Harvey Keitel

 

 

 

H. Keitel apparait comme l’acteur de l’invulnérabilité épuisée, l’acteur du harassement indestructible.

 

Dans Les Duellistes de Ridley Scott, H. Keitel de retour de plusieurs batailles napoléoniennes se tient superbement assis seul à une très simple table de bois au seuil d’une auberge. Il se tient là assis comme un résistant tranquille, comme un survivant, comme un survivant tranquille.

 

Le jeu de H. Keitel ressemble parfois à celui de L. Ventura (Le Lino Ventura du Deuxième Souffle en particulier). H Keitel révèle ainsi la résistance de la force, la résistance fatale de la force à l’intérieur de l’extrême fatigue. Keitel est en effet l’acteur de la résistance, de la résistance au mal, de la résistance au mal à la fois physique et spirituel.

 

(Le Bad Lieutenant de Ferrara comme le personnage du Deuxième Souffle de Melville est un résistant, un résistant au péché, et comme le personnage de Melville il est à la recherche d’un deuxième souffle, deuxième souffle à la fois de la grâce et de la mort, deuxième souffle de la grâce de la mort, deuxième souffle de la mort comme grâce.)

 

 

Dans Bad Lieutenant de Ferrara, H. Keitel apparait les bras en croix en transe, couinant comme un petit enfant. H. Keitel apparait les bras en croix en transe comme un Christ puéril, comme un fœtus de Christ, comme un fœtus de Christ cocaïné.

 

Dans Bad Lieutenant, H. Keitel danse seul à la fois royal et pleurnichant, à la fois seigneurial et sanglotant, lion-taureau qui pleurnicherait comme un rongeur, comme un hamster, lion-taureau qui sangloterait comme une souris, qui crisserait des couinements de rat.

 

Dans Bad Lieutenant, le corps d’Harvey Keitel reste à chaque instant seigneurial et robuste y compris à l’intérieur même de la plus grande frénésie, et de la plus démente hébétude. Cependant ses cris ne sont jamais grandioses, ce sont des cris presque mesquins, des cris mutilés de mesquinerie, des cris hachurés de crainte, des cris hachurés d’acharnement craintif, non pas des cris de douleur, plutôt des hurlements de honte, les hurlements honteux de la douleur même.