Divagations de la Méthode 006 

 

 

 

Bonjour Laurent, 

 

 

 

« Il n’y a rien de plus génial que l’intuition de Karl Barth selon laquelle la vérité est de nature météorique. »  Sloterdjk

 

Je dirais malgré tout plutôt. La certitude apparait de manière météorique. La certitude apparait comme météore de l’ainsi. La certitude apparait comme le météore de l’ainsi ça. La certitude apparait comme météore du miracle. La certitude apparait comme météore de miracle de l’ainsi, comme météore de miracle de l’ainsi ça. La certitude apparait comme météore de l’inconnu. La certitude apparait comme météore de miracle de l’inconnu. La certitude apparait comme météore de miracle inconnu de l’ainsi, comme météore de miracle inconnu de l’ainsi ça. 

 

 

« Toute profondeur est involontaire. »  Sloterdjk

 

La profondeur donne à sentir la volonté de l’inconnu. La profondeur donne à sentir la volonté d’abstraction de l’inconnu. 

 

 

L’abstraction affirme le geste de tracer l’absolu. L’abstraction affirme le geste de transformer l’absolu en trait, en inscription. L’abstraction affirme le geste de raturer l’absolu, de raturer l’absolu à vide, de raturer l’absolu à la fois à l’intérieur du vide et par le vide. L’abstraction affirme le geste de raturer l’absolu à blanc, de raturer l’absolu à la fois à l’intérieur du blanc et par le blanc. 

 

 

 

« Ce qui est mystique, ce n’est pas comment est le monde, mais le fait qu’il est. » Wittgenstein 

 

Je dirais plutôt. Ce qui apparait mystique c’est à la fois que le monde existe et qu’il se métamorphose à chaque instant. Ce qui apparait mystique c’est à la fois que le monde existe et que ce qui maintient l’existence du monde c’est sa métamorphose même. Ce qui apparait mystique c’est à la fois que le monde existe et que la métamorphose à chaque instant du monde affirme son existence. « Tant de choses viennent / tant de choses s’en vont, / Et pourtant le monde demeure ! » Emily Dickinson  

 

 

« C’est le monde du donné une fois pour toutes, du «  c’est ainsi » - la nécessité y est infinie - l’originalité et le hasard y ont une part nulle. Tout y est monotone. »  A. Camus à propos de Spinoza.

 

Je dirais plutôt. Le monde de l’ainsi apparait comme le monde donné une fois à jamais. Le monde de l’ainsi apparait comme le monde donné et redonné à chaque instant, comme le monde donné et redonné à chaque instant à jamais A l’intérieur du monde de l’ainsi, la nécessité apparait transfinie, la nécessité apparait en dehors du fini et de l’infini à savoir transfinie. L’originalité et le hasard y surviennent malgré tout. L’originalité et le hasard surviennent à l’intérieur du monde de l’ainsi comme formes de la monotonie, comme formes paradoxales de la monotonie. 

 

 

Savoir comment allier le paradoxe et la monotonie. Inventer l’alliance du paradoxe et de la monotonie c’est d’abord ainsi sentir la forme paradoxale de la monotonie même. La monotonie apparait paradoxale parce qu’elle montre la multiplicité des rythmes du temps, le tas de rythmes du temps, le tas de rythmes multiples du temps. 

 

 

Quand j’écris j’élabore les tonnes de l’étonnement. Quand j’écris j’élabore les tonnes de la monotonie. Quand j’écris j’élabore les tonnes d’étonnement de la monotonie, les tonnes de monotonie de l’étonnement. 

 

 

 

Une apologie de l’exagération par Bachelard. 

