Bonjour Laurent,

 

 

 

Je t’envoie ces phrases étonnantes de Wittgenstein extraites de De La Certitude. Pour indication, j’avais découvert pour la première fois ces phrases citées par Jean-Luc Godard à l’intérieur de ses Histoires du Cinéma.

 

« Si un aveugle me demandait « As-tu deux mains ? » ce n’est pas en regardant que je m’en assurerais. Oui, je ne sais pourquoi j’irais faire confiance à mes yeux si j’en étais à douter. Oui, pourquoi ne seraient-ce pas mes yeux que j’irais vérifier en regardant si je vois mes deux mains ? » 

 

Et encore ceci de Wittgenstein à rapprocher de ton texte du Grand Chosier à propos du tiroir. « Si j’ai mis un livre dans un tiroir, je présume qu’il s’y trouve à moins que … « L’expérience me donne toujours raison. Il ne s’est encore présenté aucun cas digne de foi où un livre aurait (simplement) disparu. » Le cas s’est souvent présenté que l’on n’ait jamais retrouvé un livre alors qu’on croyait savoir avec certitude où il était. -Mais l’expérience ne nous en apprend pas moins en réalité qu’un livre, par exemple, ne disparait pas. (Comme s’il s’évaporait peu à peu.) Mais est-ce cette expérience que nous avons des livres, etc., qui nous incite à présumer que ce livre ne s’est pas évanoui ? Supposons maintenant que, dans des circonstances nouvelles, nous constations que des livres disparaissent, ne modifierons-nous pas ce que nous présumons ? »

 

 

« Entre quelque chose et rien, il y a. (…) Il y a tout court. Non pas il y a quelque chose, non pas il y a rien, mais il y a. (…) La question « Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » n’est pas la bonne, tout comme « être ou ne pas être » n’est pas la bonne non plus. Il y a une autre question bien plus déroutante : Qu’est-ce qu’il y a entre quelque chose et rien. »  J. Berroyer

 

Une hypothèse. Ce que tu nommes le cela ou ce que je nomme l’ainsi ce serait ce qui survient entre la chose et le vide. 

 

« Tous les objets qui nous entourent sont doués d’une terrible ambiguïté. Ils peuvent tous entrer en rapport  les uns avec les autres, mais ils restent voués à une impitoyable extériorité spatiale. Aucun objet ne peut avoir de lieu commun avec un autre, une tasse ne peut être là où est la soucoupe.

Aussi, nous qualifions les objets par leur situation dans l’espace : la lampe est sur la table, le tapis dessous, la chaise devant la table, le mur derrière. Les objets se cachent les uns les autres, se superposent ou s’espacent. Certains servent de refuge à d’autres - une table-, certains au contraire campent, solitaires, exclusifs et solennels - un fauteuil.

Pourtant, il est des objets qui n’obéissent pas à cette loi. Certes, comme tous les autres, ils sont dans un lieu, ils occupent un espace, mais ils créent un vide, non pas autour d’eux, plutôt derrière eux. Ce sont des objets étranges derrière lesquels il n’y  rien, du moins sous certaines conditions. (…)Il est temps alors de les nommer : c’est la feuille sur laquelle on écrit, la page d’un livre, l’écran de télé ou de cinéma, les tableaux, les photos que l’on accroche au mur, sans doute pour qu’il n’y ait rien derrière le mur… »»  J. Berroyer

 

 

Enfin une formule de Blanchot. « Les abords d’un secret sont plus secrets que lui-même. »

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt               Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris,

pardonne-moi pour mon silence, j'essaie vainement de rattraper mon retard de courrier.

Belles phrases que tu m'envoies là, il faudrait les méditer longuement.

Les jeux logiques de Wittgenstein me font toujours penser à Eric Duyckaerts. Tu connais cet "artiste performeur" génial ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Laurent,

 

 

J’ai  regardé quelques vidéos d’Eric Duyskaerts. Le qualificatif de génial que tu proposes me semble très flatteur. Disons que c’est assez drôle. La technique comique d’Eric Duyskaerts ressemble parfois à celle de Chris Esquerre. (D’ailleurs leurs noms même se ressemblent.) Eric Duyskaerts a aussi des attitudes et des intonations proches de Marc Fraize (qui joue par exemple dans Au Poste de Quentin Dupieux). Autrement celui que je trouve très bon dans ce style du comique pédagogique c’est Alexandre Astier, les passages d’explications diverses face à Perceval dans Kaamelott, et aussi son spectacle intitulé l’Exo-Conférence.   

 

 

 

 

                                                                                                              A Bientôt               Boris