Bonjour Laurent,

 

 

Je viens de retrouver ces phrases de Paul Virilio à l’intérieur d’un numéro des Cahiers du Cinéma à propos du film vidéo La Quatrième Dimension de Zbigniew Rybczinski.

 

« J’ai vu, un jour un clown, (…) qui faisait une pitrerie très rapide, qui faisait rire tout le monde et ensuite qui répétait sa pitrerie au ralenti et il y avait un deuxième rire car il y avait un deuxième gag dans son premier gag. C’était le temps, la vitesse du gag qui faisait, la première fois, disparaitre le second. Ce clown était capable de démontrer qu’il y avait donc deux gags en un : ça c’est la quatrième dimension. » 

 

Si ainsi que Barthes le pensait, la métaphore apparait comme une forme proche du gag, il serait alors intéressant de savoir s’il y a des phrases qui parviennent à affirmer deux rythmes de métaphores en même temps, une métaphore rapide et une métaphore lente, des phrases où la métaphore lente serait ainsi comme enchâssée à l’intérieur de la métaphore rapide. (Il me semble qu’il y a parfois cela à l’intérieur de l’écriture de Pierre Peuchmaurd.)  

 

 

 

                                                                                                           A Bientôt                  Boris

 

 

 

 

 

 

 

Oui c'est intéressant ces deux régimes de vitesse pour la métaphore. Il faudrait un exemple chez Pierre Peuchmaurd. Tu en aurais un ? Déjà je crois pouvoir dire qu'il y a chez lui deux sortes d'images : une qui relève de l'écriture automatique (ou semi-automatique), gratuite et rapide, et une autre plus sombre, mélancolique, lente.

 

(…)

 

Bien à toi,

 

 

Laurent

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent,

 

 

Voici quelques exemples de métaphores lentes-rapides (ou rapides-lentes je ne sais) chez Pierre Peuchmaurd.

 

« C’est très facile à suivre, il y a du sang partout. »

 

« Une armoire de silence bat dans chaque ciel d’orage. »

 

« L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale. »

 

Je ne suis pas certain cependant que cette hypothèse (cette intuition hypothétique) soit acceptable. Peuchmaurd indique en effet à l’intérieur de ses entretiens qu’il est plutôt réticent envers la lenteur. « Il y a un mot merveilleux de Picabia, qui dit « La lenteur ne fait pas partie de la connaissance. » » Tu me diras quel est finalement ton sentiment à ce propos.

 

 

J’ai lu aussi le texte intitulé L’Année Dernière à Cazillac qui se trouve à l’intérieur de l’ensemble de textes que tu as choisi pour ton étude à propos de Peuchmaurd. C’est le texte de Peuchmaurd que pour l’instant je préfère. Je trouve cela émouvant et beau. Ceci par exemple « La cigarette est son unité de temps. Il dit toujours : « Je lis une cigarette », ou « Je vais marcher une cigarette », ou simplement « Je finis ma cigarette (dès qu’on lui demande de faire quelque chose). » ou encore ceci « Le soir, il attend le ciel du soir, les bandes vertes, rouges, bleu sombre sur la crête des collines. Ça lui déchire le cœur, il aime bien. C’est dans ces moments qu’il sait ce qu’il fait ici : il se déchire le cœur - et parfois entrevoit des choses métaphysiques. » ou encore cela « Son corps, c’est sa bibliothèque. (…) Il croit qu’un livre ne se perd jamais. Il croit que rien ne se perd. « Même le temps » propose-t-il. » Et enfin cela  « On a mis de vieux chevaux dans le pré communal. Il regarde les chevaux. Les chevaux ne font rien. Il est comme les chevaux, qui le regardent aussi. »

 

Le rythme du lent-rapide ou du rapide-lent ce serait alors celui de la cigarette. Ecrire une phrase comme fumer une cigarette. Et qui sait même le rythme du cheval-cigarette c’est à dire le rythme du sagittaire. La métaphore apparait ainsi comme le geste de fumer le cheval-cigarette de la phrase, comme le geste de fumer le silence sagittaire de la phrase, le temps sagittaire de la phrase, le silence de temps sagittaire de la phrase.  

 

 

 

                                                                                                           A Bientôt                  Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

oui pourquoi pas lire ces images avec cette idée d'une tension entre lenteur et vitesse. J'appellerais ça plutôt sa tension entre mélancolie et humour, ou entre hypersensibilité et distanciation, qu'on voit à chaque instant chez lui : " Ça lui déchire le cœur, il aime bien."

Pour l'anecdote, Pierre, assez curieusement, appréciait les retransmissions de grands prix de Formule 1 à la télévision. Il m'est arrivé de regarder avec lui un tel spectacle. Il valorisait la vitesse plutôt que la lenteur, en tout cas.

 

Bien à toi,

Laurent

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent,

 

 

Et je t’envoie enfin Rhapsodie avec Pierre Peuchmaurd.

 

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt               Boris

 

 

 

 

 

 

 

Rhapsodie avec Pierre Peuchmaurd

 

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Une armoire de silence bat dans chaque ciel d’orage.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Une armoire de silence bat dans chaque ciel d’orage.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

L’ange cannibale ne mange que l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Une armoire de silence bat dans chaque ciel d’orage.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Une armoire de silence bat dans chaque ciel d’orage.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Je jongle avec mes os comme avec des bijoux.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Je jongle avec mes os comme avec des bijoux.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Je jongle avec mes os comme avec des bijoux.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Une armoire de silence bat dans chaque ciel d’orage.

Je jongle avec mes os comme avec des bijoux.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

La falaise s’ouvre comme un livre.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

La falaise s’ouvre comme un livre.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Je sais comment marcher une cigarette.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

Je sais comment marcher une cigarette.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Je sais comment marcher une cigarette.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Je sais comment marcher une cigarette.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

Je sais comment marcher une cigarette.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Je sais comment marcher une cigarette.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.

 

C’est très facile à suivre, il y a du sang partout.

Mon corps, c’est ma bibliothèque.

La falaise s’ouvre comme un livre.

Je sais comment marcher une cigarette.

L’ange cannibale ne mange que de l’ange cannibale.