Erotisme

 

 

 

 

 

 

 

Le sexe n’est pas initiatique. Le sexe n’est pas une serrure de cristal à travers laquelle il serait possible de voir la vérité secrète de l’univers.

 

 

 

Il n’y a pas de vérité sexuelle. C’est pourquoi jouir du sexe d’une femme est parfois un acte aussi insignifiant que celui de mâcher un chewing-gum et qu’à l’inverse faire l’amour avec une autre femme ressemble au geste magnifique de voler à l’intérieur d’un souterrain, de planer impeccable à l’intérieur d’un volcan.

 

 

 

Le sexe n’est pas rien. Croire que le sexe est rien est le signe d’un ressentiment envers la sensation d’obscénité du monde. Le sexe n’est pas exclusivement le sexe. Croire que le sexe n’est rien d’autre que le sexe change le sexe en une tautologie transcendante. Croire que le sexe n’est rien d’autre que le sexe oblige à penser que n’importe quoi est apte à symboliser le sexe mais que le sexe n’est jamais apte à symboliser quoi que ce soit. Croire que le sexe n’est rien d’autre que le sexe est une façon de croire que le sexe est l’origine même de la pensée, ce qui exclut alors le sexe du tourbillon d’obscénité des symboles. Le sexe apparait plutôt comme une parure rituelle du besoin. C’est pourquoi chaque chose du monde a l’aptitude d’apparaitre comme une métaphore du sexe. Et c’est pourquoi aussi le sexe a l’aptitude d’apparaitre comme une métaphore de chaque chose du monde.

 

 

 

La vulgarité sexuelle est de croire que puisqu’une femme n’est rien d’autre qu’une femme, il est obligatoire de désirer cette femme. La vulgarité sexuelle ignore le charme de la préférence érotique. A l’inverse l’érotisme affirme l’apparition de la femme comme métaphore d’une chose inconnue. L’érotisme affirme la chair de la femme comme coïncidence d’une existence immédiate et d’une chose inconnue. Et la subtilité de l’instinct devient ainsi de savoir comment savourer cette coïncidence.

 

 

 

L’erreur de la psychanalyse est de prétendre que le désir sexuel est incessant, que le désir sexuel est une sorte d’énergie infinie. La psychanalyse interdit donc de penser la discontinuité du désir, à savoir la forme de sa finitude comme la forme de son illusion. L’érotisme n’est ni biologique ni sémiologique. L’érotisme apparait précisément comme le geste d’esquiver les obligations organiques et signifiantes du désir. L’érotisme calligraphie la danse cosmétique des pulsions. L’érotisme joue à inscrire les pulsions comme forces qui disparaissent sans s’effacer. L’érotisme joue à inscrire la translucidité impure des pulsions comme postures d’une catastrophe heureuse à l’instant l’instant.

 

 

 

Il n’y a pas d’interdit sexuel. Il y a seulement les règles alibres de la stylisation du viol.

 

 

 

 

 

La jouissance survient toujours solitaire. Jouir à l’intérieur de la présence d’une femme ou jouir à travers l’image d’une femme absente est identique. Ce qui diffère c’est le plaisir, c’est-à-dire l’approche comme le partage sensuel de la solitude de la jouissance. Il n’y a quasiment aucun plaisir à partager la solitude de la jouissance à travers l’image d’une femme absente. Il y a beaucoup de plaisir à partager la solitude de la jouissance avec la présence d’une femme. L’érotisme affirme la cérémonie du partage de la jouissance. L’érotisme affirme le partage rituel comme sensuel de la solitude de la jouissance. L’érotisme affirme ainsi la chair comme chose rituelle de la nécessité sensuelle.

 

 

 

L’érotisme méprise la vérité du sexe par le geste de salut de l’instinct. L’érotisme affirme le jeu de dire bonjour à la chair de l’autre avec son plaisir. L’érotisme affirme le jeu de saluer la chair de l’autre avec l’exclamation d’immobilité de son plaisir.

 

 

 

Les deux sexes ne partagent pas le même désir. Les deux sexes ne partagent pas le même vide. Les deux sexes partagent malgré tout le même événement. Les deux sexes partagent la volonté de sensualité de la rencontre.

 

 

 

L’érotisme n’est pas de réaliser ses phantasmes. L’érotisme joue plutôt à imaginer les postures de hasard insensé de l’excitation.

 

 

 

La compréhension de l’autre n’est pas indispensable au plaisir érotique. Le désir même n’est pas indispensable au plaisir érotique. La seule nécessité du plaisir érotique c’est la connivence, la connivence sensuelle de l’excitation (connivence : en botanique se dit des organes qui se touchent à leur sommet).

 

 

 

Le jeu de l’érotisme affirme le geste de savoir comment donner à sentir à chaque instant l’avoir lieu postural du sexe comme forme immédiate de l’utopie de telle manière que la chair de l’autre rencontre la métamorphose d’évanouissement de cette utopie.

 

 

 

 

 

L’érotisme déclare l’érection taboue du sommeil.

 

 

 

L’érotisme révèle l’architecture de hasard du sommeil.

