Bonjour Eric,

 

 

 

 

 

Merci pour l’envoi de L’Autofictif en Vie sous les Décombres.

 

 

 

En attendant je vide le grenier de mon ordinateur. Il serait en effet préférable que l’ordinateur dispose d’un grenier, d’une cave et aussi d’un escalier pour aller de l’un à l’autre. Mais ce n’est pas le cas. Tout y est parfaitement rangé, mais rangé au même niveau. En cela l’ordinateur serait au papier ce que l’appartement est à la maison. L’ordinateur archive cependant jamais il ne donne à sentir une hiérarchie ou une anarchie de ses archives. C’est pourquoi l’ordinateur conserve sans jamais savoir à quoi ressemble ce qui se décompose ou se décante. L’ordinateur ne connait ni la poussière ni le vin. L’ordinateur ne connait ni l’érosion de la poussière ni l’ivresse du vin et moins encore l’ivresse de la poussière et l’érosion du vin.

 

 

 

Je t’envoie ainsi cette mosaïque de vertige de la poussière. 

 

 

 

 

 

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Bribes (Bonus maladroits)

 

 

 

Parfois quand je lis, je pense à toi et je me dis qu’il y a quelques formules qu’il serait agréable que tu rencontres. Il y a plusieurs années que j’avais l’intention de te les indiquer, et nous ne nous sommes pas vus assez souvent pour que je t’en parle avec précision.

 

 

 

Je t’envoie malgré tout l’intégralité de la lettre afin de ne pas modifier le rythme de sa forme. (l’intégralité malgré le tout, j’aime ça, je n’aime que ça.)

 

 

 

« D’où l’hypothèse d’un lien nécessaire entre le souci de formalisme et l’obsession de la mosaïque : le monde, l’humain sont en morceaux, fragments éparpillés d’un effondrement perpétuel et la solitude effective d’une forme peut les faire tenir et donner consistance à un homme, un monde, un film. »   C. Neyrat

 

 

 

« Accueilli un jour à la campagne : -comment trouvez ce petit coin de verdure ? demanda l’heureux propriétaire en conduisant son hôte dans le jardin - pas très large, répondit Rivarol ; puis regardant le ciel - mais très haut ! »

 

 

 

Une hypothèse critique. Choir serait un livre décadent, du latin cadere, tomber.

Sur la décadence Cioran écrit ceci dans De la France, qui me semble en adéquation avec ton livre. « Quand une civilisation entame-t-elle sa décadence ? Lorsque les individus commencent à prendre conscience ; lorsqu’ils ne veulent plus être victimes des idéaux, des croyances, de la collectivité. » « Au stade crépusculaire d’une civilisation, le doute remplace l’extase. (…) Autrefois il (l’homme) respirait dans les mythes ou en Dieu ; à présent, dans les considérations faites à leur sujet. » Choir serait ainsi semblable à la considération parabolique d’un sentiment mythologique (ou religieux) désormais disparu. En cela Choir aurait un aspect kafkaïen.

 

 

 

«Cesser de nous étonner que précisément cela (cette chose qui nous fait face dans le miroir) soit notre moi. Faute d’être convaincus que notre visage exprime notre moi, faute de cette illusion première et fondamentale, nous n’aurions pas pu continuer à vivre, ou du moins à prendre la vie au sérieux. »  M. Kundera

 

 

 

« La joie enfin est du côté des mots. Se réjouir, c’est se réjouir de ce qu’il y ait si peu de mots pour dire ce qu’il y a à dire. »  A. Badiou (à propos de S. Beckett)

 

 

 

Blanc bonjour oublié. Que la joie et la paix t’accompagnent.

 

 

 

« La contemplation placide des draps » (Du Hérisson)

 

L’opulence placide des draps, la reptation placide des draps, le désespoir placide des draps, l’audace placide des draps, l’étonnement placide des draps, l’appel placide des draps, les spasmes placides des draps, la splendeur placide des draps.

 

 

 

Je suis c’est à dire et J’ai des agrafes dans le regard

 

Je suis c’est à dire et J’utilise le cou avec selon

 

Je suis c’est à dire et J’utilise le carré du cou avec selon

 

Je suis c’est à dire et J’excite les dessous de l’échelle avec le trèfle à quatre feuilles

 

Je suis c’est à dire et après il y a un plaisir

 

Je suis c’est à dire et après il y a un plaisir comme si comme ça

 

Je suis c’est à dire et Je donne mon assentiment comme si comme ça à la catastrophe facile de et.

