Cher Boris,

 

excusez mon retard. Je voulais vous envoyer un plan dessiné, mais la semaine a été agitée, j’ai été agité, je m’y suis pris comme un manche avec le temps, etc.

 

Vous arrivez à Amiens par l’autoroute de Rouen (si vous venez en train, c’est que je n’ai pas compris, mais dans ce cas nous irions vous chercher à la gare, en dépit des difficultés extrêmes de l’opération*). Vous quittez l’autoroute à la sortie « AMIENS SUD ».

 

Gardez cette direction « Amiens Sud » jusqu’au rond-point (en pleine campagne) qui vous envoie vers Amiens, Dury.

 

Un autre rond-point surgit au bout de 761 mètres environ. À droite c’est la direction Dury, vous tournez autour du terre-plein central pour prendre la direction opposée : AMIENS. Là, vous allez rouler tout droit pendant 1318 mètres, la tête dans les épaules, en évitant toutes les sollicitations que vous rencontrerez (Auchan à droite, puis Picard, Citroën et Décathlon, enfin l’hôpital psychiatrique à gauche). Au niveau de l’entrée de l’H.P., nouveau rond-point. Vous continuez toujours plein nord, c’est-à-dire tout droit, et vous arrivez rapidement (sauf embouteillages) en vue de puissants feux tricolores.

 

Là, le lieu est complexe mais la démarche simple : vous continuez tout droit.

 

Au bout de 177 mètres, vous trouvez un feu et une rue à droite (la première). C’est la rue André Chénier, vous la prenez sans barguigner.

 

Vous êtres presque arrivé si vous comprenez que votre intérêt est d’aller tout droit sans vous poser de questions.

 

Vous allez rencontrer trois feux, et chaque fois irez tout droit. Au second feu, mettez-vous sur la file de gauche et restez-y. Troisième feu : la rue que vous suivez débouche sur un boulevard impressionnant : ne vous affolez pas : traversez ce boulevard en maintenant la barre sur tout droit et engagez-vous avec soulagement dans la rue qui prolonge celle que vous venez de quitter. C’est l’illustrissime rue Delpech. Vous la descendez (j’espère que vous vous rendrez compte qu’il y a une pente) et vous tournez, avec la dernière prudence, car le passage est étroit, surtout pour votre camping-car, dans la deuxième rue à gauche : deuxième rue à gauche, dont le nom m’échappe. Si vous la ratez vous prendrez la 4e à gauche, rue Jeanne d’Arc.

 

Un dernier effort reste à faire. Que vous ayez pris la 2e ou la 4e rue, vous arrivez à un stop. Là, vous tournez à gauche, en prenant bien garde aux véhicules arrivant, souvent à vive allure, de la droite. Donc, vous avez tourné à gauche, eh bien vous êtes dans la partie haute de la rue Gaulthier de Rumilly, vous trouverez notre maison rapidement à gauche, elle est rose, n°185, Un gigantesque portrait de Charles Fourier en décore le pignon (cette dernière information est inexacte). Maintenant, le plus dur reste à faire : trouver une place de stationnement.

 

Pour le cas où vous auriez raté la rue Chénier. Continuer tout droit jusqu’au grand boulevard (feux). Encore tout droit. Vous allez trouver des petites rues à droite, prenez la deuxième, rue de la Fosse-au-lait. Descendez-la jusqu’au bout, prenez à droite, et presque tout de suite à gauche (rue du Général Tempez, elle est très courte). Vous arrivez à un stop : c’est que vous croisez la rue Gaulthier de Rumilly. Prenez-la alors à droite.

 

Si vous avez raté l’une puis l’autre rue, descendez tout droit la rue de Paris, où vous êtes. 578 mètres, plus quelques-uns de merdouillis avec une place informe à droite, puis on passe sans forcément le remarquer au-dessus du chemin de fer. Immédiatement après tourner à droite sur le boulevard intérieur, direction « Cirque ». Restez sur la file de droite et dès que vous arrivez en vue du cirque (cirque en dur, circulaire, repérable) prenez à droite : c’est le rue Gaulthier de R. Si vous êtes pris de court, tournez après le cirque : c’est le rue Delpech, que vous remontez jusqu’à la rue Jeanne d’Arc, où vous tournez à droite pour rejoindre la rue Gaulthier, que vous prendrez alors à gauche.

