Bonjour Eric,

 

 

Je viens d’ajouter des textes à l’intérieur de mon Espace d’Ecriture Bleu Nuit. En voici la liste ci-joint.

 

 

Je t’envoie déjà aussi les textes qui pourraient t’intéresser.

 

 

Météorologie de l’Etonnement

 

Trois Etudes à propos de Michaux

 

Notes à propos de Voyage au Bout de la Nuit de Céline

 

Dubuffet, L’Hourloupe

 

Borg-Mc Enroe 

 

 

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt               Boris

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

Alors, confiné dans l'espace d'écriture bleu nuit ?

La parlure tremble plus que jamais !

Je viens de relire ton McEnroe, c'est lui, c'est ça, à le connaître si bien, je pense que tu l'aurais battu à plates coutures.

(d'ailleurs d'où vient cette étrange expression "plates coutures" ? Dans le contexte que j'ai esquissé, elle évoque pour moi un cours de tennis sur lequel je jouais enfant, plat donc, et dont les lignes blanches étaient des bandes de plastique (des plates-bandes), clouées plus que cousues certes...

 

J'écris une petite chronique quotidienne pour Le Monde. Ça me tient lieu de structure. Comprenne qui pourra. Toi donc, certainement.

j'espère que tout va bien.

A toi,

Eric

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Eric,

 

 

Eh bien c’est très gentil à toi de penser que j’aurais eu l’honneur de vaincre Mc Enroe. Malheureusement non. Ah si tu savais comment je jouais au tennis. Je jouais plutôt comme Henri Leconte. J’avais un style à la fois aristocratique et abruti. Je n’avais pas compris en effet qu’un échange de tennis se jouait en plusieurs phrases. C’est pourquoi je cherchais à frapper chaque coup comme un aphorisme définitif. Parfois comme Leconte cela provoquait des coups grandioses, le plus souvent comme Leconte, c’était du grand n’importe quoi.

 

Parvenir à inventer une suite d’aphorismes, cela a finalement toujours été mon seul et unique problème, que ce soit à la surface du papier ou à l’intérieur de l’existence. J’ai le sentiment d’avoir plutôt trouvé le truc à la surface du papier et à l’intérieur de l’existence aussi parfois quand le monde devient immense et blanc comme un espace de neige. Sur un terrain de tennis je dois reconnaitre que c’était trop difficile. A ce propos encore, j’ai toujours quant à moi imaginé que tu devais jouer au tennis comme Mecir, ce joueur tchécoslovaque doté d’une rhétorique tennistique d’une prodigieuse subtilité. 

 

 

 

Je t’envoie aussi une remarque très proche de ce que tu m’avais dit une fois à propos de la manière d’Arno Schmidt de citer les textes, manière sensorielle et non pas intellectuelle. 

 

« La bibliothèque entre dans l'œuvre de Schmidt ; elle s'y loge, elle y trouve refuge ; elle y devient ni plus ni moins réelle que la route où « Herr During » roule à vélo, qu'une voie ferrée, que le vent. On chemine entre les livres, et en eux, comme à travers champs ou dans les forêts. Dans l'espace de ces récits, une phrase qui, sortie d'un livre aimé, flotte incongrue, n'est pas autrement sensible qu'un mouvement du corps ou que le bruit du vent : »  Un Minutieux Tourbillon (Note sur Arno Schmidt Claude Mouchard, Université Paris VIII) 

 

 

 

Post-scriptum.

 

Mourir m’enrhume était donc un titre prophétique. Les décisions étatiques censées s’opposer à l’expansion du coronavirus, quel grotesque effrayant. Nous vivons donc désormais à l’époque de l’hypocondrie totalitaire.

 

J’ai lu l’extrait de ta chronique du Monde sur internet. C’est bien. Tu parviens à écrire plus vite encore que l’état d’urgence. Tu détruis ainsi la mobilisation générale des microbes. A ce propos, accepterais-tu de m’envoyer l’ensemble de tes chroniques quand ce sera fini. Cela me plairait de pouvoir lire cela. 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                         A Bientôt                    Boris

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Eric,

 

 

 

« On en arriverait à penser que l’information transmet le virus. Que la contagion se propage en empruntant le réseau câblé, les ondes hertziennes et le Wi-Fi. »

 

 

Je t’envoie un extrait de J. Baudrillard afin d’accompagner cette phrase. 

 

« Virtuel et viral vont de pair. C’est parce que le corps lui-même est devenu un non-corps, une machine virtuelle, que les virus s’en emparent. »

 

« La cérébralité grandissante des machines doit normalement entrainer la purification technologique des corps. Ceux-ci pourront de moins en moins compter sur leurs anti-corps, il faudra donc les protéger de l’extérieur. La purification artificielle de toutes les ambiances  suppléera aux systèmes immunologiques internes défaillants. Et s’ils sont défaillants, c’est qu’une tendance irréversible, souvent appelée progrès, pousse à dessaisir le corps et l’esprit humain de leurs systèmes d’initiative et de défense pour les transférer sur des artefacts techniques. Dépossédé de ses défenses, l‘homme devient éminemment vulnérable à la science et à la technique (…).

 

Il n’est pas absurde de supposer que l’extermination de l’homme commence par l’extermination de ses germes. Car tel qu’il est, avec ses humeurs, ses passions, son rire, son sexe, ses secrétions, l’homme n’est lui-même qu’un sale petit germe, un virus irrationnel qui trouble l’univers de la transparence. Lorsqu’il aura été expurgé et qu’on aura mis fin à toute contamination sociale et bacillaire, alors il ne restera que le virus de la tristesse, dans un univers d’une propreté et d’une sophistication mortelles.

La pensée, étant à sa façon un réseau d’anticorps et de défense immunologique naturelle, est elle aussi fortement menacée. Elle risque d’être avantageusement remplacée par une bulle  électronique cérébro-spinale expurgée de tout reflexe animal ou métaphysique. » J. Baudrillard,  La Transparence du Mal, Essai sur les Phénomènes Extrêmes, 1990

 

 

 

 

 

                                                                                                           A Bientôt                Boris 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Eric,

 

 

Je viens d’apprendre en lisant Le Scandale Mc Enroe de Thomas Ravier que Tony Palafox a été un des premiers entraîneurs de Mc Enroe. C’est étonnant.

 

 

Et quelques phrases de Novalis afin d’accompagner la parution de Monotobio.

 

« Tous les aléas de notre vie sont des matériaux dont nous pouvons faire ce que nous voulons. Quand on a beaucoup d’esprit, on fait beaucoup de sa vie. Pour le véritable être d’esprit, toute connaissance, tout incident - premier maillon d’une chaine infinie - serait le début d’un roman infini. (…) L’humanité est un rôle humoristique. »

 

 

 

 

 

 

                                                                                                           A Bientôt                 Boris 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

je ne connaissais ni Tony Palafox, ni Thomas Ravier.

Mais pour Novalis, c'est exactement ça ! Merci pour la citation.

 

A toi,

Eric

(Confiné dans un prieuré, on frise le pléonasme, non ?)