Cher Boris,

 

 

(…) 

 

 

J'ai lu Fenêtre avec plaisir. Je vais essayer d'en faire une petite note de lecture, moins ambitieuse que celle de Julien bien sûr.

 

Bien à toi,

 

Laurent 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent,

 

 

 

Quelques Indices à propos de Fenêtre.

 

 

J’ai eu envie d’écrire ce texte après avoir entendu quelques phrases de Fuentes dans un documentaire de la série Un Siècle d’Ecrivains. Fuentes y évoquait le regard oblique à la fenêtre comme manière de faire coïncider plusieurs instants, comme manière de faire coïncider l’instant passé et l’instant présent, le temps du souvenir et le temps du présent (intuition qui serait à rapprocher de ce que Deleuze appelle l’image-cristal).

 

 

Pour le dire schématiquement il me semble que ce texte serait quelque chose comme un thème de Mallarmé « Vol ébloui de vitrage » « Que la vitre soit l’art, soit la Mysticité ! » réécrit à la manière de Tarkos. 

 

 

Le problème de l’anesthésie comme forme de la sensation. La fenêtre affirme en effet le paradoxe d’une sensation de l’anesthésie.

 

 

Le problème de l’écran. La fenêtre apparait comme écran de projection, écran de projection de la translucidité.

 

 

Le problème du suicide par défenestration. Pourquoi se jeter par la fenêtre ? c’est-à-dire le style du suicide de Deleuze.

 

 

La fenêtre apparait à la fois comme l’écran de gel de la sensation et l’écran de gel du vide. La fenêtre apparait à la fois comme l’écran de gel du vide de la sensation et l’écran de gel de la sensation du vide.  

 

 

 

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt              Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

Bonjour Laurent,

 

 

 

Un cinéaste post-surréaliste : Raoul Ruiz.

 

 

Quelques titres de films.

 

 

La Ville des Pirates

 

L’Eveillé du Pont de l’Alma

 

L’Œil qui Ment

 

Fado Majeur et Mineur

 

Trois Vies et une Seule Mort 

 

 

(…)

 

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt              Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

Cher Boris,

 

merci pour ces indices. Il faut vraiment que je reprenne mes notes, que je trouve le temps de me remettre à l'écriture d'un texte sur Fenêtre. Cela n'ira d'ailleurs pas forcément exactement dans le sens que tu indiques : la conception de l'anesthésie comme sensation, c'est un tel paradoxe qu'il va falloir le préparer... Pour Mallarmé, oui, j'avais d'ailleurs noté des choses dans ce sens : le "gel symboliste", le "transir", etc.
Mais en ce moment je suis plutôt obnubilé par mes sonnets. Il va falloir que j'en sorte, quand même ! A ce propos, je t'envoie le dernier état du manuscrit, parce que j'ai légèrement modifié le sonnet qui te concernait toi et Beck. Je ne sais pas encore si je le conserverai pour une édition future. (Et puis aussi parce qu'il y a une nouvelle fontaine dans ces sonnets...)
 

 

(…)

 

Merci aussi pour le nom de Raoul Ruiz.

 

Bien à toi,

 

Laurent  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

 

mise en ligne ce matin de mon compte rendu de Fenêtre :
J'espère que ça te conviendra. Il est bien sûr moins ambitieux et moins complet que le texte de Julien. J'ai vu ce dernier à Toulouse le week-end dernier, il exprime toujours la plus grande curiosité et le plus vif intérêt à ton endroit.

 

Bien amicalement à toi,

 

Laurent

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent,

  

  

Merci pour ton beau texte à propos de Fenêtre. Il y a beaucoup de trucs intéressants. Cela me plait. J’ai aussi le sentiment que l’article de Julien Starck à propos de A Oui t’a parfois aidé afin d’approcher Fenêtre de manière efficace.

 

 

(…)

 

 

Je t’envoie quelques phrases en réponse un jour prochain.   

 

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt              Boris 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Merci Boris.

 

Oui bien sûr le texte de Julien a pu m'aider, de même que nos échanges et parlotes à Angers.

 

(…)

 

Amitiés,

 

Laurent  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent, 

 

 

 

 

A propos de Fenêtre  

 

 

 

 

L’anesthésie c’est d’abord la forme d’un ravissement, la forme d’un ravissement hivernal, le ravissement du froid, le ravissement quasi immédiat du froid. Je me souviens par exemple de la syncope prodigieuse provoquée par l’injection d’un anesthésiant avant une opération chirurgicale. Ainsi l’anesthésie vient à la rencontre de la chair, l’anesthésie vient à la rencontre de la chair comme un immense bain froid. C’est une sensation inoubliable, quelque chose comme un plaisir de la paralysie, un orgasme du froid, une extrême volupté du froid. 

