Bonjour Eric,

 

 

 

                                                                                                        

 

« Comme s’il n’y avait pas chez les enfants cette différence entre savoir et exister : ce qu’ils savent ils en vivent encore, en font leur existence, en nourrissent leurs jeux. »  P. Handke

 

Plutôt, l’enfant confond la forme de son savoir avec la forme de son existence sans confondre cette forme et la vie. L’enfant sait qu’il existe, malgré tout il ne sait pas qu’il est vivant et cela simplement parce qu’il ne sait pas qu’il est mortel. D’où son insouciance absolue et son  incroyable désinvolture dans les situations de grand danger.

 

 

 

Il y a dans le film The Constant Gardner une scène magnifique. Pendant un massacre dans un village en Afrique, deux hommes essaient de s’enfuir en avion. Alors que l’avion va bientôt partir, ils se disputent parce que l’un des deux désire emporter avec lui une petite fille noire orpheline et que l’autre s’y oppose. La petite fille les regarde crier quelques instants devant elle puis elle préfère s’en aller et descend elle-même de l’avion sur la piste. Pendant que l’avion s’envole, la petite fille court auprès d’une de ses ailes à l’intérieur d’un nuage de poussière. Elle n’a pas peur. Elle apparaît très calme. Auparavant lors d’une attaque de guerriers, elle était restée tranquillement assise parmi les buissons et les meurtriers étaient passés devant elle sans même la voir. (La présence d’un enfant noir a toujours quelquechose de déchirant, je ne sais pourquoi son innocence apparaît plus intense encore que celle des autres enfants.)

 

 

 

« La terre, cette piste.»  Emily Dickinson

 

 

 

Ainsi pendant une guerre un enfant n’a pas peur de mourir et cela simplement parce qu’il ne sait pas qu’il est vivant. L’enfant se tient là. L’enfant se tient là à l’intérieur du vide de l’espace avant de savoir s’il est vivant ou mort. L’enfant sait le vide de l’espace avant de connaître la différence entre la vie et la mort. L’enfant sait l’apparaître là de l’espace avant de connaître la différence entre la vie et la mort.

 

 

 

« L’enfant assis là avec une tranquillité de physicien. »  P. Handke

 

L’enfant apparaît calme à l’instant où il accomplit des expériences scientifiques, des expériences de fantaisie, de fantaisie scientifique. L’enfant apparaît calme à l’instant où il utilise les miracles.

 

 

 

« L’enfant dit « J’aime bien faire quelquechose dont je ne sais pas ce que c’est » »  P. Handke

 

L’enfant joue comme il utilise l’inconnu. L’enfant joue comme il fait usage de l’inconnu. L’enfant joue comme il utilise des extraits de civilisation de l’inconnu, des formes de civilisation de l’inconnu.

 

 

 

« La façon émouvante dont les enfants tiennent des objets, un pain ou simplement des lunettes de soleil. »  P. Handke

 

L’enfant tient les choses entre ses mains comme des bombes. L’enfant tient les choses entre ses mains avec effroi, comme s’il était épouvanté à chaque instant à la seule idée qu’elles tombent, qu’elles explosent et qu’il ne meure pas.

 

 

 

 

 

 

 

L’enfant sait où commence l’espace et où finit le temps. L’enfant sait où finit le temps précisément parce qu’il ne connaît pas la mort. L’enfant sait comment le commencement de l’espace coïncide avec la fin du temps.

 

 

 

L’enfant joue avec les choses exactement de la même manière quelles que soient leurs dimensions. Il essaiera d’entrer à l’intérieur de la maison même si celle-ci est minuscule ou tentera de s’asseoir sur la chaise même si celle-ci est gigantesque. L’enfant joue comme il utilise les choses sans jamais se soucier de leurs dimensions. Le monde de l’enfance est un monde sans dimension, ou plutôt un monde aux dimensions réversibles (voir Lewis Carroll) ou encore le monde de la dimension zéro. Pour l’enfant, même si une chose n’est pas à la taille de son corps, elle est toujours à la taille de ses besoins et de ses pulsions.

 

 

 

L’enfant sait maintenant à chaque geste. L’enfant a la sensation de maintenant à chaque geste. L’enfant sait la sensation de maintenant à chaque geste. L’enfant oscille à chaque instant entre la fierté et la honte. A chaque geste du jeu, l’enfant pose le savoir de maintenant entre la fierté et la honte.

 

 

 

L’enfant abandonne son père et sa mère à chaque fois qu’il joue.

 

 

 

L’enfant incarne la solitude de l’espace. L’enfant incarne la solitude de l’espace par le vide du jeu. L’enfant incarne la solitude de l’espace par l’usage de vide du jeu.

 

 

 

L’enfant n’est jamais fou. L’enfant esquive la folie par l’usage du vide. L’enfant esquive la folie par l’usage des formes de civilisation du vide.

 

 

 

L’enfant sait comment regarder l’autre très longtemps sans jamais le regarder dans les yeux. L’enfant ne regarde pas le regard de l’autre. L’enfant regarde l’intégralité du corps de l’autre. L’enfant regarde l’existence de l’autre. L’enfant cherche et trouve l’existence de l’autre. L’enfant regarde longtemps l’existence de l’autre. L’enfant cherche et trouve l’existence de l’autre avec le longtemps du regard.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                       

 

                                                                                                         A Bientôt      Boris