 

« Et comment accueillir une image exagérée, sinon en l’exagérant un peu plus, en personnalisant l’exagération, aussitôt, le gain phénoménologique apparait : en prolongeant l’exagéré, on a en effet quelque chance d’échapper aux habitudes de la réduction. »

 

« Une philosophe de l’imagination doit donc suivre le poète jusqu’à l’extrémité de ses images, sans réduire jamais cet extrémisme qui est le phénomène même de l’élan poétique. »

 

« Le phénoménologue (…) prend l’image telle qu’elle est, telle que le poète la crée et il essaie d’en faire son bien, de se nourrir de ce fruit rare. Il porte l’image à la frontière même de ce qu’il peut imaginer. » 

 

 

« Chaque objet du monde est un germe de monde. »  G. Bachelard 

 

 

 

Le métabole apparait comme un métasymbole, un métasymbole de la chair. La métabole  affirme la chose comme métasymbole. La métabole affirme la chair comme métasymbole. La métabole affirme la chose de la chair comme métasymbole, La chose de la chair se métasymbolise comme métabole de l’ainsi, comme métabole de l’ainsi ça. Cette métasymbolisation de la chair serait ainsi qui sait comparable à ce que Bachelard appelle la sublimation absolue. « Nous pouvons dégager à propos des images poétiques, une sphère de sublimation pure, d’une sublimation qui ne sublime rien, qui est délestée de la charge des passions, libéré de la poussée des désirs. En donnant ainsi à l’image poétique de pointe un absolu de sublimation, nous jouons gros sur une simple nuance. Mais il nous semble que la poésie donne des preuves abondantes de cette sublimation absolue. » 

 

 

 

Affirmer le désespoir comme dimension du monde. Affirmer le désespoir comme dimension d’inconnu du monde. Le désespoir apparait ainsi comme une forme de grâce. (Cette grâce du désespoir c’est par exemple celle de Cioran.) 

 

 

L’humour c’est le jeu de savoir descendre (Deleuze). L’humoriste apparait ainsi comme celui qui se tient au sommet du désespoir, au sommet des cimes du désespoir (Cioran) afin de s’amuser ensuite à en descendre, afin de s’amuser ensuite à en descendre de la manière qui lui plait. L’humoriste c’est celui qui s’autorise des gamineries au sommet de l’Himalaya et à l’inverse aussi de prodigieuses solennités à l’intérieur de situations banales. 

 

 

Il y a un humour par naïveté de Chazal, un humour comme frime de la naïveté, comme mégalomanie de la naïveté, comme frime mégalomane de la naïveté, un humour comme frime de l’innocence, comme mégalomanie de l’innocence comme frime mégalomane de l’innocence. 

 

 

« L’intelligence allonge les bras du compas du cerveau, mais seule l’intuition, cette faculté qui enjambe, ouvre les branches de ce compas. A quoi cela servirait-il à l’homme de disposer de bras gigantesques, si ces bras devaient être tout le temps collés au corps ? »  Chazal 

 

 

 

« Un tiroir vide est inimaginable. Il peut seulement être pensé. »  Bachelard 

 

 

« Le monde est plein de fausses analogies, il ne se passe pas un jour sans que croisse la montagne d’ordures des comparaisons ratées. » Sloterdjk

 

Je n’ai pas l’impression qu’il y ait ainsi que le pense Sloterdjk une sorte de trop-plein ou de de dépotoir des comparaisons ratées. Je pense plutôt que ce qui hante et suffoque notre époque ce serait la pollution des comparaisons non-dites, la pollution des comparaisons inaccomplies. En effet nous vivons une époque où la métaphore est sans cesse interdite, une  époque où l’interdit de la comparaison règne. Il est par exemple désormais à la fois obligatoire de respecter les animaux et interdit de comparer un homme à un animal. Autrement dit les animaux doivent être respectés en tant que concepts ou en tant qu’idées jamais cependant comme images ou comme formes. Et de même l’homme doit être respecté en tant que concept ou en tant qu’idée mais jamais comme image ou comme forme. 

 

 

« Existe-t-il une noyade sèche due aux phrases non-dites ? »  Sloterdjk

 

Et à l’inverse existe-t-il un feu fluide et même un feu de fraicheur, un feu de fraicheur fluide provoqué par les phrases dites, provoqué par les phrases dites à l’instant exact ? 

