Cher Boris,
je vais reprendre la lecture de Tu Autre, depuis la première ligne.
Tu demandes une sorte d’héroïsme à ton lecteur, l’héroïsme d’accéder à sa propre nullité, en tant que nullité de tous, ou plutôt de chacun, et de l’agréer. Et ne lui est même pas laissé le choix de cet accès.
En te lisant, je suis bien obligé de voir à quel point l’héroïsme m’est difficile, peut-être déjà l’humilité de l’héroïsme, c’est-à-dire le silence, et l’écoute de mon propre silence projeté (si mon silence propre n’est pas déjà le silence de chacun). – Je ne peux pas te lire sans ressentir cette fureur, à chaque phrase lue, de courir dehors, cette phrase au bout de la main, à la brandir et secouer – “l’assassiné est le confident préféré de l’assassin” (par exemple : c’est juste celle que je viens de lire), la donner à la foule (au premier passant) en partage, peut-être la “refiler”, et me défiler – image idiote de la patate chaude qu’on ne veut pas jeter à terre (on ne peut pas !) et qu’on ne peut garder plus longtemps dans sa main.
Tu nous livres au spin de ton écriture, mais je te dois d’utiliser ici le terme exact : poésie – tu nous livres au spin de ta poésie, qui nous décapite de la tête au pied, c’est-à-dire aussi bien de la plante du pied jusqu’au dernier cheveu sur le sommet de la tête, il nous décapite. Coupe en tranches, en rondelles. En même temps il nous saucissonne, il nous prend dans la spirale de sa lanière et de son lien et nous retourne en dedans sans nous laisser l’espace de NOUS retourner (ce serait pour fuir à l’autre bout de la galaxie, c’est vrai).
Te lire, c’est mon sacre à la tronçonneuse, tronçonneuse ultra-fine ; mon sacrifice. Je te le dis parce que le bourreau est le confident préféré de la victime, comme tu sais bien.
Quand on s’éloigne, qu’on met de la distance entre toi et soi, tu reviens par tel interstice. Nous hanter.
(…)
Voilà pourquoi j’arrive de si tard, et encore ! je ne fais que commencer à arriver !
En réalité, Le Baudrier d’Orion est l’espace que je me suis donné pour échapper à Tu Autre, je le vois maintenant.
(…)
Salut et fraternité,
Ivar Ch’Vavar
Salut Ivar,
(…)
Post-scriptum.
Essaie de recommencer la lecture des extraits de Tu Sauf avant même la première ligne. Tu parviendras ainsi qui sait à en mémoriser le titre avec exactitude.
A Bientôt Boris