Sandrine Bonnaire

 

 

Il y a une détermination noble à la fois dans le visage et dans le corps de Sandrine Bonnaire. Il y a un courage et même une bravoure du jeu de Sandrine Bonnaire. Une générosité éveillée de ses gestes aussi. Bonnaire avance. Comme Depardieu, Bonnaire avance. Bonnaire avance à l’intérieur du plan, Bonnaire avance à l’intérieur de l’espace du plan.

 

Bonnaire avance à l’intérieur du plan sans se soucier de savoir si cela fait ou non progresser l’histoire. On verra bien. Et à chaque fois un morceau de bonté devient visible, un morceau  de bonté sensuelle devient visible.

 

Bonnaire joue ainsi comme Bonnard peint avec d’énormes coups de brosses brutaux d’une sensibilité ultra-subtile, d’une sensibilité ultra nuancée, d’une sensibilité ultra délicate.

 

 

Bonnaire dispose d’un pouvoir de vertu sobre et même banale. C’est pourquoi sa vulgarité même a un aspect tranquillement abdominal et débonnaire. Bonnaire donne à voir une sorte de vulgarité débonnaire en dehors de toute stupidité et de toute bassesse, une sorte de vulgarité paisible et noble. Bonnaire donne paradoxalement à voir une noblesse populaire, la noblesse du peuple.

 

M. de Chazal remarque dans la Vie Filtrée que la simple volonté d’une serveuse d’auberge sera toujours plus puissante que celle d’un empereur comme Napoléon. Il y a une humble volonté gigantesque de Bonnaire, une humble volonté indestructible de Bonnaire, celle de la liberté du peuple, celle de la liberté analphabète du peuple.

 

Bonnaire joue comme une analphabète débonnaire. Dans La Cérémonie de Chabrol, Bonnaire révèle avec une intensité superbe le mélange de jubilation et de honte, d’extrême jubilation et d’innommable honte d’un corps qui existe en dehors de l’alphabet, en dehors de la connaissance de l’alphabet, corps alors à la fois tremblant de hargne et resplendissant de moelleuse disponibilité.