 

 

 

« J’aime mieux les hommes engagés que les littératures engagées. Du courage dans sa vie et du talent dans ses œuvres, ce n’est déjà pas si mal. (…) Il parait qu’écrire aujourd’hui un poème sur le printemps serait servir le capitalisme. Je ne suis pas poète mais je me réjouirais sans arrière-pensée d’une pareille œuvre si elle était belle. On sert l’homme tout entier ou pas du tout. Et si l’homme a besoin de pain et de justice, et s’il faut faire ce qu’il faut pour satisfaire ce besoin, il a besoin aussi de la beauté pure, qui est le pain de son cœur. » « Si tout se réduit vraiment à l’homme et à l’histoire, je me demande où est la place : de la nature - de l’amour - de la musique - de l’art. »   A. Camus 

 

 

« Si les grecs ont formé l’idée du désespoir et de la tragédie, c’est toujours à travers la beauté, et ce qu’elle a d’oppressant. C’est une tragédie qui culmine. Au lieu que l’esprit moderne a fait son désespoir à partir de la laideur et du médiocre. »   A. Camus 

 

 

 « Il ne peut y avoir de dialectique de la matière, la dialectique suppose le logos et la pensée. Une dialectique n’est possible que de la pensée et de l’esprit. »   Berdiaev  

 

 

« La philosophie allemande a mis un mouvement dans les choses de la raison et de l’Univers - alors que les anciens y mettaient une fixité. On ne dépassera la philosophie allemande - et l’on ne sauvera l’homme- qu’en définissant ce qui est fixe et ce qui est mobile (et ce dont on ignore s’il est fixe ou mobile).  »   A. Camus 

 

 

 

Tu écris comme un baroque stoïcien. 

 

 

Tu as aussi un aspect apothicaire du pléonasme, apothicaire laconique du pléonasme. Le laconisme à savoir l’aptitude à tenir un lac à l’intérieur d’un cône. 

 

 

 

Il y a parfois encore une indifférence rêveuse de ton caractère, l’indifférence à savoir le sentiment du pareil au même.  Par quel long chemin d’indifférence entre tout, la chose s’en va du pareil au même 

 

 

Hello est une sorte de polémiste neutre, de pamphlétaire diaphane. Hello pense presque comme Bloy, cependant son style est sans violence, son style est incroyablement limpide et posé. Hello pense comme Bloy et il écrit pourtant comme Joubert, avec une netteté limpide comme Joubert. 

 

 

« Le blason proprement dit était bien entendu l’apanage d’une élite. Mais dans une certaine mesure, il était également une sorte d’héraldique plébéienne, puisque les boutiques, aussi bien que les châteaux, n’étaient pas désignés par des noms mais par des emblèmes. »   Chesterton 

 

 

« « Ce me semble rouge » - « Et comment est le rouge ? » - « Ainsi. » Et ici, on doit indiquer le bon échantillon. »  Wittgenstein.

 

Ceci me semble rouge. Mais quelle apparence a-t-on ainsi décrite ? L’apparence d’une surface rouge. Mais comment est-ce quand c’est rouge ? Justement comme ce qu’on vient de montrer ! Ce qui semble rouge semble être ce qu’est ce qui est comme ce qui semble rouge. Ce qui semble rouge est comme rouge, est exactement comme il serait s’il était rouge. » 

V. Descombes, Grammaire d’Objets en tous genres. 

 

 

Un jeu de mot de Joyce indiqué par Mc Luhan : réel et reel, la bobine en anglais. Il y aurait ainsi une bobine du réel. Ce qui embobine le réel, c’est le cinéma. Ce qui embobine en abyme le réel c’est le cinéma. 

 

 

Une question à propos du cinéma. Y’a-t-il pour toi un cinéma de la tautologie, un cinéaste de la tautologie ? Y’a-t-il pour toi un cinéaste qui parvient à donner à voir la tautologie des choses ou même la tautologie du monde ? J’ai le sentiment que le seul qui y parvienne parfois c’est Ozu. 