 

 

 

“L’histoire michelétiste du XIXème siècle sort d’un jeu de mots étymologique : Buonaparte, la Bonne Part, le gros lot ; Napoléon est ramené à son nom, ce nom à son étymologie, et cette étymologie tel un signe magique, engage le porteur du nom dans une thématique fatale: celle de la loterie, du hasard sinistre, du joueur, figure fantasmatique que Michelet substitue sans nuance au héros national…ce sont les lettres du Nom qui fondent le récit michelétiste, ce récit est donc véritablement un rêve. »   R. Barthes

 

 

 

Dans l’ensemble j’avais catalogué les mêmes obsessions de Barthes que celles indiquées par J.P Richard ; une seule m’avait échappée, une des plus révélatrices cependant, celle de l’huile, l’huile imaginée comme sublimation lumineuse de la poisse « une poix filtrée, purifiée, ramenée à la clarté d’une surface, délivrée de son arrière-monde, de la poisse dévorante muée en nappe onctueuse… »

 

 

 

Réalisme malgré lui du Testament d’Orphée de Cocteau, les attitudes et les vêtements de J. Marais et de M. Casarès typiques de la société des années 50-60 y sont visibles au-delà même de l’histoire racontée. S.Daney remarquait à ce propos que la magie du cinéma était celle de son impureté autrement dit celle de la simultanéité du documentaire et de la fiction.

 

 

 

Vincent Delerm ne met pas de majuscules aux prénoms et aux noms, je ne sais pourquoi. Le redoublement des trois phrases auquel répond le redoublement du mot « sous » à l’intérieur de l’une d’elles est assez beau, cela suggère plutôt bien l’enveloppement-développement de poupées russes du baiser. Dans cette chanson le ça s’appelle a ainsi la forme sentimentale d’un baiser sous la pluie (et aussi celle d’une pelle roulée poulpée lapidaire sous un lampadaire).

 

 

 

La femme fatale n’a pas de nom. La fatalité de la femme est de changer de nom comme d’homme.

 

 

 

C’est la première fois que je rapproche ainsi l’axe et la métaphore.

 

 

 

« Arrivé à l’os, n’importe qui est beau. »  Ylipe.

 

 

 

Comme Beckett, tu as la tentation de sainteté de te cacher à l’intérieur de tes os, de l’explosion de tes os, de l’explosion de rire de tes os.

 

 

 

 « Un Auschwitz grassouillet » P. Desproges. Ou encore un Hiroshima à la crème chantilly.

 

 

 

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Post-Scriptum à une lecture de L’Auteur et Moi.

 

 

 

« La faim est la source de la métamorphose la plus lancinante des corps. Un corps mange un autre corps… c’est le centre secret de la métamorphose des êtres. »  P. Quignard

 

 

 

L’imagination métaphorise l’extase de la faim comme elle mange la métaphore de l’extase. L’imagination métaphorise l’habitude de manger, l’ascèse de manger comme elle mange la métaphore d’exister.

 

 

 

Problème. Si le chou-fleur est l’emblème du moi, de quoi la truite aux amandes est-elle le symbole ? Du ça, du surmoi, de l’artisanat, de l’art, de l’artisanat de l’âme, de la cuisine de l’art, de la cuisine de l’âme ?

 

 

 

Et à quoi ressemble le corps de Dieu que nous mangeons en commun, avec lequel nous communions en le mangeant, à un gratin de chou-fleur, à une truite aux amandes, à un gratin d’amandes, à une truite au chou-fleur ?

 

 

 

Problème. Si la transsubstantiation n’est qu’une fumisterie, une fumisterie fade comme une bouffée de gratin aux choux fleurs, nous devons alors porter le cadavre de Dieu comme une fourmi porte sur son dos un grain de riz gigantesque.

 

 

 

Il y a chez toi une profonde ambivalence de la dévoration et par la même aussi de l’auto dévoration. L’auto dévoration est pour toi un acte spéculairement idiot « Puis le chou-fleur se mange lui-même comme les poupées russes se dévorent les unes les autres. »

 

 

 

« Tout le temps que nous passons en revenant sur nous-mêmes est un temps perdu…» F. Cassingena. L’identité est un rien entre guillemets, une citation du néant.

 

 

 

 « Rien qu’à partir on devient immense. » F. Cassingena. La fourmi révèlerait ainsi l’immensité minuscule de la fuite, l’humble démesure de celle qui avance féeriquement sans savoir où.

