Marges Diverses 001

 

 

 

 

 

Par réflexe, je détournai mon regard de ce visage d’une grande beauté comme je l’eusse fait malgré moi d’une gueule cassée. Insoutenable.

 

 

Il y a en effet à l’intérieur de la beauté quelque chose de beaucoup trop grand pour l’homme. Rilke pensait déjà que la beauté était une forme de la terreur.

" Car le beau n’est que le commencement du terrible,/ce que tout juste nous pouvons supporter/et nous l’admirons tant parce qu’il dédaigne/de nous détruire. " 

Il y a ainsi un aspect insoutenable de la beauté, insoutenable aussi paradoxalement pour les hommes et les femmes beaux. C’est pourquoi par exemple de nombreuses stars de cinéma finissent par éprouver leur beauté comme une  malédiction. (Marylin Monroe, Rita Hayworth, Jane Mansfield et même Brigitte Bardot). Les femmes extrêmement belles se demandent ainsi comment parvenir à coïncider avec cette beauté qui leur a été donnée et qu’elles portent à la surface à la fois de leur chair et de leur visage sans jamais parvenir pourtant à l’incarner en profondeur. Les femmes extrêmement belles portent la beauté comme le fardeau d’une forme, le fard d’eau, le fard de buée, le fard de buée absolue d’une forme qu’elles ne parviennent pas malgré tout à incarner. En cela l’extrême beauté d’une femme serait comparable au génie d’un homme.

  

 

Il me semble regrettable que l’obsession de la plaisanterie soit souvent une façon de nier le prodige de la présence du monde. Celui qui plaisante a tendance à masquer la présence terrible du monde à travers l’intelligence subtile de son rire. A l’inverse ce qui apparait extraordinaire dans le style de Schmidt c’est qu’il parvient par miracle à contempler et à plaisanter en même temps. Pour Schmidt, la plaisanterie apparait comme une forme de la contemplation et la contemplation comme une forme de la plaisanterie. Schmidt parvient ainsi à donner à sentir une forme d’humour contemplatif comme une forme de contemplation humoristique. Cette alliance de la contemplation et de la plaisanterie Chesterton en avait déjà l’intuition précise. « Oui le sens de l’humour, un certain sens étrange et délicat de l’humour (…) voilà ce que les hommes s’efforceront d’atteindre en se livrant  aux exercices ascétiques que pratiquaient les saints. On demandera par exemple : « Voyez-vous ce qu’il y a d’humoristique dans les barres de fer de cette grille ? Ou bien « Voyez-vous ce qu’il y a d’humoristique dans ce champ de blé ? » Voyez-vous ce qu’il y a d’humoristique dans les étoiles ? dans les couchers de soleil ? » Combien de fois me suis-je endormi à force de rire d’un coucher de soleil violet ! » Le Napoléon de Notting Hill 

 

 

 

SUZIE– Dans mon ombre, je suis une grande personne.

  

 

Et à l’inverse être un adulte, c’est ne plus avoir d’ombre, c’est effacer son ombre, c’est effacer son ombre à travers l’arrogance de sa connaissance, à travers l’outrecuidance de son expérience supposée. Etre un adulte c’est ne plus devenir, c’est croire avoir atteint sa taille définitive, sa taille ultime (ad ultima), c’est effacer alors la multiplicité des tailles de son ombre, la multiplicité des tailles paradoxalement éblouissantes de son ombre. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                  A Bientôt          Boris