 

La fenêtre affirme ainsi la transe du froid, la transe heureuse du froid. Regarder par la fenêtre c’est apparaitre transi d’amour, transi de froid, transi d’amour du froid.   

 

 

Chaque flocon y est un glacier, 

 

Ah ça, j’aime beaucoup. C’est ma phrase préférée de l’article. Cela ressemble à du Jacqmin brutal, à du Jacqmin violent.  

 

 

Et il faudrait entendre dans cette fenêtre une sorte de contre-miroir mallarméen où la « translucidité » répondrait à la fixation mallarméenne,  

 

La fenêtre apparait en effet comme un miroir raturé, un miroir raturé à vide, un miroir raturé par vide, un miroir raturé par à vide c’est à dire aussi un miroir raturé à la fois à l’intérieur par le vide et autour par les murs, par l’adresse des murs, par l’adresse de la demeure.

 

La fenêtre comme table de dissection  

 

Oui, en effet. Et ce serait là une différence entre ma manière d’écrire et la manière d’écrire surréaliste. Je n’écris pas par associations d’idées. J’écris plutôt par associations de sensations, par association de sensations comme dissociations d’idées. La fenêtre serait ainsi une table des dissociations d’idées. La fenêtre serait à la fois une table des matières et une table des dissociations d’idées, une table des dissociations d’idées de la matière. La fenêtre apparait ainsi toujours déjà comme la table de dissection de la translucidité, la table de dissection de la translucidité en équilibre debout.  

 

 

l'an[alogie-syn]esthésie wolowiecienne relève bien plutôt d'une panesthésie, 

 

L’hypothèse est audacieuse. Elle me semble cependant inexacte. Ce que l’anesthésie de la fenêtre transit ce n’est pas une multiplicité de sensations, c’est plutôt le vide de la sensation.  Le texte de Fenêtre est en cela différent du texte de Chaise, il n’essaie pas d’affirmer une prolifération de la métaphore, il ressemble plutôt au texte Papier. Le texte essaie ainsi plutôt de dire la simple métaphore de la paralysie. L’écran de projection de la fenêtre apparait en effet extrêmement proche de l’écran de projection du papier. La fenêtre c’est l’écran de papier translucide des murs, l’écran de papier translucide de la maison. Je n’ai pas ainsi le sentiment que l’anesthésie soit une panesthésie, l’anesthésie apparait plutôt simplement comme un paradoxe de la sensation. 

 

 

L'anesthésie est une sensation sans complément, pure de tout contenu sinon de son adresse à l'inouï.  

 

La sensation-anesthésie est une sensation du vide de la sensation, une sensation envoyée « jusqu'à », en un geste purement intransitif, 

 

Oui, en effet, je trouve l’hypothèse élégante. L’anesthésie affirmerait la sensation de l’adresse, la sensation d’adresse au vide comme la sensation de vide de l’adresse, la sensation d’adresse au vide de l’inouï, c’est-à-dire la sensation de l’adresse au vide à l’intérieur de oui. 

 

 

La métaphore ne néantise pas, elle fait toujours apparaître, elle fait toujours tout ressentir comme une sensation, serait-ce celle du vide ou de la disparition :  

 

l'avalanche de génitifs. Tout est là d'un coup. 

 

Oui, la métaphore affirme. La métaphore affirme par transe. La métaphore affirme d’un seul coup. La métaphore affirme par la transe d’un seul coup. La métaphore affirme par la transe d’un seul coup de la sensation. Et de même le monde apparait toujours aussi d’un seul coup. La métaphore essaie ainsi de répondre au seul coup du monde. La métaphore essaie de répondre au seul coup du monde par le seul coup de la phrase, par le seul coup de la phrase de sensations.

 

 

Wolowiec étend le champ d'action de la métaphore à la pure abstraction. 

 

Malgré tout c’est précisément parce que je joue à métaphoriser des abstractions que ces abstractions apparaissent de manière impure. Le geste de la métaphore affirme ainsi des abstractions impures. Je métaphorise des abstractions précisément afin de détruire la pureté de la pensée, afin de détruire la pensée en tant qu’instance de pureté. Cette manière de vouloir détruire la prétention de pureté de la pensée est extrêmement importante. En effet étant donné que j’affirme déjà la valeur du sang et du destin, si j’y ajoutais aussi celle de la pureté, mon écriture risquerait alors de devenir quasiment fasciste. J’affirme ainsi plutôt l’apparition des phrases comme formes impures du sang c’est à dire comme gestes rituels du silence.