 

 

 

Qui marche sur les mains à proximité d’une fourmi ne sera plus jamais appelé. Qui marche sur les mains, main dans la main avec une fourmi, qui dira s’il s’appelle encore acrobate ?

 

 

 

Prélever des prénoms et des noms sur les tombes. La littérature est ce prétexte même, reste à savoir si ce prétexte est indifférent. En effet ce prélèvement révèle malgré tout la forme d’une préférence.

 

 

 

Dino Egger est l’œuf d’un vœu veuf.

 

 

 

Devenir un œuf-femme invisible, un œuf de vide qui aurait des intuitions de femme tel serait aussi Dino Egger.

 

 

 

Tu es le rhétoricien virtuose de l’ajout allégeant, celui qui sait comment transformer l’escalade essoufflée du chou-fleur en flèche céleste, en flèche de ciel qui s’en fiche, en flèche de ciel désinvolte, en flèche de ciel dilettante.

 

 

 

« C’est toujours une hostie que Bloy joue à pile ou face. » M.E Nabe. Cela pourrait être dit du Pari de Pascal et aussi de l’Auteur et Moi. C’est comme si le récit de l’Auteur et Moi jouait à pile ou face à l’intérieur de sa bouche-boucle entre ses deux oreilles, à l’intérieur du bégaiement fabuleux de sa bouche-boucle entre ses deux oreilles.

 

 

 

Bonne remarque de Claro au sujet de ton roman « Le roman est une fable qui dégénère. » 

 

 

 

 « La Faille

 

Ce fut une épopée de géants. Nous la vécûmes en fourmis. Nous triomphâmes ainsi. Succès par la porte basse. Mais une altération en nous, après des années écoulées, s’aggravant sans cesse, nous avertit présentement de la faille qu’en géant il fallait surmonter, désormais dans nos organes installée, étrangement petite encore, mais grandissant posément, pour le dérèglement définitif de tout notre être en vain livré aux regrets. »  H. Michaux

 

 

 

« Quand on ne croit à rien, les sens deviennent religion. Et l’estomac finalité. Le phénomène de la décadence est inséparable de la gastronomie. (…) Ce qui est révélateur, ce n’est pas le fait de manger, mais de méditer, de spéculer, de s’entretenir des heures à ce sujet. (…) Tout le monde a pu faire cette expérience ; quand on traverse une crise de doute dans la vie, quand tout nous dégoûte, le déjeuner devient une fête. Les aliments remplacent les idées. Les Français savent depuis plus d’un siècle qu’ils mangent. Du dernier paysan à l’intellectuel le plus raffiné, l’heure du repas est la liturgie quotidienne du vide spirituel. La transformation d’un besoin immédiat en phénomène de civilisation est un pas dangereux et un grave symptôme. Le ventre a été le tombeau de l’Empire romain, il sera inéluctablement celui del’Intelligence française. » Cioran  De la France

 

En cela le christianisme serait déjà une forme de décadence, celle de proposer à l’homme unesorte de gastronomie théologique. Et par conséquent une sorte de nihilisme de la faim. Cependant je ne suis pas certain que la remarque de Cioran à propos de la relation entre le nihilisme et la faim soit exacte. Celui qui doute de l’existence autrement dit celui que la vie dégoûte n’a plus alors le désir de manger, le déjeuner n’est plus pour lui une fête, comme le reste et peut être plus encore que le reste, le déjeuner est alors pour lui une corvée voire un cauchemar. Il me semble que celui qui doute de l’existence est celui qui doute d’abord de la présence même de son corps, est celui qui a tendance à croire que ce qu’il pense a plus de puissance que ce qu’il sent, et cela quand bien même cette puissance de la pensée ne parvient  jamais à devenir sentiment d’existence, comme si la pensée était alors identique à une puissance vaine.

 

 

 

Dans Une Brève Histoire de l’Angleterre, Chesterton pour se moquer des adeptes de la lumière intérieure écrit ceci « J’ai lu l’autre jour dans un journal cette phrase qui m’a fait bondir : « Le salut, comme toutes les bonnes choses, ne doit pas venir de l’extérieur. » Je n’aurais quant à moi de cesse d’opposer à cette platitude l’idée contraire. Nous devons nous mettre dans la situation d’hommes qui pensent que toutes les bonnes choses viennent de l’extérieur - comme d’ailleurs toutes les bonnes nouvelles. (…) Je ne crois pas qu’un bébé, pour autant que je sois capable d’en juger, se nourrit comme il convient en suçant son pouce ; ni qu’un homme puise sa meilleure nourriture spirituelle en suçant, si j‘ose m’exprimer ainsi, son âme et en niant par la même sa dépendance vis-à-vis de Dieu ou d’autres bonnes choses. » Les formules de Chesterton sont comme toujours magnifiques. Cependant Chesterton semble alors oublier qu’à l’instant de la Cène le Christ se mange pourtant lui-même et qu’il suce ainsi l’os à moelle de son âme. Le problème serait ainsi de savoir quand manger le monde et quand manger son âme. Ou encore le problème de l’ascèse serait de savoir comment manger le monde en l’assaisonnant avec des extraits de son âme. Le problème de l’ascèse serait de savoir comment rythmer, scander la nourriture du monde avec l’assaisonnement de son âme.

