Existence
L’existence terrifie sans jamais angoisser. L’existence provoque la terreur sans jamais engendrer l’angoisse.
Il est idiot de croire que le fait exclusif de vivre suffit à rendre l’homme sacré. La souveraineté d’un homme n’a lieu qu’à l’instant où il parvient à inventer un style d’existence par lequel il donne une forme à la vie.
Le charme d’une existence révèle le style par lequel cette existence parvient à extraire son apparition de l’impératif d’appartenir à l’espèce humaine. Le charme d’une existence révèle l’exaltation d’exactitude de son inhumanité.
Le problème de l’existence n’est pas de connaitre le sens de la vie. Le problème de l’existence affirme plutôt la tentative de savoir de quelle manière c’est-à-dire selon quel style métamorphoser la totalité du sens de la vie face à chaque événement particulier. Le problème de l’existence provoque le jeu d’inventer des gestes afin de transformer la spectralité totalitaire du sens en don symbolique d’un style. Le problème de l’existence provoque le jeu de transformer le placenta spectral du sens en parabole immédiate de la clandestinité, en poignard impeccable de la chute alibre de la chair.
L’existence affirme le geste d’apparaitre projeté au monde c’est dire d’apparaitre à la fois donné au monde comme abandonné par le monde.
L’existence du monde apparait toujours plus étonnante que l’existence de l’homme. L’existence d’un autre homme suscite parfois du désir ou de l’intérêt, cependant elle ne provoque jamais de la fascination comme celle d’un brin d’herbe, d’un tigre ou de l’océan.
Il y a une euphorie incroyable à aimer les hommes comme des choses. Ce qu’une existence humaine a d’inoubliable, ce sont surtout les sensations que cette existence nous donne. Chaque homme apparait inoubliable comme forme de monde. Chaque existence humaine provoque ainsi parfois l’apparition unique d’un monde. Chaque existence humaine donne l’abandon debout d’un monde.
Seul existe ce qui apparait innocent et monstrueux.
Quand l’existence affirme la sensation de la nécessité, elle apparait comme forme de l’innocence.
Quand l’existence déclare le repos translucide de la monstruosité, l'existence devient un prétexte de la solitude à.
L’existence devient forme de la nécessité quand il n’a plus de différence entre les besoins d’une chair et la projection de cette chair à l’intérieur de la parole. L’existence devient forme de la nécessité quand une chair devient le symbole absolu de son amour.
Celui qui apparait sauvé détruit les preuves de sa vie par la désinvolture de son désespoir, par l’euphorie même de sa terreur.
La forme invulnérable de l’existence apparait apte à se détruire elle-même par certitude de l’extase comme chose de la tragédie.
La chose qui sauve apparait comme la sauvagerie de l'illusion, le gag d'anesthésie de l'instinct, la déclaration de calme de l'imagination c’est à dire le blanc illisible du coma à l’intérieur de la main debout de l'envol du sang.
Il est vain d’éprouver de la pitié envers soi-même. Il est seulement préférable de bénir son existence par l’obscénité lucide d’une nécessité sans pardon.
Les instants de notre existence n'ont aucun rapport les uns avec les autres, sauf notre existence même. Les instants de notre existence n'ont aucun rapport les uns avec les autres, sauf leur coïncidence à l'intérieur de l'extase inachevée de notre chair.
L’extase d’exister affirme l’instinct d’apparaitre en dehors de la vie et de la mort.
Chaque geste de l’existence improvise la certitude de l’inexorable. Chaque geste de l’existence affirme le jeu alibre d’apparaitre immortel en dehors de l’éternité.
La sensation d’exister déclare la posture de silence du crâne. La sensation d’exister déclare l’extase de silence bestial du destin.
Il reste préférable d’apparaitre fasciné par l’avoir lieu de son existence et de rester indifférent aux situations de sa vie. Il reste préférable d’apparaitre fasciné par l’avoir lieu de souveraineté insouciante de son existence et de rester indifférent à l’ennui futile des circonstances de sa vie.
Les gestes souverains de l’existence apparaissent malgré tout en relation temporelle avec les actes vulgaires et distraits de la vie. Cette ressemblance de temps entre la souveraineté de l’existence et la vulgarité de la vie est un indice d’absurdité anthropomorphe.
A l’intérieur de l'existence, l'histoire n'a aucune importance. A l’intérieur de l'existence, l’oubli sans pardon de l’espace méprise l'histoire par la pulsion d’apparaître des gestes du temps.
Connaitre ou non les anecdotes, les aventures, les idées et les croyances d’un autre homme n’a aucune importance. Ce qu’il est seulement nécessaire de sentir ce sont les instants où l’âme touche et déclare son existence. Ce qu’il est aussi nécessaire de savoir c’est si cette âme de l’autre intensifie ou non notre existence.
L’existence apparait temporelle et mortelle quand elle apparait touchée comme déclarée par l’âme. A l’inverse lorsque l’homme n’a pas d’âme, il est éternel. Lorsqu’il n’a pas d’âme, l’homme survit en tant qu’éternité ridicule, en tant que suppôt d’une résurrection insignifiante.
L’existence serait naturelle si les hommes vivaient l’intégralité de leur existence à l’intérieur du ventre de leur mère. L’existence serait artificielle si les hommes n’avaient jamais été engendrés. L’existence serait artificielle si les hommes étaient conçus et se développaient sans jamais avoir vécu à l’intérieur du ventre de leur mère. Ainsi parce que les hommes ont vécu à l’intérieur du ventre de leur mère et que cependant ils n’y sont pas restés, l’existence apparait à la fois naturelle et artificielle. L’existence apparait comme l’artifice naïf du hasard incroyable de la nécessité.
Il est difficile de savoir si un homme qui saurait chacun des événements de son existence, leur ordre et la forme de leurs correspondances symboliques, qui aurait déjà vu l’intégralité de son existence projetée comme un film sur l’écran de son crâne avant de venir au monde, serait un innocent absolu ou un pervers infini, s’il serait un saint du cynisme, un assassin désintéressé ou encore un messie paradoxal de l’insouciance.