 

 

la métaphore touche tout et détruit toute catégorisation mais elle se détruit elle-même comme destruction  

 

Non, c’est inexact, ta formule a un aspect trop dialectique. La métaphore n’est pas destruction de la destruction. La métaphore apparait plutôt comme forme innocente de la destruction, comme forme insouciante de la destruction. La métaphore apparait comme une forme de destruction infinitive, celle du feu ou encore de l’élan animal, du bond bestial, du bond bestial de la dévoration. Ecrire par gestes de métaphores ce serait écrire comme manger, écrire comme le feu dévore, écrire comme manger avec les mains du feu, écrire comme manger par gestes du feu. Manger comme le feu, comme l’animalité du feu c’est aussi une manière d’esquiver la folie. « L’homme non fou et non pervers puise notamment sa capacité de juger dans sa faculté de discerner à quoi il participe lorsqu’il absorbe, et à quoi il participe lorsqu’il est absorbé. » P. Sloterdijk

 

l'intouchable lui aussi se dresse comme sensation tactile, en l'occurrence comme une parole christique qui à la fois incarne et éloigne absolument.

 

Oui, c’est exact. En cela j’essaierai d’écrire comme un Christ de la métaphore, un Christ de la métaphore immédiate, un Christ de la métaphore immédiate inconnue. Il apparait en effet évident que Fenêtre est un texte christique. J’essaie d’y inventer une forme de Christ esthète ou plutôt de Christ anesthète. Contempler par la fenêtre c’est devenir le Christ de l’anesthésie. Et écrire le texte Fenêtre ce serait quelque chose comme revenir du noli tangere du mourir.  

 

 

Paradoxe absolu, mais tout se passe comme si Wolowiec sentait, humait le monde avec des paradoxes. 

 

Oui, tu le sais déjà, j’ai toujours aimé la forme du paradoxe. C’est pourquoi Chesterton me plait autant. Le paradoxe c’est aussi ainsi que l’a très bien indiqué Barthes ce qui se tient à chaque instant en marge de la doxa. J’essaie sans doute de trouver une forme de coïncidence entre métaphore et paradoxe c’est à dire aussi une manière d’inventer des gestes à la fois de paraphore et de métadoxe. Métadoxe cela ressemble à un nom de drogue. Disons qu’écrire ce serait s’amuser à se faire des injections de métadoxe à l’intérieur des veines ou à l’intérieur des vertèbres, à l’intérieur des veines des vertèbres ou des vertèbres des veines. Cette manière d’affirmer la drogue est ainsi différente de celle de Baudelaire ou même de Michaux, je n’utilise pas la drogue afin de découvrir des images, je préfère plutôt me droguer avec les images que je trouve, avec les images que je trouve par l’exaltation de ma sobriété, par la saoulerie de ma sobriété, par la saoulerie de mon ascèse. C’est pourquoi Tournures de l’Utopie commence par exemple ainsi.  

 

La drogue soude le dehors des yeux. La drogue soude l’usage du ciel. La drogue soude l’usage du ciel comme dehors des yeux, avec le dehors des yeux, jusqu’au dehors des yeux. 

 

Souder l’usage du ciel. Souder le dehors des yeux. Souder l’usage du ciel comme dehors des yeux, avec le dehors des yeux, jusqu’au dehors des yeux.

 

 

Ici toucher et vision se rejoignent, se touchent et s'illuminent, sont à la fois contigus et éclairants, ils sont figés et explosifs, ils sont comme sertis ensemble dans la certitude de la fenêtre.

 

La certitude compose ainsi des bagues de clarté avec la suite des doigts. La certitude compose ainsi les bagues de doigts de la clarté, les bagues de doigts de l’extrême clarté, les bagues de doigts de l’éblouissement. 

