Téléphone

 

 

 

 

 

 

 

Le téléphone est une horloge parlante.

 

 

 

L’horloge parlante ne dit jamais la même chose. C’est pourquoi elle est infiniment ennuyeuse.

 

 

 

 

 

Le téléphone est une tétine légiférante. Le téléphone est la tétine de futilité de la loi.

 

 

 

Téléphoner c’est téter l’information de l’heure sociale.

 

 

 

L’appareil du téléphone est un nombril objectif. Les connexions du téléphone sont des cordons ombilicaux qui nous relient à l’ersatz de mère de n’importe qui. L’appareil du téléphone change chacun de nos nerfs en des cordons ombilicaux d’anonymat.

 

 

 

Il suffit de téléphoner à quelqu’un sans avoir jamais vu son visage pour être alors hanté à travers la condamnation à mort de l’anonymat.

 

 

 

 

 

Un coup de fil est la plus folle des tortures.

 

 

 

Les prophéties de fatigue du cerveau sont conservées dans le placenta de formol des coups de téléphone.

 

 

 

 

 

Le téléphone est un instrument religieux. Chaque coup de téléphone est divin. Téléphoner est l’acte de sacrifier l’âme à la pure possibilité de Dieu.

 

 

 

Le téléphone anéantit le charme de la voix. Ce qui parle au téléphone n’est pas une présence, c’est une absence. Ce qui parle au téléphone n’est pas la voix, c’est l’inconscient de la voix. Il y a une imposture ontologique du téléphone. Le téléphone inverse la structure conventionnelle de la duplicité. La duplicité conventionnelle est de dissimuler la voix intime de la chair à travers un simulacre de corps. La duplicité du téléphone est de dissimuler le silence de la chair à travers le simulacre d’une parole intime.

 

 

 

La hantise du téléphone  engendre des journées d’insomnie diurne. La hantise du téléphone développe l’insomnie du jour même, une insomnie qui anéantit simultanément le besoin et le désir de dormir. La hantise du téléphone change le corps en une pure information de la fatigue.

 

 

 

Lorsqu’au téléphone, on emploiera en tant que code de politesse, à la place du allô phatique, la simulation pornographique des soupirs de l’orgasme, une peur sociale infinie règnera.