Darry Cowl

 

 

 

Darry Cowl décalque sa voix. Darry Cowl décalque sa voix en la gribouillant à la façon d’un petit enfant, en la gribouillant à la fois d’une microbienne canaille, à la façon d’un petit canaillou.

 

D. Cowl fait l’idiot. D. Cowl fabrique un idiot sous nos yeux en utilisant sa boite à outils brechtienne. D. Cowl est un brechtien farfelu. Son jeu n’est pas cependant de se distancier par rapport à son rôle, c’est plutôt de se distancier par rapport à la scène, c’est de se mettre à distance du spectacle. D. Cowl assiste alors au spectacle de sa propre idiotie, au spectacle de sa crétinerie dilettante.

 

Dans Assassins et Voleurs de Guitry par exemple, D. Cowl entre dans la salle du tribunal comme s’il entrait en scène et il s’adresse à l’assistance avec ses mots « C’est fou le nombre de gens dont j’ignore l’existence. C’est étrange, je ne vous connais pas, vous ni vous. »

 

D. Cowl bégaie comme un prestidigitateur du langage qui expose ses tours aux yeux de tous  en restant le seul qui saurait exactement ce qu’il fait apparaitre et disparaitre parmi le langage.  Ou bien encore D. Cowl joue comme un hypnotiseur qui multiplierait les révélations sur ce qui se passe dans son propre cerveau en faisant croire qu’il renseigne l’assemblée sur la pensée des autres.

 

Il y a en effet très souvent des spectateurs, une assemblée même à l’intérieur des scènes où D. Cowl se parle à lui-même, spectateurs qui sont les témoins à la fois conciliants et inutiles de son monologue. D. Cowl se parle à lui-même à travers un assemble de spectateurs qu’il fait semblant d’ignorer.

 

D. Cowl fait l’idiot comme il exhibe un faites comme si je n’étais pas là. D. Cowl fait l’idiot comme il bricole le faites comme si je n’étais pas là de l’exhibitionnisme même. D. Cowl sollicite avec frénésie l’attention de chacun pour leur dire finalement « ne faites pas attention à moi, cela n’a pas la moindre importance. »

 

Le bégaiement de D. Cowl révèle une sorte de bricolage solipsiste. Le bégaiement de D. Cowl semble tourner autour d’un point quelconque du langage en ne cessant de désirer l’ajuster, le modifier, le corriger avec d’innombrables outils - tournevis de la langue, lime des lèvres, clou du nez, tenailles des mâchoires. Les traits du visage de D. Cowl deviennent alors des ustensiles, des outils de bricolage qui articulent des glissades de rictus, des farandoles de lapsus, des carambolages de subtiles inconséquences.

 

Il y a une coquetterie alcoolisée dans l’élocution de Darry Cowl. Il y a des circonvolutions anisées dans l’élocution de Darry Cowl. Il y a des circonlocutions alcoolisées, une coquetterie anisée dans l’élocution de Darry Cowl.

 

Le discours de Darry Cowl ne va pas nulle part. Le discours de Darry Cowl semble plutôt  avoir à chaque seconde un train d’avance et un terminus de retard ou à l’inverse un train de retard et un terminus d’avance. Le discours de D. Cowl s’emberlificote alors dans des cocasseries de subtilité, dans des courts-circuits d’élucubrations idiotes.