 

Voilà, avec ces indications vous ne pouvez pas vous tromper.

 

Vous nous direz à quelle heure à peu près vous arrivez. On vous attend quand vous voulez. Votre lit sera dressé dans une véranda, au premier étage, sur le jardin. Ah ! encore un détail... Presque tous les mets que je confectionne sont tirés du livre de recettes La Cuisine du Goulag, en général les invités apprécient, ou en tout cas le prétendent, mais informez-nous franchement de vos impossibilités alimentaires : topinambours, soupe d’ortie, purée de choux de Bruxelles, tripes de rennes, silure de l’Ienissei faisandé, ou autre.

 

Nous sommes très heureux ma femme et moi à la perspective de vous voir.

 

À très bientôt donc,

 

Ivar

 

* Avec la nouvelle organisation de la gare principale d’Amiens, la possibilité de se garer pour prendre un voyageur est quasi nulle.

 

 

 

 

 

 

 

Salut à vous Ivar,

 

 

 

 

 

Merci de vos exhaustives explications aussi drôles que superflues. J’avais déjà regardé un plan sur internet. Je ne sais pas précisément quand je serai chez vous. Disons entre 18 et 21 heures. Je dois en effet jongler avec le déséquilibre temporel (je dors le jour et je veille la nuit). C’est pourquoi j’aurai dormi le jour précédent à Amiens pour m’acclimater. En souhaitant donc que je ne ressemble pas trop à l’instant de vous rencontrer à une figure de P.K. Dick, c’est-à-dire à un drogué du temps. 

 

 

 

J’ai l’intention de vous apporter une dizaine d’exemplaires de A Oui que vous aurez ainsi le loisir d’offrir comme bon vous semble. Je vous apporterai aussi une esquisse à propos de Robert Bresson (l’âme de l’âne d’Au Hasard Balthazar). J’aimerais bien aussi pouvoir contempler en votre compagnie quelques tableaux de votre ami Konrad Schmitt.

 

 

 

Puis-je enfin vous demander une faveur ? Pourriez-vous s’il vous plait pendant ma visite réduire au minimum les ondes électriques de votre maison (éteindre téléphone cellulaire et ordinateur par exemple) ? Je sais que ces ondes ont tendance à atténuer la force de mon attention. Et étant donné que nos rencontres sont rares, je préférerais que cette attention soit intense.  

 

  

 

Si je suis assez en forme, je resterai à Amiens pendant deux jours. Le 19, je dormirai à l’hôtel. Et si vous le voulez, je reviendrai vous voir le lendemain.

 

 

 

Pour le repas, je veux bien du vin blanc, fruité plutôt.

 

 

 

 

 

                                                                                                     A Bientôt          Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris, tous les débarqués des mondes de Philip K. Dick ne sont pas sources d’effroi ! mais d’émoi, oui, certainement. Ah ! je voulais justement vous demander des exemplaires d’À Oui, et d’autres textes. J’aime beaucoup l’âne (et l’Anne) d’Au hasard Balthazar, et son âme (on est avec lui, avec elle jusqu’à la fin). Il y a un témoignage bouleversant d’Anne W. sur le tournage de ce film, elle encore toute jeune fille et Bresson qui, les nuits, gratte à sa porte en la suppliant de le laisser entrer... Et pour ce qui des tableaux de Schmitt, c’est moi qui les ai tous (en dépôt, en quelque sorte), vous pourrez les regarder jusqu’à ce que les yeux vous sortent de la tête.

 

L’ordinateur sera éteint, et quant au téléphone cellulaire, ma foi, je ne sais pas au juste ce que c’est, il faut que je me renseigne. On ne peut couper tous les postes, en tout cas, ça angoisserait trop ma femme, (…). Enfin, on s’arrangera... Faut-il débrancher aussi le four à micro-ondes ? (je plaisante, nous n’en avons pas).

 

Pour le trajet dans Amiens, méfiez-vous, il y a les contre-allées qui compliquent tout. Celui que je vous ai indiqué (le premier) est le plus sûr et le plus simple.

 

Salutations fraternelles,

 

Ivar