 

 

 

C'est pourquoi elle est construite à la manière d'un dictionnaire ou d'un lexique dont A Oui serait en quelque sorte l'avant-propos, la table des matières éclatée. Chaque mot semble gros d'un livre à venir ou déjà advenu : Fenêtre venant après Nuages et Chaise, Table, Papier

 

Tu reprends ici en la modifiant un peu une idée de Claude Vercey, cette idée est pourtant inexacte. J’ai en effet le sentiment que La Posture des Choses et A Oui sont deux livres profondément distincts. La Posture des Choses répond en effet d’abord à l’œuvre de Ponge. A Oui répond plutôt à la globalité de la littérature (si j’ose cette formule un brin orgueilleuse). Si A Oui apparait comme une œuvre programmatique, une œuvre qui serait la première marche volcanique d’un escalier futur, c’est seulement plutôt comme celle de la suite des livres d’aphorismes (Tu Sauf, Hypothèse de la Démence, Extase du Monstre, Métamorphoses du Paradis et Sommeil Absolu). Là je serais d’accord. Cependant La Posture des Choses et A Oui ne sont pas composés de la même manière et selon les mêmes principes. A Oui essaie de poser un problème et même de projeter ce problème. La Posture des Choses apparait à l’inverse comme un livre beaucoup plus insouciant, comme si le problème avait déjà été superbement posé et par là même résolu par Ponge. Pour le dire très simplement il n’y a finalement qu’un seul problème, celui de la coexistence de l’homme et du monde. L’espace de l’insouciance serait celui où l’homme n’existe pas, celui où l’homme n’ennuie pas le monde en raison de ses soucis stupides. Evidemment malgré tout, pour rester honnête, même à l’intérieur de La Posture des Choses, l’instance de l’homme subsiste encore parfois, dans Chaise ou Fenêtre par exemple. (Et à chaque fois que l’homme subsiste parmi les choses il apporte avec lui l’angoisse de la mort dans la valise idiote de son cerveau.)

 

 

La difficulté apparente qu'il peut y avoir à lire les textes de Boris Wolowiec tient à ce qu'il fait un emploi particulier, idiosyncratique, de certains mots, comme s'il leur conférait une acception nouvelle dont lui seul posséderait la clé. 

 

il amputerait les mots de leur sens commun, de leur sémantisme hégémonique, pour rétablir la primauté de la sensation, de la sensationnalité des mots. 

 

C'est cette affirmation générale et comme azimutée qu'il faut admettre pour recevoir les textes de Wolowiec.

 

Ce que j’essaie en effet, ce n’est pas de révéler le sens des mots, de révéler le sens des mots en les employant avec plus ou moins d’habileté. Ce que j’essaie ce serait plutôt de montrer la forme des mots, la forme sensorielle des mots par le geste d’utiliser les mots avec une exaltation enfantine, par le geste d’utiliser les mots comme des jouets, comme les jouets de l’insouciance et de la tragédie, les jouets de l’insouciance tragique et de la tragédie insouciante. Je joue avec la forme sensorielle des mots comme une otarie jongle avec un ballon au sommet de sa tête et cela à l’intérieur même de la démesure de l’incendie. J’écris comme l’otarie du séisme, comme l’otarie d’insouciance tragique du séisme. (L’aspect azimuté des phrases c’est aussi celui du museau de l’otarie, celui des frémissements du museau de l’otarie, celui des frémissements de terreur du museau de l’otarie, celui des frémissements de terreur heureuse de la bouche du crâne de l’otarie, de la bouche du crâne de l’ours-otarie, de la bouche du crâne de l’escargot-otarie, de la bouche du crâne de l’ours-escargot-otarie. L’azimut survient ainsi comme la forme exaltée d’un salut. L’azimut survient comme une manière exaltée de saluer les métamorphoses magnifiques de la catastrophe. ) 

 

Chaque notion semble adossée à une bibliothèque de sensations,

 

Oui, en effet la formule me plait. C’est comme si j’essayais de transformer ma chair en  archives de mes sensations, en espace d’archives de mes sensations. Je n’essaie pas de mémoriser les sensations à l’intérieur du cerveau. J’essaie plutôt d’archiver les sensations à l’intérieur même de la chair, à l’intérieur de la mosaïque de la chair, à l’intérieur de la mosaïque de silence de la chair, à l’intérieur de la mosaïque de chair du silence, à l’intérieur de la bibliothèque de chair du silence. 

 

 

l'image n'est pas le rapprochement – logique ou surlogique – de réalités éloignées, elle n'est pas le résultat d'une manipulation rhétorique ou d'une manœuvre de la pensée, elle est – ou prétend l'être – le témoignage d'une synthèse primaire,

 

Le mot de témoignage me semble ici inexact. Tu le sais, j’avais déjà par exemple écrit cette phrase à l’intérieur de Tu Sauf.

 

Ignorer la sensation est une ignominie. Témoigner de la sensation est une stupidité. Il apparait simplement préférable d’affirmer la sensation.