 

 

 

Partager le sommeil avec l’autre affirme le symbole de la connivence érotique. Partager la solitude du sommeil avec la présence de la chair de l’autre affirme le symbole de silence de la connivence érotique.

 

 

 

 

 

Il est ridicule de parler d’érotisme à quelqu’un avec qui nous ne voulons pas faire l’amour.

 

 

 

La parole érotique apparait uniquement par excitation clandestine. La parole érotique méprise la publicité et la gloire.

 

 

 

 

 

Lorsque l’homme se caresse en l’absence de la femme, sa main excite son sexe. Quand l’homme se caresse en présence de la femme, son sexe excite sa main.

 

 

 

Le jeu de l’érotisme affirme le geste de disjoindre le miracle des mains afin de ne pas prier avant de caresser une femme.

 

 

 

Le jeu de l’érotisme affirme le geste de déposer la sagesse à l’intérieur d’une main et la déraison dans l’autre main et de caresser ensuite la femme sans que la femme ne parvienne jamais à savoir dans quelle main se trouve la sagesse et dans quelle main la déraison. A cet instant ni l’homme ni la femme ne parviennent à le savoir, seul le scandale de jubilation des sexes en possède la sensation.

 

 

 

 

 

L’érotisme affirme la valeur d’usage du don. L’érotisme affirme le geste d’utiliser le don de symbole de la chair.

 

 

 

L'érotisme donne à sentir l'os de tentation de l'errance. L'érotisme donne à sentir l'os de tentation de l'errance comme crucifiction apocryphe du miracle.

 

 

 

L’érotisme déclare les acrobaties d’évidence du mourir en deçà du désir de mort.

 

 

 

 

 

Ce qui apparait étrange et émouvant à l’intérieur de l’érotisme, c’est le cynisme paradoxal des organes sexuels même. L’érotisme révèle une forme d’indécence abstraite, celle de l’excitation de l’anesthésie.

 

 

 

Les angoissés effectuent l’acte sexuel pour se pardonner réciproquement leurs fautes. A l’inverse l’insouciance de l’érotisme affirme le geste de partager les ratures de précision de la chair par l’extase d’un oubli sans pardon.

 

 

 

L’érotisme révèle la volupté de désespoir d’avoir confiance en sa méfiance comme la volupté de méfiance d’avoir confiance en son désespoir.

 

 

 

La pudeur de l’érotisme pare l’obscénité du visage avec la lucidité bienveillante du sexe.

 

 

 

 

 

L’élégance de l’érotisme affirme le geste de détruire le désir de néant.

 

 

 

L’élégance de l’érotisme affirme le geste de transformer la prière de scepticisme du désir en volonté de certitude du besoin.

 

 

 

L’érotisme n’est pas la tentation de transgresser le Saint Esprit de l’espèce. En effet le désir de transgresser n’est rien d’autre que celui de l’espèce même. Le souhait de transgresser la différence sexuelle est un signe de stupeur fœtale. Ainsi l’érotisme affirme le geste de mépriser le Saint Esprit de l’espèce par l’illusion de bestialité de l’excitation.

 

 

 

Faire l’amour n’est pas authentifier son appartenance à l’espèce humaine. Faire l’amour invente le jeu de tragédie d’affirmer l’espèce humaine comme un fragment parmi d’autres de l’apparition de la chair à l’intérieur du paradis.

 

 

 

L’érotisme n’est pas de transgresser la loi à travers la liberté du désir. L’érotisme affirme le geste d’inventer l’improvisation de certitude de l’instinct comme rituel d’anesthésie du plaisir.

 

 

 

 

 

Faire l’amour intégralement habillé révèle la forme luxurieuse de la chasteté.

 

 

 

Faire l’amour détruit les fantômes. Faire l’amour détruit les fantômes par le magma alibre de la grâce. Faire l’amour détruit les fantômes par les règles alibres de la grâce, par le magma de règles alibres de la grâce.

 

 

 

 

 

Dans un univers où chacun ignorerait quel est son sexe, le désir ne serait pas impossible, le désir serait obligatoire, obligatoirement possible.

 

 

 

Celui qui ignore quel est son sexe est condamné à bavarder sans cesse même lorsqu’il est muet.

 

 

 

Celui qui sait comment écouter tranquillement le silence des Sirènes ne se croit pas obligé de s’attacher au mat de son sexe en érection.

 

 

 

 

 

A l’intérieur du monde où les sexes apparaissent seulement par la pulsation de la voix et le rythme des phrases, d’innombrables corps jouissent au hasard sans jamais savoir à quoi ressemble la forme de leur sexe.

 

 

 

A l’intérieur du monde de l’obscénité inexorable, il apparait tabou de reconnaitre le sexe de l’autre avec son regard comme il apparait nécessaire de toucher l’âme de l’autre afin de savoir à quoi ressemble la forme de son sexe.

 

 

 

A l’intérieur du monde où il apparait nécessaire de jouir de la chair de l’autre pour savoir à quoi ressemble la forme de son sexe, seul le libertin mystique n’a pas peur de faire l’amour.