 

 

 

Affirmer à la fois l’ouverture du oui et la fermeture du non. Affirmer à la fois la fermeture du oui et l’ouverture du non. Savoir à la fois s’ouvrir et se fermer dans tous les sens. Seule la fleur sait à la fois s’ouvrir et se fermer dans tous les sens.

 

 

« Il est des choses qu’on ne retient que parce qu’elles n’ont aucun rapport avec quoi que ce soit. »   E. Canetti 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                           A Bientôt                 Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris, merci pour ces superbes citations et réflexions. Je glisse ci-dessous parfois un bref commentaire.

 

Laurent Albarracin

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent,  

 

 

 

 

« Il n’y a rien de plus génial que l’intuition de Karl Barth selon laquelle la vérité est de nature météorique. »  Sloterdjk 

 

 

Je dirais malgré tout plutôt. La certitude apparait de manière météorique. La certitude apparait comme météore de l’ainsi. La certitude apparait comme le météore de l’ainsi ça. La certitude apparait comme météore du miracle. La certitude apparait comme météore de miracle de l’ainsi, comme météore de miracle de l’ainsi ça. La certitude apparait comme météore de l’inconnu. La certitude apparait comme météore de miracle de l’inconnu. La certitude apparait comme météore de miracle inconnu de l’ainsi, comme météore de miracle inconnu de l’ainsi ça.

 

Mmoui, mais tu tords la proposition de départ et je ne suis pas certain que la notion de certitude soit plus forte que celle de vérité. La vérité est météorique parce qu'elle chute, elle tombe sous le sens comme une évidence. Au contraire on élabore, on construit une certitude. Celle-ci est de nature psychologique. On a des certitudes, mais on rencontre une vérité.

 

 

 

« Toute profondeur est involontaire. »  Sloterdjk  

 

La profondeur donne à sentir la volonté de l’inconnu. La profondeur donne à sentir la volonté d’abstraction de l’inconnu.

 

La volonté serait une sorte d'indéterminable déterminé, d'indécidable décidé, d'irrésolu résolu, d'incertain assuré, etc. 

 

 

L’abstraction affirme le geste de tracer l’absolu. L’abstraction affirme le geste de transformer l’absolu en trait, en inscription. L’abstraction affirme le geste de raturer l’absolu, de raturer l’absolu à vide, de raturer l’absolu à la fois à l’intérieur du vide et par le vide. L’abstraction affirme le geste de raturer l’absolu à blanc, de raturer l’absolu à la fois à l’intérieur du blanc et par le blanc.   

 

 

 

« Ce qui est mystique, ce n’est pas comment est le monde, mais le fait qu’il est. »   Wittgenstein  

 

Je dirais plutôt. Ce qui apparait mystique c’est à la fois que le monde existe et qu’il se métamorphose à chaque instant. Ce qui apparait mystique c’est à la fois que le monde existe et que ce qui maintient l’existence du monde c’est sa métamorphose même. Ce qui apparait mystique c’est à la fois que le monde existe et que la métamorphose à chaque instant du monde affirme son existence. « Tant de choses viennent / tant de choses s’en vont, / Et pourtant le monde demeure ! » Emily Dickinson  

 

 Oui je suis d'accord avec toi, et pas avec Wittgenstein : ce qui est mystique n'est pas qu'une chose soit, mais qu'elle soit soi en étant. La citation d'ED à rapprocher d'Héraclite. 

 

 

« C’est le monde du donné une fois pour toutes, du «  c’est ainsi » - la nécessité y est infinie - l’originalité et le hasard y ont une part nulle. Tout y est monotone. »  A. Camus à propos de Spinoza. 

 

Je dirais plutôt. Le monde de l’ainsi apparait comme le monde donné une fois à jamais. Le monde de l’ainsi apparait comme le monde donné et redonné à chaque instant, comme le monde donné et redonné à chaque instant à jamais A l’intérieur du monde de l’ainsi, la nécessité apparait transfinie, la nécessité apparait en dehors du fini et de l’infini à savoir transfinie. L’originalité et le hasard y surviennent malgré tout. L’originalité et le hasard surviennent à l’intérieur du monde de l’ainsi comme formes de la monotonie, comme formes paradoxales de la monotonie. 

