Anna Thomson

 

 

 

Anna Thomson se tient très bizarrement en équilibre entre Botticelli et Tod Browning. Anna Thomson apparait comme une Vénus monstrueuse, comme une madone freak à l’abandon à la fois frankensteinenne et florentine.

 

Extraordinaire corps d’Anna Thomson, corps de synthèse disjonctive, corps à la fois factice, résultat de multiples opérations chirurgicales et corps malgré tout stylisé. Extraordinaire corps d’une femme-dandy.

 

Anna Thomson apparait comme une femme de synthèse. Anna Thomson synthétise d’abord les âges. Anna Thomson apparait en effet à la fois comme une petite fille joyeuse et espiègle, comme une femme adulte dépravée de désespoir et comme une vieille femme timide. Par cette aptitude à synthétiser ainsi les âges à l’intérieur de son jeu, A. Thomson ressemble à G. Rowlands. A. Thomson associe ainsi à la fois les âges multiples de la femme de façon invisible et elle dissocie les organes qui composent le corps féminin de façon visible, comme si chaque organe du corps féminin devenait apte à se changer en fétiche, fétichisme d’ailleurs non exclusivement sexuel, fétichisme presque futile d’un mystère vide, fétichisme futile d’une énigme vide.

 

Anna Thomson ressemble à une sainte de synthèse, une sainte de synthèse obscène. A. Thomson à l’allure à la fois d’une sainte et d’une poupée gonflable pornographique.

 

Anna Thomson ressemble à une nonne nymphomane, une nonne strip-teaseuse arachnéenne, une nonne strip-teaseuse arachnéenne diaphane, une nonne strip-teaseuse lactée arachnéenne diaphane, une nonne nymphomane lactée arachnéenne diaphane.

 

Anna Thomson ressemble à une strip-teaseuse pieuse, Anna Thomson ressemble à une nonne stripteaseuse affutée fêlée entre Lewis Carroll et Zola. Anna Thomson évolue en effet à chaque instant entre H. Miller et Lewis Carroll, entre le zen et Emile Zola.

 

 

Anna Thomson a des jambes sans mollets et presque sans chevilles, des jambes semblables à des tubes d’aluminium. Anna Thomson a une anatomie anté-pubère. Ses cuisses, ses hanches, ses fesses sont celles d’une marionnette de celluloïd ou d’une poupée de porcelaine. Et au-dessus en surplomb aberrant posés là par un obsédé absurde, un érotomane idiot, des seins ultra-sexy sans aucune relation avec le reste du corps, des seins rimant uniquement avec les lèvres disproportionnées du visage elles aussi anormales, magnoliesques, énormes. Enfin entre le corps et le visage, un cou de héron, un cou de héron aléatoire, érotique, illicite, suprêmement illicite.

 

Anna Thomson a un visage de Vierge Marie détruite, de madone destroy, le nez précieux et fureteur, de grands yeux de lièvres qu’elle recouvre parfois de lunettes noires, un front comme esquivé, des cheveux qu’elle enveloppe souvent d’un foulard de grande bourgeoise française ou qui ondulent de chaque côté de son visage renaissants, ravissants de sinon.

 

Anna Thomson a un nez prononcé précieux, un front funèbre et comme esquivé, des omoplates  anguleuses et voutées comme des ongles, des doigts à la fois indécents et lugubres, indécents lactés et lugubres.

 

Anna Thomson a des poignets de kleptomane, des poignets de kleptomane inquiétante, des poignets de kleptomane inconséquente, des poignets de kleptomane appliquée inconséquente.

 

Etrange front d’Anna Thomson quand elle porte un chignon relevé haut au-dessus de la tête. Anna Thomson a alors un front de fakiresse effarouchée, de voyante engloutie, un front de fakiresse honteuse effarouchée, un front de voyante atonale.

 

Anna Thomson a un visage anomal, un visage à la fois anomal et atonal. Anna Thomson a un front de fièvre atonale, un front d’effroi atonal, un front d’effroi voyant atonal.

 

Anna Thomson semble saturée d’anomalies neutres, hantée de neutralités imprévisibles. Anna Thomson reste à chaque instant inintelligible, inintelligible d’anomalies neutres, inintelligible selon des anomalies de neutralité.

 

 

Anna Thomson révèle le squelette des sentiments. Anna Thomson révèle le squelette de chirurgie des sentiments. Anna Thomson révèle le scalpel des sentiments, le squelette-scalpel des sentiments. Anna Thomson révèle l’éther des sentiments, le squelette d’éther de sentiments, le scalpel d’éther des sentiments, le squelette-scalpel d’éther des sentiments.

 

Quand Anna Thomson fume, elle tient sa cigarette comme une infirmière une seringue ou qui sait aussi à la façon d’une mutilée de guerre épileptique.

 

Une sorte de masochisme surnaturel hante l’anatomie d’Anna Thomson. Masochisme d’une femme qui désire devenir défigurée, qui désire devenir transfigurée, qui désire devenir transfigurée à travers sa destruction même, à travers sa quasi destruction même. Désir de transfiguration sacrificielle révélée avec précision par C. Eastwood dans Impitoyable. A. Thomson y apparait comme une madone putain, comme la madone putain des cicatrices, comme une madone prostituée des cicatrices qui ne veut pas d’argent en échange de ses mutilations, madone prostituée des cicatrices qui préfère alors l’offrande de plusieurs chevaux. Visage de cheval d’Anna Thomson, visage de je cheval, visage de cheval sacrifié, visage de je cheval sacrifié.

 

Anna Thomson a une allure de jument sous morphine, une allure de jument morphinomane. Anna Thomson a un teint diaphane de jument malade, un teint diaphane d’ânesse fiévreuse.

 

 

Souvent les intonations d’Anna Thomson s’engluent d’angoisse. Son élocution se dénonce elle-même douteuse. Son énonciation se dénonce enrhumée douteuse, enrhumée intimidée douteuse.

 

Anna Thomson redoute souvent de parler. Ses phrases s’effrangent alors au verso de ses lèvres et ces phrases transmutent alors ses lèvres en sourire englué, en sourire englué d’angoisse, en sourire englué de désarroi.

 

Par l’alliance détournée de sa silhouette et de son élocution, Anna Thomson ressemble parfois aussi à Anne Alvaro, une Anne Alvaro junkie, junkie et chirurgicalisée à l’excès.

 

Anna Thomson apparait à la fois comme une princesse et une grenouille. Anna Thomson apparait à la fois comme une princesse de l’élégance et une grenouille de l’angoisse, comme une princesse de l’angoisse et une grenouille de l’élégance.

 

 

Anna Thomson a de sourires de panique, des sourires de panique antépénultième.

 

La manière extraordinaire de mourir d’Anna Thomson à la fin de Sue Perdue dans Manhattan. Le gel hagard de son visage quand elle demande au jeune skate-boarder « Ça te plait New-York ? » et sa retombée ensuite sur le banc de profil en un double soubresaut net.