 

J’ai en effet le sentiment que le problème éthique de l’aphorisme c’est précisément celui de savoir affirmer sans témoigner, de savoir inventer une forme d’affirmation en dehors du témoignage. Ecrire par aphorismes ce n’est pas témoigner d’une expérience, ce n’est pas témoigner d’une expérience vécue. Ecrire par aphorismes ce serait plutôt affirmer des formes d’existence, ce serait affirmer des formes d’existence par projections de phrases immédiates, par projections de phrases inconnues, par projections de phrases immédiates inconnues. Celui qui écrit par aphorismes refuse de témoigner devant la loi du langage. Celui qui écrit par aphorismes chamaniques préfère acquiescer aux règles rituelles du silence, aux règles rituelles de la matière, aux règles rituelles du silence de la matière.

 

 

l'anesthésie est une sensation comme une autre ; le vide et le tabou sont aussi des sensations capables d'apparaître dans le cadre de la fenêtre, dans son espace d'affirmation.

 

Oui en effet, il existe une sensation du tabou. Et cela simplement parce que le tabou apparait comme une forme matérielle. (L’interdit à l’inverse est spirituel et même langagier, c’est l’interstice du dit.) Le tabou c’est le veto de la métamorphose. Il existe un tabou matériel parce que la matière ne se métamorphose pas n’importe comment, parce que n’importe quoi ne se métamorphose pas en n’importe quoi. Le tabou c’est la règle rituelle de la matière, c’est la règle rituelle des flux de la matière, la règle rituelle des métamorphoses de la matière.

 

Les formes de la matière se métamorphosent en effet par le geste de suivre des règles rituelles. C’est ce que J. Baudrillard à l’intérieur des Stratégies Fatales nomme magnifiquement la cérémonie du monde. « La cérémonie est l’équivalent de la fatalité. Enchainement extatique comme celui du jeu : la cérémonie n’a pas de sens, elle n’a qu’une règle ésotérique. Et elle n’a pas de fin, puisqu’elle est initiatique. » « C’est dans l’art que s’est préservé quelque chose de la puissance cérémoniale initiatique. (…) C’est là que s’est conservée une stratégie des apparences, c’est-à-dire une maitrise des apparitions et des disparitions, et en particulier la maitrise sacrificielle de l’éclipse du réel. » « Les cérémonies étaient faites pour régler les apparitions et les disparitions. Ce qui a toujours fasciné les hommes, c’est le double miracle de l’apparition des choses et de leur disparition. Et ce qu’ils ont toujours voulu préserver, c’est la maitrise de celles-ci et de leur règle. »

 

Le tabou donne à sentir les règles rituelles de la matière. Le problème du tabou c’est ainsi celui de la suite des choses. Le tabou donne à sentir l’anesthésie de la suite des choses, l’éclat d’anesthésie de la suite des choses, la clarté d’anesthésie de la suite des choses, l’éclair d’anesthésie de la suite des choses.

 

 

des mots-outils comme « à », « ainsi », « c'est-à-dire » sont substantivés et peuvent très bien s'inscrire dans la chaîne des génitifs, soit qu'ils sont à prendre à la lettre soit au contraire qu'ils vident les mots voisins de tout contenu de sens.

 

Ce serait à rapprocher de ce que dit aussi Julien Starck à l’intérieur de son étude à propos de A Oui.

 

La préposition joue comme vide de la phrase, point d’immobilité, point d’immobilité du vide de l’immédiat par où le logos est désossé.

 

 

« Le poète recrée donc une sémiologie nouvelle, par des assemblages nouveaux et libres de mots. À son tour le lecteur-auditeur se trouve en présence d'un langage qui échappe à la convention essentielle du discours. Il doit s'y ajuster, en recréer pour son compte les normes et “le sens”.»   Benveniste

 

Etant donné mes réticences envers la notion de signe, cette citation de Benveniste a l’aspect d’une subtile provocation. Je l’accepte cependant volontiers. J’ai en effet toujours considéré Benveniste comme un sage, une sorte de Bachelard de la sémiologie.

 

À ce titre il serait une espèce de Simenon de la métaphysique.

 

Je trouve la formule surprenante. Je n’ai pas assez lu Simenon pour savoir si elle est exacte. Je sais simplement que la formule m’amuse. Et si un jour mes livres deviennent aussi populaires que ceux de Simenon, j’en serais heureux. Il me semble cependant que la civilisation devrait quand même beaucoup se modifier afin que A Oui apparaisse alors disponible en abondance à l’intérieur des gares, des aéroports et qui sait des stations spatiales. Malgré tout il serait agréable de pouvoir lire A Oui à proximité de Saturne.   

 

 

(…) 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt              Boris