Bonjour Laurent, 

 

 

 

Je t’envoie le texte à propos de Malcolm de Chazal. Il y a aura encore sans doute quelques modifications. J’ajouterai peut-être quelques citations de Sens Plastique, et j’en enlèverai à l’inverse d’autres de La Vie Filtrée. Je trouve en effet le texte parfois laborieux et maladroit. Je sais cependant que j’ai globalement essayé de dire ce qui me semblait important.

 

 

Je serais heureux si tu parvenais à me dire avec précision quel est ton sentiment à propos de ce texte. Et il me semble qu’il serait alors intéressant que tu essaies de dire toi aussi comment tu approches et considères l’œuvre de Chazal.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt              Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

Merci Boris pour ce texte. Je l'ai imprimé et j'ai commencé à le lire. J'en suis exactement à cette phrase qui m'a arrêté : "l'orgie tératologique des réponses arborescentes de la chair à elle-même." Bien sûr. C'est ça. Génie monstrueux que Chazal, génie monstruant. Cela me fait songer qu'on pourrait aborder son œuvre (de manière plus restreinte et restrictive sans doute mais qui ne serait peut-être pas sans intérêt) en voyant que chez lui un frein a sauté, une censure est détruite qui chez tout autre que lui empêche la synesthésie affolée qui le caractérise. Là où d'autres doivent élaborer, construire une synthèse pour saisir ensemble les contraires sensoriels, pour surmonter l'opposition et la localisation des sens, lui, naturellement et originairement, perçoit de façon synthétique. En ce sens, Chazal n'est-il pas... fou ? (je ne sais pas, je me pose la question)

 

Tu as raison de souligner, au début de ton texte, que Chazal est (ou devrait être) aussi fondateur d'une modernité que le sont Mallarmé, etc. S'il ne l'est pas, dans les faits, et tu le dis aussi, c'est sans doute parce qu'il est hors catégorie, hors littérature.

 

Bon je vais lire la suite de ton texte dès que j'aurai un peu de temps.

 

(…)

 

Bien à toi,

 

Laurent 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent, 

 

 

 

Je n’ai pas le sentiment que Chazal était fou. Ce qui est certain c’est que Chazal affirmait avec netteté qu’il ne l’était pas. « Le génie, (…) est l’homme qui dépasse le social, passe par cette zone où il peut devenir fou et dépasse cette zone dangereuse pour arriver à une supralucidité. De cette zone, il ne peut jamais devenir fou. (…) Le docteur Velin s’est servi d’un terme pour mon cas, qui n’est ni le fou, ni le lucide, mais l’antifou : l’homme qui ne peut plus devenir fou, parce qu’il a dépassé la zone de la folie. » La manière de Chazal d’approcher le monde apparait ainsi comme une manière profondément asociale malgré tout elle n’est pas le signe d’une aliénation et elle ne suscite pas non plus la moindre souffrance psychique. Ce serait la grande et importante différence entre Chazal et Artaud. 

 

 

Je dirais ainsi plutôt que Chazal délire sans être jamais fou. Et son délire ainsi que tu le dis apparait en effet comme un délire de synthèse sensorielle immédiate, de synthèse sensorielle instantanée, c’est à dire un délire de synthèse sensorielle paradisiaque. « Dans le paradis terrestre l’homme avait la connaissance infuse, parce qu’il y avait synthèse. » 

 

 

Le délire de Chazal c’est d’essayer d’affirmer le corps du Christ comme chair paradisiaque, comme chair paradisiaque du cosmos. Le délire de Chazal c’est d’essayer de contredire la folie chrétienne du péché originel. En effet pour le dire schématiquement, selon la religion chrétienne, il y a une sorte de retard du Christ. Selon la religion chrétienne, Adam et Eve sont exclus du paradis et le Christ ne vient qu’ensuite sauver les hommes sur la terre. Selon la religion chrétienne, le Christ n’a donc pas l’audace de venir immédiatement au paradis pour y sauver Adam et Eve. Ainsi selon la religion chrétienne, Dieu est à la fois lumière et verbe au paradis, cependant Dieu ne s’incarne pas au paradis. Ce à quoi Chazal rêve, ce serait ainsi à un Christ paradisiaque. Ce à quoi Chazal rêve, la forme même de son délire, ce serait à un Christ qui apparaisse au paradis, à un Christ qui soit présence même du paradis. Ainsi si le corps du Christ et la présence du paradis deviennent une seule et même chose, Adam et Eve ne sont pas exclus du paradis, ils apparaissent sauvés à l’intérieur du paradis même, ils apparaissent sauvés par le paradis, par le Christ-paradis même. Le délire de Chazal c’est ainsi simplement une forme d’hérésie chrétienne, celui d’affirmer l‘existence d’un Christ-cosmos, d’un Christ-cosmos paradisiaque. Pour Chazal le Christ n’annonce pas ou ne promet pas un paradis à venir. Pour Chazal, le Christ incarne le paradis, la présence du Christ incarne la présence du paradis, la présence du paradis sur la terre. 

 

 

Ce problème de l’absence du Christ à l’intérieur du paradis, je l’ai aussi évoqué à l’intérieur d’Extase du Monstre. Pour le dire une fois encore schématiquement, je ressemble ainsi à Chazal par le geste d’essayer d’inventer une forme de délire sensoriel paradisiaque et je diffère cependant de Chazal parce que je n’ai pas le sentiment que le corps du Christ soit strictement identique à la présence matérielle du paradis. 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt              Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

 

oui bien sûr tu as raison : Chazal n'était pas fou, ou alors c'était un fou sans souffrance, donc pas un fou.

 

Dis-moi, est-ce que Julien t'a envoyé son texte sur A oui ? Je le trouve très bon. Enfin quelqu'un a pris la peine de faire une lecture approchée de ton chef-d’œuvre, quelqu’un a su entrer dans tes pas pour voir combien le bouleversement de la métaphysique et la refondation de l'entendement humain (pardon pour les grands mots) étaient inhérents à ton projet, et pour l'exprimer avec justesse je trouve (en tout cas je n'aurais pas su dire ce qu'il a dit là). Je suis impressionné par son travail, par son assimilation des enjeux de ton écriture.

 

(…)

 

Amitié,

 

Laurent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent, 

 

 

 

Julien Starck m’a envoyé son texte à propos de A Oui. Je trouve cela en effet magnifique.  

 

(…) 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt              Boris