Bonjour Eric,

 

 

 

 

 

« On ne connait pas le nom de l’inventeur du papier. »  G. Pommier

 

C’est peut-être précisément ce nom que tu essayais de découvrir avec Dino Egger. Dino Egger serait l’inventeur inconnu du papier. Dino Egger serait à la fois celui qui a inventé le papier et celui qui invente le papier encore aujourd’hui. Dino Egger serait celui qui recommence à inventer le papier jour après jour, ou plutôt jour avant jour comme jour après jour, celui qui recommence à inventer le papier jour avant après jour. Les pages sur lesquelles nous écrivons ne sont pas les jours à l’intérieur desquels nous existons. Dino Egger serait cependant celui qui parvient à accomplir ce prodige d’une coïncidence des pages et des jours, d’une connivence du papier et du temps de telle manière que le tas du papier et l’extase du temps se touchent à leur sommet. Dino Egger serait celui qui invente la pyramide du papier, la pyramide de papier de l’aujourd’hui. Ainsi, grâce à Dino Egger, nous n’écrivons plus des phrases sur le papier à l’intérieur du temps, ce serait plutôt le papier du temps qui imprime des phrases à l’intérieur de notre chair, à l’intérieur de l’apparition animale de notre chair. Grâce à Dino Egger le tas de papier du temps (le tas de papier de la suite des jours, le tas de papier de la suite extatique des jours) s’inscrit comme par miracle à l’intérieur du charme de sang de notre chair.

 

 

 

« Dans une lettre à propos d’un livre n’aboutissant pas, Flaubert dit en une expression à la fois imagée et légèrement triviale. (…) « Ça ne fait pas la pyramide. » » C. Dantzig

 

Ecrire c’est composer une pyramide. Ecrire c’est composer une pyramide avec ce qui nous tombe chaque matin à l’intérieur des mains. Ou encore, écrire c’est composer une pyramide avec des mains, avec les innombrables mains qui tombent chaque matin du ciel sur notre table de travail. Écrire c’est composer une pyramide avec les mains des choses, avec les mains des choses du monde, avec les mains météorologiques des choses du monde. Ecrire c’est composer une pyramide avec les mains météorologiques des choses du monde qui tombent chaque matin à l’intérieur du cratère de terreur taciturne du crâne. Ecrire c’est essayer de construire une pyramide à l’intérieur d’un volcan. Ecrire c’est essayer de composer une pyramide de feu, une pyramide pyrotechnique, et parfois même ainsi de manière absurde, une pyramide qui s’amuse à se détruire à chaque instant, c’est-à-dire quelquechose comme une pyramide pyromane.

 

 

 

L’écriture compose la chose d’âme de la chair. Et ce qu’il est nécessaire de donner à cette chose d’âme de la chair ce n’est pas un nom, c’est un titre. Le titre affirme l’existence de l’œuvre. Sans titre il n’y a pas d’œuvre, il y a seulement un tas d’écriture. Le titre transforme le tas d’écriture en œuvre. L’œuvre n’est ni une chose nommée, ni une chose prénommée. L’œuvre apparait comme une chose titrée. Et le titre n’est ni un nom ni un discours. Le titre n’appartient ni au nomos ni au logos. Le titre apparait plutôt comme le lieu de coïncidence paradoxale du nomos et du logos. L’œuvre apparait ainsi par le geste de titrer la chose d’âme de la chair comme projection particulière du destin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                     A Bientôt          Boris