Sagesse

 

 

 

 

 

 

 

Apparaitre face à la catastrophe incroyable des événements a quelque chose de beaucoup plus exaltant que de les effacer en prétendant à la façon du bouddhisme que les événements ne sont rien d’autre que des simulacres engendrés à travers nos désirs. Le renoncement n’est pas une ascèse, il n’est rien d’autre que le confort ridicule du néant. Récuser l’intensité des événements est identique à l’acte de nier l’apparition de la terreur comme de la joie. Il y a dans le bouddhisme une sorte de timidité nihiliste qui abolit l’audace obscène d’avoir lieu, l’extase indécente d’apparaitre là. L’ascèse de la sagesse n’est pas de croire qu’il n’y a rien. L’ascèse de la sagesse affirme à l’inverse qu’il y a des choses du monde à vouloir comme à aimer. Et affirmer cela nécessite une élégance et un courage beaucoup plus grands que de croire qu’il n’y a rien d’autre qu’un simulacre d’univers.

 

 

 

La conception bouddhiste abolit à la fois la joie d’exister et la terreur de perdre l’existence, elle ne laisse subsister que la satisfaction idiote de l’indifférence. La sagesse de l’ascèse affirme à l’inverse que parce que le monde existe, chaque instant apparait de manière approximative. Et il devient ainsi extrêmement plaisant de savourer les instants approximatifs de l’immanence du monde comme des formes à la fois innocentes et injustes de la nécessité.

 

 

 

La sagesse affirme le geste de jouir du monde sans s’énerver. Ainsi la sagesse n'est pas d'anéantir le désir ou la passion. La sagesse affirme plutôt le geste de mépriser les simulacres du désir et de la passion. La sagesse affirme le geste de jouir des formes du monde par la nécessité de l'illusion.

 

 

 

Le jeu de la sagesse affirme le geste de saluer le monde de telle manière que le monde sente la forme de ce salut. Le jeu de la sagesse affirme le geste de saluer le monde afin que le monde réponde d’un geste clandestin à la solitude alibre de votre salut.

 

 

 

Le problème de la sagesse n’est pas de parvenir à accumuler d’innombrables connaissances à l’intérieur de sa vie. Le problème de la sagesse essaie plutôt d’affirmer l’extase monstrueuse de l’existence à l’intérieur de l’équilibre de vide de la certitude.

 

 

 

L’élégance de la sagesse affirme le geste de savoir comment s’éloigner de ses ennemis de telle manière qu’ils s’éloignent eux aussi de nous. En effet s’éloigner d’un ennemi ne présuppose pas que cet ennemi s’éloigne de vous. L’élégance de la sagesse affirme le geste  de donner un style à sa fuite. L’élégance de la sagesse affirme le geste de donner une forme à son mépris plutôt que d’échanger des signes de haine.

 

 

 

 

 

La sagesse n’est pas d’avoir raison.

 

 

 

La sagesse écoute la raison seulement par plaisir c’est-à-dire uniquement quand cela reste inutile.

 

 

 

La sagesse affirme le geste d’inventer le lieu de rencontre de l’indécence de son charme et de l’équilibre de sa déraison.

 

 

 

 

 

 

 

La sagesse affirme le geste de parvenir à exister sans être ni le maitre ni l’esclave, ni même l’égal de sa chance. La sagesse affirme le jeu d’apparaitre comme l’amant du coma inachevé de sa chance, sa chance c’est-à-dire le plaisir impeccable de sa chute.

 

 

 

La sagesse affirme le geste de déclarer la trajectoire de la chute. La sagesse affirme le geste de déclarer la posture de terreur de l’obscénité.

 

 

 

L’élégance du sage affirme le jeu d’apparaitre comme si l’idée d’homme n’existait pas et qu’il devait ainsi l’inventer et l’oublier à chaque instant.

 

 

 

La sagesse devient une forme de miracle obscène quand elle affirme la sensation de la disparition de l’homme comme rature d’extase du paradis.

 

 

 

 

 

La sagesse sait comment jouer à s’évanouir à l’instant de dire bonjour.

 

 

 

La sagesse sait comment jongler avec l’habitude de l’apocalypse.

 

 

 

L’élégance de la sagesse affirme le geste de crucifier des globes et de sphériser des croix.

 

 

 

Le sage porte son crâne au sommet de son cou comme le volcan d’esquives invulnérables de son odeur.

 

 

 

 

 

La virtuosité de la sagesse affirme l’audace de sentir l’équilibre d’illusion de son nom.

 

 

 

Entre la chair et le monde il y a le feu d’amnésie du langage. Le jeu de la sagesse est d’essayer de respirer la crampe de rebond de ce feu afin de transformer le feu d’amnésie du langage en équilibre de clarté de l’offrande.

 

 

 

 

 

L’élégance du sage affirme le geste d’apparaitre à chaque instant abandonné par ce qu’il regarde.

 

 

 

L’élégance de la sagesse affirme le geste d’apparaitre toujours vêtu à l’intérieur de ses souvenirs comme toujours nu à l’intérieur de l’amnésie.

 

 

 

La virtuosité de la sagesse affirme le jeu de manger ses mains et de sauvegarder malgré tout ses ongles intacts comme les satellites de sa mutilation.

 

 

 

 

 

La sagesse affirme le geste de détruire sans honte la vérité de son cadavre.

 

 

 

L’élégance de la sagesse sait comment imaginer les morts sans les juger. L’élégance de la sagesse sait comment imaginer les morts sans les identifier à l’éternité du sens. La sagesse sait comment mépriser le désir de résurrection.

 

 

 

L’obscénité de la sagesse affirme le jeu de ne posséder le sexe d’un visage qu’à l’instant de mourir.

 

 

 

 

 

 

 

Le virtuose de la sagesse révèle la forme de la distinction comme trajectoire de souffle funambule de son profil.

 

 

 

Le virtuose de la sagesse parvient à ne suicider que son profil. Le virtuose de la sagesse sait comment ne se pendre qu’à son profil.

 

 

 

 

 

La sagesse apprend comment dormir aux machines. La sagesse apprend aux machines différents styles aléatoires de sommeil.

 

 

 

L’élégance de la sagesse révèle le sommeil comme préhistoire de subtilité de la chair.

 

 

 

Le sage essaie de devenir le sommeil de sa malédiction.

 

 

 

L’audace de la sagesse affirme le jeu de savoir comment dormir sous le visage des bombes.