Bonjour Laurent, 

 

 

 

Je t’envoie un ample extrait de Marges de Sens Magique. 

 

 

Avec le souhait que cette lecture ressemble à une aérienne promenade en hors-bord, à savoir à un bondissant vagabondage en bordure du dehors.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                        A Bientôt                    Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

 

merci de tes Marges de Sens Magique.

 

Justement ça m'a remis le nez dans Malcolm et j'ai pu terminer ce week-end mon article pour le cahier Europe. Le voici en pièce jointe. Suis curieux d'avoir ta réaction bien sûr.

 

(Je ne suis pas très content de mon texte mais on est de toutes façons toujours en dessous de Chazal, il faut s'y résoudre.)

 

(…)

 

Bien amicalement à toi,

 

Laurent

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent, 

 

 

 

Ton texte à propos de Chazal est plutôt cohérent même s’il manque en effet parfois un peu d’audace. Il me semble que cette étude prolonge principalement celle de La Clef des Champs d’André Breton, en particulier l’insistance à propos de la volupté. « La clef même d’une telle œuvre - clef que Malcolm de Chazal a d’ailleurs bien voulu laisser sur la porte - réside dans la volupté, au sens le moins figuré du terme, envisagée comme lieu suprême de résolution du physique et du mental. » Je nuancerais malgré tout la formule de Breton, et je dirais plutôt que ce que montre Chazal c’est précisément la force de figuration de la volupté, les figures de style de la volupté, les figures de style immédiates de la volupté. L’œuvre de Chazal montre que c’est toujours le plaisir qui parvient à figurer. L’œuvre de Chazal montre comment le plaisir symbolise. L’œuvre de Chazal montre ainsi que jouir à la fois sensuellement et sexuellement de la présence du monde apparait comme la seule manière efficace de symboliser la présence du monde. 

 

 

Il y a aussi cette remarque évocatrice à propos de l’ombre.  l’ombre est bien ce lieu rempli d’attente opacifiée,  

 

Je ne sais pas si tu t’en souviens, il y a des formules intéressantes de Chazal à propos de l’ombre à l’intérieur d’Apparadoxes. « L’ombre (…) présente le cœur de la terre qui palpite avec le soleil et la respiration de nos horizons. (…) Et ce que l’ombre dit, c’est que le soleil et la terre sont réunis par le sens de la nuit, CORPS D’ECLIPSE, expliquant tous les horizons. » 

 

 

L’écrivain mauricien vivait son insularité comme un moyen d’accès au cosmos. Cette circularité des choses à l’intérieur d’elles-mêmes est l’intensification qui va permettre de percer l’univers et son secret. 

 

A propos de l’ile il y a le texte magnifique de Deleuze intitulé L’Ile Déserte (à l’évidence inspiré par l’amitié de Deleuze pour Michel Tournier).  

 

« Ce n’est plus l’ile qui est séparée du continent, c’est l’homme qui se trouve séparé du monde en étant sur l’ile. Ce n’est plus l’ile qui se crée du fond de la terre à travers les eaux, c’est l’homme qui recrée le monde à partir de l’ile et sur les eaux. » « Conscience de la terre et de l’océan, telle est l’ile déserte, prête à recommencer le monde. » 

 

 

 

comme si la brisure était précisément le signe du signe sur la chose, ce stigmate et cette malédiction de la désolidarisation d’avec soi-même : « La roche / Se cassa / En deux / Pour connaître / Son cri. » 

 

Oui, en effet, ce serait à rapprocher d’une phrase de G. Braque « Les bords de la vérité sont toujours déchiquetés. » C’est le problème de la forme saxifrage de l’existence (et même qui sait de sa forme saxiphrase).  

 

 

Un dernier truc. As-tu déjà lu des livres de Raymond Abellio ? 

 

Je viens en effet de découvrir cette formule de Raymond Abellio à propos de Malcolm de Chazal : « Malcolm de Chazal joue au poker avec le monde. » 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                        A Bientôt                    Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

 

et moi qui pensais être particulièrement audacieux en faisant de Chazal un tautologue ! (il n'y a pas cette idée dans le texte de Breton, je ne crois pas). Mais il en faut plus pour te paraître audacieux et c'est sans doute pour toi une évidence, justement.

 

Merci pour l'étonnante formule de Raymond Abellio à propos de Chazal. Je n'ai pas lu Abellio. J'ai en tête de le lire depuis longtemps mais je ne m'y suis pas encore attaqué. Ce qui me retient je crois c'est l'impression que je vais rencontrer une pensée ésotérique un peu doctrinaire et manquant d'élan poétique mais c'est un a priori qu'il faudrait aller vérifier.

 

Bien à toi,

 

Laurent