 

 

 

« Je faisais une enquête de terrain chez les guérisseurs spécialistes de la folie au sud du Benin. Je posai cette même question : « Vous savez soigner la folie, mais dites-moi, comment l’expliquer ? Quelle est sa source ? » Réponse : la malveillance en est la cause. Un jaloux, un envieux, un vengeur a entrepris d’annihiler la force d’un autre, d’un voisin, d’un rival…Et je poursuivais : « Mais comment ? » « Vois-tu, me répondaient-ils, il est une méthode d’une efficacité absolue. Il suffit de lui faire manger son ancêtre. » Ils parlaient bien sûr de l’animal-totem à l’origine de sa famille. »

 

Ainsi la folie ce serait de manger la fourmilière de ses ancêtres, la fourmilière de sa famille ancestrale. Et à l’inverse, la forme de la santé mentale ce serait d’apparaitre mangé par son ancêtre animal, par les formes animales de ses ancêtres, par les formes animales immémoriales qui nous sauvent par le geste même de nous dévorer.

 

« En Afrique j’ai souvent entendu la phrase « Mon ancêtre est un caméléon. » Il s’agit d’un énoncé mythologique, qui définit l’origine d’une lignée. Il faut bien la distinguer d’une autre phrase, prononcée par un célèbre biologiste lors d’un congrès auquel je prenais part : « Notre ancêtre était une sorte de singe… » J’avoue l’avoir interrompu en lui disant « Dans votre famille, peut-être … » » Tobie Nathan, article intitulé Totem, rubrique Pensée d’Ailleurs, Philosophie Magazine Février 2013.

 

En effet qui a l’audace d’apparaitre mangé par le singe sinon le saint ou l’ange ? Ce singe dont nous descendons par l’escalier composé de l’alliance paradoxale de nos sourires et de nos cris.

 

 

 

2

 

 

 

« Les enfants éveillés et lucides (…) font d’autant plus vite l’expérience de l’humiliation, qu’ils se trouvent précisément humiliés par l’état d’enfance. (…) Leur immaturité même, ils l’éprouvent comme un défaut de puissance, un inaccomplissement douloureux. »

 

Je n’ai jamais eu le sentiment de l’enfance comme humiliation, de l’enfance comme inaccomplissement. « L’enfant est petit et faible, sa parole est sans effet. » Soit. La parole de l’enfant reste presque sans effet, malgré tout la simple présence de l’enfant provoque elle des effets considérables. Un enfant entre dans une pièce où des adultes parlent et son entrée transforme instantanément la conversation avec une efficacité littéralement insensée. L’enfant apparait ainsi comme une force prodigieuse précisément parce qu’il apparait en deçà de la parole. Ce qui me semble à l’inverse humiliant ce serait plutôt d’avoir perdu cette puissance de l’enfance, celle de savoir comment transformer le monde par sa seule présence et d’être désormais obligé d’employer le langage en tant qu’ersatz de ce pouvoir.

L’humiliation de l’immaturité correspondrait plutôt à l’âge de l’adolescence. L’enfance apparait comme l’âge de l’étonnement sans humiliation et l’adolescence comme l’âge de l’humiliation sans étonnement, de l’humiliation blasée, de l’humiliation cynique. J’ai d’ailleurs l’impression que la société capitaliste s’organise désormais fondamentalement à travers cet âge de l’adolescence. La société capitaliste anéantit ainsi à la fois l’exaltation naïve de l’enfance et l’élégance lucide de la vieillesse, elle ne produit que la vulgarité hallucinatoire de l’adolescence. Partout sans cesse ne se propage que le stress narcissique de ceux et celles qui sont restés bloqués pour l’éternité à l’âge de 17 ans. La Grande-Tête-Molle Frédéric Beigbeder serait l’exemple parfait de cette adolescence éternelle. L’adolescence, âge publicitaire, âge pusillanime par excellence, âge de la surveillance sociale automatique incorporée, âge de ceux qui vivent exclusivement à travers le regard des autres.