 

 Le "c'est ainsi" de Camus doit avoir à voir avec la fatalité, l'absurde. Notre "c'est ainsi" à nous a plus à voir avec la joie de Spinoza et celle de Clément Rosset. 

 

 

Savoir comment allier le paradoxe et la monotonie. Inventer l’alliance du paradoxe et de la monotonie c’est d’abord ainsi sentir la forme paradoxale de la monotonie même. La monotonie apparait paradoxale parce qu’elle montre la multiplicité des rythmes du temps, le tas de rythmes du temps, le tas de rythmes multiples du temps. 

 

 La monotonie c'est l'ennui en méditation.

 

 

 

Quand j’écris j’élabore les tonnes de l’étonnement. Quand j’écris j’élabore les tonnes de la monotonie. Quand j’écris j’élabore les tonnes d’étonnement de la monotonie, les tonnes de monotonie de l’étonnement.  

 

 Oui, Boris.

 

 

 

Une apologie de l’exagération par Bachelard.  

 

« Et comment accueillir une image exagérée, sinon en l’exagérant un peu plus, en personnalisant l’exagération, aussitôt, le gain phénoménologique apparait : en prolongeant l’exagéré, on a en effet quelque chance d’échapper aux habitudes de la réduction. » 

 

« Une philosophe de l’imagination doit donc suivre le poète jusqu’à l’extrémité de ses images, sans réduire jamais cet extrémisme qui est le phénomène même de l’élan poétique. » 

 

« Le phénoménologue (…) prend l’image telle qu’elle est, telle que le poète la crée et il essaie d’en faire son bien, de se nourrir de ce fruit rare. Il porte l’image à la frontière même de ce qu’il peut imaginer. » 

 

Oui, et l'extrapolation est le minimum qu'on doive aux poètes et aux images. 

 

 

« Chaque objet du monde est un germe de monde. »  G. Bachelard  

 

 Tout est dit. 

 

 

 

Le métabole apparait comme un métasymbole, un métasymbole de la chair. La métabole  affirme la chose comme métasymbole. La métabole affirme la chair comme métasymbole. La métabole affirme la chose de la chair comme métasymbole, La chose de la chair se métasymbolise comme métabole de l’ainsi, comme métabole de l’ainsi ça. Cette métasymbolisation de la chair serait ainsi qui sait comparable à ce que Bachelard appelle la sublimation absolue. « Nous pouvons dégager à propos des images poétiques, une sphère de sublimation pure, d’une sublimation qui ne sublime rien, qui est délestée de la charge des passions, libéré de la poussée des désirs. En donnant ainsi à l’image poétique de pointe un absolu de sublimation, nous jouons gros sur une simple nuance. Mais il nous semble que la poésie donne des preuves abondantes de cette sublimation absolue. »  

 

 

 Sais-tu que l'étymologie de "bole" renvoie à l'idée de jeter : de β α ́ λ λ ε ι ν «lancer, jeter» (source CNRTL). 

 

 

Affirmer le désespoir comme dimension du monde. Affirmer le désespoir comme dimension d’inconnu du monde. Le désespoir apparait ainsi comme une forme de grâce. (Cette grâce du désespoir c’est par exemple celle de Cioran.) 

 

 Trop psychologisant, Cioran. Lire La dimension d'inconnu, de Roger Munier (José Corti). 

 

 

L’humour c’est le jeu de savoir descendre (Deleuze). L’humoriste apparait ainsi comme celui qui se tient au sommet du désespoir, au sommet des cimes du désespoir (Cioran) afin de s’amuser ensuite à en descendre, afin de s’amuser ensuite à en descendre de la manière qui lui plait. L’humoriste c’est celui qui s’autorise des gamineries au sommet de l’Himalaya et à l’inverse aussi de prodigieuses solennités à l’intérieur de situations banales.  

