Bonjour Eric,

 

 

 

 

 

J’ai toujours eu le sentiment que l’extraordinaire finale de Wimbledon Borg-Mac Enroe, (celle gagnée par Borg au cinquième set, je ne sais plus l’année) avait été une sorte de livre, quelquechose comme un feuilleton d’aphorismes. Feuilleton dans le genre de Gertrude Stein par le jeu de Borg et aphorismes à la Oscar Wilde par le jeu de Mac Enroe; avec malgré tout parfois au hasard  d’un échange de balle et d’âme, au détour d’une interversion tennistique, feuilleton de type proustien pour Mac Enroe et aphorismes dans le style de La Bruyère de Borg. Un événement sportif est aussi de temps à autre une œuvre d’art, comme la révélation d’une invention rhétorique, et j’ai la certitude que ce match a eu pour la forme de mon écriture autant de valeur que la lecture des livres de Mallarmé ou de Ponge. (Quand je jouais au tennis, ma tentation aphoristique me titillait sans cesse, malheureusement pour moi, elle était techniquement plus proche de la crétinerie présomptueuse du jeu de Leconte que de l’alacrité miraculeuse de celui de Mac Enroe). 

 

Dans son Abécédaire Deleuze a parlé de Mac Enroe, de sa silhouette égyptienne au service et de ses réflexes dostoïevskiens à la volée.

 

Le critique de cinéma S.Daney a aussi écrit des pages splendides sur le tennis dans Ciné Journal. En voici quelques extraits « La suprématie de Borg a tenu à cela: pour lui la balle n’est que la balle, elle ne représente rien, elle n’est chargée d’aucun affect, ne porte aucune haine, aucun souci de plaire et d’être aimé. Comme dirait Gertrude Stein « a ball is a ball is a ball is »…Reste le mystère Mac Enroe. Regardez-le entre les échanges, c’est tout le contraire de Borg…Entre deux coups de raquette, pendant un temps qui peut être infinitésimal, l’Américain se défait, se désarticule, s’absente... Il est si fier, si orgueilleux qu’il semble toujours un peu surpris de voir la balle revenir vers lui. La balle pour lui, c’est l’autre, moins l’adversaire que l’adversité: ce qui l’oblige, pour notre plus grande joie, à faire face. »

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                         A Bientôt      Boris