Bonjour Eric,

 

 

Il serait peut-être intéressant de proposer une typologie des différents aspects de la stupidité. La stupidité en tant que stupeur serait un mélange de surprise et de peur. L’idiotie serait en relation avec ce que Diderot appelait l’idiotisme autrement dit avec une sorte de singularité à la fois anatomique et mentale. La connerie serait essentiellement sexuelle, ce serait une façon de vivre à chaque seconde dans le cocon du con. L’imbécillité aurait un aspect à la fois ciliaire et angélique « Le battement d’aile de l’imbécillité » de la formule de Baudelaire. La crétinerie aurait peut-être à voir au-delà même de son étymologie chrétienne avec la crête de la montagne ou la crête du coq, la crête de montagne du cri du coq ou la crête de coq de l’écho de la montagne (crétinerie par exemple des personnages de Novarina). La niaiserie serait un avatar de la négation et du déni, de la nausée aussi : la niaiserie énoncerait la nausée du déni. La sottise enfin serait en relation avec la hantise et le sosie, avec la hantise du sosie.

 

Quant à la bêtise (malgré la moquerie formidable de Flaubert à son propos) je ne suis pas certain qu’elle soit si condamnable que cela. J’ai le sentiment qu’il y a malgré tout une valeur admirable de la bêtise. La bêtise c’est l’habitude animale en nous. Quand la bêtise règne ce n’est pas de façon politique ou sociale, c’est plutôt de manière biologique, précisément comme règne animal. Pour le dire avec clarté, j’aime beaucoup la bêtise. La bêtise affirme d’abord la bête. La bêtise révèle la forme bestiale de l’existence.

 

 

 

 

                                                                                                                 A Bientôt          Boris

 

 

 

 

Post-scriptum.

 

Je t’envoie des extraits de Choses à faire avant de devenir moins con de Samuel Dudouit dont je t’avais parlé l’autre fois au téléphone.

 

 

 

 

Réécouter le bruit de la cafetière (Greatest hits)

 

Renouveler profondément l’organigramme de mes narines.

 

Suicider le saindoux (juste avant de le canoniser).

 

Demander des échantillons de flore intestinale à la fleuriste.

 

Refaire parler de moi en ouzbek.

 

Sauter sur l’occasion en parachute.

 

Etouffer les nouilles de ses propres mains.

 

Signer en bas des rafales de vent.

 

Fidéliser le pop-corn.

 

Changer les cartouches de mes rêves.

 

Définir les mots qu’on n’utilise jamais.

 

Déchirer grave dès potron-minet.

 

Démissionner de mon poste de ministre de mes oreilles.

 

Alléger le trafic aérien de mes siestes.

 

Travailler comme le bois, sans bouger.

 

Acheter des outils pour quand j’aurai des mains.

 

Etudier l’effet du fanta sur les phantasmes des phasmes.

 

Etre le Mick Jagger du rayon frais.

 

Centrer juste sur la tête du pape au point de pénalty.

 

Sublimer le concombre.

 

Eternuer (même si on ne voit pas pourquoi).

 

Tartiner les deux côtés du rire.

 

Fixer des vertiges avec du scotch double face (dix ans d’âge).

 

Caresser l’idée de mordre.

 

Traduire Dostoïevski pour le chat.

 

Elaborer une théologie du camembert.

 

Scotcher le boudin blanc et les pommes sur la porte du frigo pour ne pas oublier la dormition de la vierge.

 

Exiger la fin de l’espèce humaine en dédommagement du constat de connerie généralisée.

 

Délocaliser mes chaussettes.

 

Supprimer des emplois un peu partout dans mes cellules lymphatiques.

 

Poser la première pierre de futures ruines.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Cher Boris,

Incroyable, j'ai écrit il y a trois jours une chronique sur un texte de Musil, "De la bêtise". Je déroge à mes principes en te l'envoyant aujourd'hui car elle ne paraîtra qu'à la fin du mois (merci de la garder strictement pour toi).

Au reste, tu verras que je ne partage pas ta dilection pour la bêtise (qui vient de tuer 17 personnes, à mon avis). Je suis plutôt du côté de l'idiotie.

A toi,

Eric