 

Il y a un humour par naïveté de Chazal, un humour comme frime de la naïveté, comme mégalomanie de la naïveté, comme frime mégalomane de la naïveté, un humour comme frime de l’innocence, comme mégalomanie de l’innocence comme frime mégalomane de l’innocence. 

 

 "Frime de la naïveté"... quel paradoxe... 

 

 

« L’intelligence allonge les bras du compas du cerveau, mais seule l’intuition, cette faculté qui enjambe, ouvre les branches de ce compas. A quoi cela servirait-il à l’homme de disposer de bras gigantesques, si ces bras devaient être tout le temps collés au corps ? »  Chazal  

 

 

 Superbe. 

 

 

 

« Un tiroir vide est inimaginable. Il peut seulement être pensé. »  Bachelard 

 

 Très juste, et je crois qu'il veut dire par là que l'imagination est supérieure à la pensée en cela qu'elle remplit même les tiroirs vides. La pensée vide les tiroirs, l'imagination les comble de petits bouts de riens poussiéreux et autres rognures d'ongles. 

 

 

« Le monde est plein de fausses analogies, il ne se passe pas un jour sans que croisse la montagne d’ordures des comparaisons ratées. » Sloterdjk 

 

Je n’ai pas l’impression qu’il y ait ainsi que le pense Sloterdjk une sorte de trop-plein ou de de dépotoir des comparaisons ratées. Je pense plutôt que ce qui hante et suffoque notre époque ce serait la pollution des comparaisons non-dites, la pollution des comparaisons inaccomplies. En effet nous vivons une époque où la métaphore est sans cesse interdite, une époque où l’interdit de la comparaison règne. Il est par exemple désormais à la fois obligatoire de respecter les animaux et interdit de comparer un homme à un animal. Autrement dit les animaux doivent être respectés en tant que concepts ou en tant qu’idées jamais cependant comme images ou comme formes. Et de même l’homme doit être respecté en tant que concept ou en tant qu’idée mais jamais comme image ou comme forme.   

 

 

« Existe-t-il une noyade sèche due aux phrases non-dites ? »  Sloterdjk 

 

Et à l’inverse existe-t-il un feu fluide et même un feu de fraicheur, un feu de fraicheur fluide provoqué par les phrases dites, provoqué par les phrases dites à l’instant exact ?   

 

 

« J’aime mieux les hommes engagés que les littératures engagées. Du courage dans sa vie et du talent dans ses œuvres, ce n’est déjà pas si mal. (…) Il parait qu’écrire aujourd’hui un poème sur le printemps serait servir le capitalisme. Je ne suis pas poète mais je me réjouirais sans arrière-pensée d’une pareille œuvre si elle était belle. On sert l’homme tout entier ou pas du tout. Et si l’homme a besoin de pain et de justice, et s’il faut faire ce qu’il faut pour satisfaire ce besoin, il a besoin aussi de la beauté pure, qui est le pain de son cœur. » « Si tout se réduit vraiment à l’homme et à l’histoire, je me demande où est la place : de la nature - de l’amour - de la musique - de l’art. »   A. Camus   

 

 

« Si les grecs ont formé l’idée du désespoir et de la tragédie, c’est toujours à travers la beauté, et ce qu’elle a d’oppressant. C’est une tragédie qui culmine. Au lieu que l’esprit moderne a fait son désespoir à partir de la laideur et du médiocre. »   A. Camus   

 

 

« Il ne peut y avoir de dialectique de la matière, la dialectique suppose le logos et la pensée. Une dialectique n’est possible que de la pensée et de l’esprit. »   Berdiaev  

 

C'est très anti-poétique de dire cela je trouve. Les choses sont pleines de contradiction. On ne soupçonne pas la mie de dialectique que contient une poignée de neige.

