je ne connaissais pas cette définition FORMIDABLE de la caricature par Chesterton ! Grand merci !

 

 

 

Je me renseigne pour Jaffeux et je recherche les réécritures de L’Argent (Tarkos) par Pennequin et Suel. – Ça m’intéresse drôlement, ce que vous dites de Jaffeux et Tarkos encore dans l’idéologie capitaliste !

 

 

 

Cordialement à vous,

 

Ch’Vavar

 

 

 

 

 



[1]  Dans Travail du poème, pp.202-203.

[2]  Il y a en Bourgogne un parc d’attraction appelé Le Pal. Authentique ! Tout ce qu’il y a de plus inoffensif, ce parc, et c’est sans nulle malice que ses responsables avaient accepté d’une boîte de com ce slogan : LE PAL : LE PLEIN DE SENSATIONS. Ça s’étalait partout, bords de routes, etc. Aujourd’hui retiré, dommage !

[3]  J.-L.Duwel s’est adressé en ma présence à mon arrière-grand-père cordier, dédicataire du Caret, tué en 1915.