 

 

 

« Elisabeth et Paul étaient « faits pour l’enfance » écrit Cocteau, c’est leur fatalité, ils doivent en sortir et ils ne veulent pas. La plupart des hommes l’acceptent très bien en devenant vulgaires. »  C. Dantzig

 

La vulgarité ce serait la négation de l’enfance, la négation effrénée, fanatique de l’enfance. La vulgarité ce serait de vivre comme si son enfance n’avait jamais existé. La vulgarité ce serait de vivre comme si on était né adulte, autrement dit comme si nous n’avions été procréés ni par un sexe masculin ni par un sexe féminin, comme si nous avions été engendrés à travers un sexe neutre, le sexe neutre du on.

 

 

 

« L’écrivain est avec l’émotion comme un enfant qui regarde derrière une main les doigts écartés. »  C. Dantzig

 

Celui qui écrit contemple l’émotion comme l’apparition d’une main au dos de son enfance. Celui qui écrit contemple l’émotion comme une main future, une main future provoquée par l’écartèlement de son enfance, par la crucifixion de son enfance, par la crucifixion facile, frivole de son enfance.

 

 

 

L’écriture révèle l’usage de l’enfance, l’usage intact de l’enfance. L’écriture révèle l’outil intouchable de l’enfance, l’outil futur de l’enfance, l’outil futur intouchable de l’enfance. L’écriture révèle l’outil tabou de l’enfance, l’outil de noli tangere de l’enfance, l’outil de feu intact de l’enfance, l’outil de feu futur intact de l’enfance. L’écriture serait ainsi semblable à l’usage d’une enfance future à apprendre à la fois par cœur et par os, à apprendre par cœur d’os, par cœur d’os du jeu. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                     A Bientôt          Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

 

Tu écris :

 

" J’ai d’ailleurs l’impression que la société capitaliste s’organise désormais fondamentalement à travers cet âge de l’adolescence. La société capitaliste anéantit ainsi à la fois l’exaltation naïve de l’enfance et l’élégance lucide de la vieillesse, elle ne produit que la vulgarité hallucinatoire de l’adolescence. Partout sans cesse ne se propage que le stress narcissique de ceux et celles qui sont restés bloqués pour l’éternité à l’âge de 17 ans. La Grande-Tête-Molle Frédéric Beigbeder serait l’exemple parfait de cette adolescence éternelle. L’adolescence, âge publicitaire, âge pusillanime par excellence, âge de la surveillance sociale automatique incorporée, âge de ceux qui vivent exclusivement à travers le regard des autres."

 

Et je te rejoins absolument. Parfaite analyse.

 

Merci pour tous ces fragments. Rivarol, magnifique, où as-tu trouvé ça ?

 

A toi,

 

Eric

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Eric,

 

 

 

 

 

J’ai trouvé l’extrait de Rivarol dans une anthologie proposée par J. Dutourd intitulée Les Plus Belles Pages De… aux éditions Mercure de France. Je ne sais si ce livre est encore disponible. Je l’avais découvert à la bibliothèque municipale d’Angers.  

 

 

 

J’ai un magnifique souvenir de cette lecture de l’œuvre de Rivarol. J’avais d’ailleurs été surpris, étant donné mes réticences envers les auteurs français du XVIIIème siècle que cela me plaise tant. Rivarol est le roi de la désinvolture profonde (un peu comme Sacha Guitry). Dans ses phrases les plus subtiles, Rivarol ressemble parfois même à Lichtenberg. Il a le même sens avisé de la singularité atemporelle. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                     A Bientôt          Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Eric,

 

 

 

 

 

Je me demande si l’extrait de Rivarol ne se trouve pas plutôt dans un autre livre intitulé Pensées aux éditions du Cherche-Midi. J’ai lu les deux livres en même temps, d’où ma confusion.

 

 

 

Où se trouvent les phrases ? Immense problème. Les phrases se trouvent-elles à l’intérieur des têtes, à l’intérieur des livres, entre les têtes, entre les livres, entre les têtes et les livres ? Ou bien les phrases seraient-elles les tournures de l’oubli, les tournures rhétoriques de l’oubli ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                     A Bientôt          Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Oui, je me rappelle cette phrase que cite Godard dans un film : "Les passions ont beau nous mener, la syntaxe de la langue française est incorruptible."

 

 

 

Bien à toi,

 

Eric