 

 

« La philosophie allemande a mis un mouvement dans les choses de la raison et de l’Univers - alors que les anciens y mettaient une fixité. On ne dépassera la philosophie allemande - et l’on ne sauvera l’homme- qu’en définissant ce qui est fixe et ce qui est mobile (et ce dont on ignore s’il est fixe ou mobile).  »   A. Camus

 

 Oui mais définir c'est fixer, en philosophie du moins. En poésie, au contraire, définir c'est requalifier. 

 

 

 

Tu écris comme un baroque stoïcien.

 

 Et toi comme un épicurien de l'abstraction. 

 

 

Tu as aussi un aspect apothicaire du pléonasme, apothicaire laconique du pléonasme. Le laconisme à savoir l’aptitude à tenir un lac à l’intérieur d’un cône.

 

 Je prends. 

 

 

 

Il y a parfois encore une indifférence rêveuse de ton caractère, l’indifférence à savoir le sentiment du pareil au même.  Par quel long chemin d’indifférence entre tout, la chose s’en va du pareil au même

 

 

Hello est une sorte de polémiste neutre, de pamphlétaire diaphane. Hello pense presque comme Bloy, cependant son style est sans violence, son style est incroyablement limpide et posé. Hello pense comme Bloy et il écrit pourtant comme Joubert, avec une netteté limpide comme Joubert.  

 

" Pamphlétaire diaphane"... quel oxymore... 

 

 

« Le blason proprement dit était bien entendu l’apanage d’une élite. Mais dans une certaine mesure, il était également une sorte d’héraldique plébéienne, puisque les boutiques, aussi bien que les châteaux, n’étaient pas désignés par des noms mais par des emblèmes. »   Chesterton

 

Oui, et voir le calembour ou le rébus dans l'héraldique populaire, du type les noms d'auberges "Au Lion d'Or" (au lit on dort). (Je ne sais plus qui parle de ça, Claude Gaignebet peut-être.)

 

 

 

« « Ce me semble rouge » - « Et comment est le rouge ? » - « Ainsi. » Et ici, on doit indiquer le bon échantillon. »  Wittgenstein.

 

 Bof, la philosophie analytique me surprend toujours comme un énoncé qui ne dit rien, rien que son refus d'énoncer quoi que ce soit, rien que sa précaution heuristique en quelque sorte, et ça ne m'intéresse pas beaucoup.

 

 

 

Ceci me semble rouge. Mais quelle apparence a-t-on ainsi décrite ? L’apparence d’une surface rouge. Mais comment est-ce quand c’est rouge ? Justement comme ce qu’on vient de montrer ! Ce qui semble rouge semble être ce qu’est ce qui est comme ce qui semble rouge. Ce qui semble rouge est comme rouge, est exactement comme il serait s’il était rouge. » V. Descombes, Grammaire d’Objets en tous genres. 

 

 

 

Un jeu de mot de Joyce indiqué par Mc Luhan : réel et reel, la bobine en anglais. Il y aurait ainsi une bobine du réel. Ce qui embobine le réel, c’est le cinéma. Ce qui embobine en abyme le réel c’est le cinéma.

 

 Oui, c'est curieux, le mot "réel" semble formé seulement d'un préfixe et d'un suffixe, avec rien au milieu.

 

 

 

Une question à propos du cinéma. Y’a-t-il pour toi un cinéma de la tautologie, un cinéaste de la tautologie ? Y’a-t-il pour toi un cinéaste qui parvient à donner à voir la tautologie des choses ou même la tautologie du monde ? J’ai le sentiment que le seul qui y parvienne parfois c’est Ozu.   

 

 

 Je ne sais pas. 

 

 

Affirmer à la fois l’ouverture du oui et la fermeture du non. Affirmer à la fois la fermeture du oui et l’ouverture du non. Savoir à la fois s’ouvrir et se fermer dans tous les sens. Seule la fleur sait à la fois s’ouvrir et se fermer dans tous les sens. 

 

 Oui ! 

 

 

« Il est des choses qu’on ne retient que parce qu’elles n’ont aucun rapport avec quoi que ce soit. »   E. Canetti  

 

C'est à retenir, ça.